La chronique de Grégoire Polet: Vu de Sirius

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

L’histoire de la Belgique est une feuille pliée en deux. Le pli se trouve sur 1960. C’est le moment où la force économique bascule du Sud vers le Nord. Jusqu’à 1960, les Wallons produisent plus de richesse et ont un plus faible taux de chômage que les Flamands. Autour de 1960, la balance se met à pencher de l’autre côté.

Jusqu’en 60, ce sont donc les Wallons qui donnent le ton. Ce sont leurs passions qui occupent le devant de la scène. En l’occurrence, l’antagonisme droite vs gauche, catholique vs laïc, concrétisé principalement par la longue guerre scolaire.

À partir de 60, donc, puisque le décor change (et le hasard ayant bien voulu que les Wallons aient justement mis un terme à leur grande affaire avec le Pacte scolaire, en 1958-59), ce sont désormais les Flamands qui donnent le ton. Leurs préoccupations vont occuper le devant de la scène. C’est aussi naturel que ça. Et également légitime.

Aussi, après 1960, coup sur coup : gel de la frontière linguistique, redessinement des provinces et création d’un régime de communes à facilités, etc. Le clivage structurel du monde politique, qui était, classiquement, idéologique (gauche-droite) devient communautaire ; les partis se divisent : PSC devient PSC et CVP, PS devient PS et SP, etc.

L’histoire de la Belgique est une feuille pliée en deux. L’obsession communautaire des Flamands n’est pas moins légitime que les obsessions wallonnes-francophones d’avant 60. Elles ne sont pas anti-belges, elles sont structurellement belges. Ce n’est pas ce qui empêche la Belgique de marcher, mais c’est la marche même de la Belgique. On peut juger cela sévèrement ; mais on peut aussi l’admettre, dédramatiser, et inviter à y porter une attention plus sereine, moins paniquée, plus assumée et plus digne.

Grégoire Polet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content