Qualifié de « pharaonique », le projet de la nouvelle Gare du Nord à Paris ne voit pas le bout du tunnel

« Plus belle, plus verte »: en dépit des promesses, le projet de réaménagement de la Gare du Nord à Paris, première gare d’Europe, passe mal auprès des autorités locales, qui dénoncent une « zone commerciale », risquant de retarder les travaux à l’approche des JO de 2024.

La gare, d’où partent notamment les Thalys vers la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne et les Eurostar vers l’Angleterre, est prise d’assaut par 700.000 voyageurs quotidiens.

Présenté en juillet 2018, le programme alliant réaménagement des espaces et construction de nombreuses boutiques ne fait plus l’unanimité. Une Commission doit trancher jeudi pour savoir s’il peut se poursuivre ou non.

Revoir le projet présenté en juillet 2018 >>> En images: la future Gare du Nord à Paris, une « ville dans la gare »

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Le projet de rénovation de la Gare du Nord prévoit un véritable lifting pour la vieille dame de 155 ans, qui constitue un véritable carrefour: les trains de banlieue de la capitale française y côtoient les wagons à destination du Nord de la France, les trains à grande vitesse Thalys et Eurostar, ainsi que trois lignes de métro.

Moyennant 600 millions d’euros, il prévoit notamment un toit terrasse végétalisé d’un hectare avec vue sur la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre, doté d’une piste de trail, un parking pour 2.000 vélos, une grande nef transversale, des escalators et ascenseurs à tout va.

Avec 88.000 m2 supplémentaires, la Gare du Nord devrait atteindre une superficie totale de 124.000 m2, dont 46.000 m2 consacrés à une salle de spectacle, des équipements culturels, une salle de sport ou encore des commerces et bureaux.

L’objectif officieux: être à la hauteur de Saint-Pancras à Londres, une ancienne gare victorienne rénovée et transformée en gare ultra-moderne.

« Vous montez dans l’Eurostar (…) depuis un trou de misère en pleine Europe, la gare du Nord, et descendez à une gare moderne, tournée vers l’avenir », Saint-Pancras, avait affirmé en 2014 le directeur de la chaîne britannique de grands magasins à succès John Lewis, Andy Street.

Projet « pharaonique »

La gare avait déjà bénéficié d’une rénovation, de 2014 à 2017, jugée insuffisante par les pouvoirs publics, mais aussi les usagers, qui pointent la saleté et l’insécurité.

Mais le nouveau projet est déjà controversé. Une vingtaine d’architectes de renom, dont Jean Nouvel et Roland Castro, l’ont jugé « inacceptable » et « pharaonique », dans une tribune publiée dans Le Monde début septembre, demandant qu’il soit « repensé de fond en comble ».

Changement de ton également du côté de la municipalité, qui dénonce désormais un projet « trop commercial, dense, pas assez tourné vers les voyageurs », dans une tribune signée la semaine dernière par la maire du Xe arrondissement, où se trouve la gare, Alexandra Cordebard, et l’adjoint à la maire de Paris en charge de l’Urbanisme, Jean-Louis Missika.

Pourtant, la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo avait salué dans un communiqué en juin 2018 un « réaménagement ambitieux », qui permettra de « mieux accueillir les visiteurs tout en améliorant le cadre de vie des Parisiens ».

Ce revirement, qui intervient à cinq mois des municipales, a pour but de séduire écologistes et communistes, opposés au projet, et permettre de « négocier des alliances politiques de circonstance », a dénoncé à droite le présidente du conseil régional d’Ile-de-France, Valérie Pécresse, favorable au projet.

Pour elle, ce ne sont pas les commerces des environs de la Gare du Nord qui risquent de pâtir du nouveau projet: « les seuls qui sont menacés sont les dealers, les fourgueurs et les crackers ».

Les pouvoirs publics ont autorisé l’ouverture, non loin de la gare, d’une « salle de shoot » où des toxicomanes peuvent s’injecter leurs drogues sous la supervision de personnes qualifiées, avec du matériel stérile, suscitant de nombreuses critiques des riverains.

Le gouvernement a tenu à apporter à nouveau son soutien au programme de rénovation. « Ce projet est nécessaire » et il « sera validé », a assuré le secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.

Du côté de la société française des chemins de fer, on assure qu' »il n’y a pas de plan B. Si c’est cramé, c’est cramé », avance un responsable de la SNCF. Et revenir au point de départ entraînerait « 3 à 4 ans de retard » dans la réalisation du projet…. Trop tard pour les jeux Olympiques de 2024.

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