Le style 70 superbement revisité

Voilà des gens heureux ! Ils ont trouvé le moyen de satisfaire leur passion pour Bruxelles, capitale animée et culturellement riche, tout en prenant avec elle assez de distance pour ne jamais s’en lasser et pouvoir, aussi, jouir pleinement du calme et de la nature. Des immeubles élégants plantés au milieu d’îlots de verdure sont des éléments caractéristiques du paysage bruxellois. C’est donc au sommet de l’un d’eux que les propriétaires ont choisi de construire leur nid, en 1974. « À l’époque, nous avions des vies professionnelles extrêmement prenantes et actives, confie notre hôte. Une maison demande beaucoup de présence et d’attention. Vivre à Lasne, par exemple, aurait été difficile. Nous aimons la culture, d’où ce choix délibéré de rester en ville, pas trop loin du centre, mais dans un quartier agréable et aéré. Le bâtiment venait d’être construit, nous avons acquis un plateau de 200 m² au dernier étage, dans son état brut ».

Il n’y a eu aucune intervention majeure dans le plan et dans la structure de l’appartement. Le concept originel a été respecté. Les propriétaires ont juste introduit deux modifications en apparence mineures qui ont pourtant apporté un plus incontestable à l’art de vivre au quotidien. Tout d’abord, ils ont définitivement renoncé à la cheminée. Elle existe, certes, mais n’a jamais été utilisée. En général, le salon est tourné vers le feu ouvert. Ici, c’est le contraire : il s’ouvre vers la lumière du ciel. Et il suffit de faire quelques pas, sortir sur la terrasse pour avoir la ville entière à ses pieds. Spectacle peu ordinaire, car la vue porte aussi loin que l’horizon, presque sur 360° si on fait le tour de l’appartement !

Le second changement a touché le sol avec l’installation de différents niveaux et d’un podium. « Au début des années 70, j’ai vu le film Help ! mettant en scène les Beatles (NDLR : un film musical de Richard Lester, sorti en 1965, et dont la bande originale, composée de sept chansons des Fab Four, est parue en disque sous le même titre). Une image m’a profondément marqué. À un moment on voyait les façades des quatre maisons ouvrières tout à fait identiques. Quand les quatre portes se sont ouvertes, on apercevait le même living aménagé sur différents niveaux. L’idée m’a tellement plu sur le plan esthétique que j’ai décidé de la transposer dans mon appartement ». Le vaste salon se déploie donc sur plusieurs plateaux de hauteurs différentes. Face à la fenêtre, un podium rectangulaire prolonge ce mouvement rythmique. L’aspect esthétique se double d’un aspect fonctionnel : le creux en forme de bandeau peut accueillir des livres. Les autres plateaux abritent aussi des cachettes qui servent de rangements.

Les propriétaires choisissent une décoration pop, pile-poil dans la tendance des seventies : le plafond est laqué de blanc, le mobilier intégré fait sur mesure et les canapés sont blancs, tout comme est blanc l’incontournable tapis à longs poils. Mais lors de la rénovation effectuée il y a trois ans, la salle à manger a déménagé vers une chambre d’enfant, ce qui a permis d’ouvrir davantage l’espace. Une moquette grise a remplacé le tapis blanc, les murs ont été repeints en blanc rehaussé d’une pointe de gris. Les nouveaux canapés, noirs et tête-de-nègre, tranchent agréablement sur ce fond clair et neutre. Dans la cuisine, le mobilier a été rafraîchi, l’orange des portes, la couleur emblématique des années 70, a fait place au blanc. Quelques « retouches », en somme mais qui changent tout : elles ont inscrit le décor dans l’ambiance des années 2000. Un autre exemple ? La statue en terre cuite représentant les quatre saisons qui accueille le visiteur dans le hall d’entrée. Elle vient de chez les arrière-grands-parents et témoigne donc d’une époque bien lointaine. Il a suffit de la peindre en bleu électrique (presque la même nuance que le célèbre « bleu Klein ») pour qu’elle se transforme en une oeuvre d’art aux accents ultracontemporains.

Dans le salon, la lumière tombe à flots par les immenses baies vitrées. L’une d’elles a d’ailleurs été condamnée par des stores japonisants qui filtrent judicieusement ce trop-plein de luminosité. Çà et là, les propriétaires ont disposé attentivement les oeuvres d’art qu’ils aiment et qu’ils collectionnent depuis les années 80, sans aucune idée spéculative : sur les stores, une photo de l’artiste ucclois Philippe De Gobert ; au-dessus du canapé tête-de-nègre, une oeuvre de la coréenne Jeong-A Koo ; sur le podium, dix « carrelages » en étain du plasticien américain Carl André ; sur les cimaises de la galerie qui longe le mur sous le plafond des créations de William Christenberry, Franco Fontana, Sam Samore, Peter Downsbrough et de Marin Kasimir. Les oeuvres sont toujours relativement isolées, de façon à être parfaitement mises en valeur. Dans ce camaïeu de couleurs neutres, blanches, noires et grises, se détache le bleu vif des vases « multiples » d’Anish Kapoor et une photo dans les tonalités bleues de l’artiste belge Hans Op de Beek.

La nouvelle salle à manger, elle, a donc trouvé sa place dans une ex-chambre d’enfant. Les placards intégrés qui servaient jadis de garde-robe ont été peints en noir. Une idée simple qui apporte beaucoup de cachet à la pièce. Les invités s’assoient sur les chaises Coste de Philippe Starck, autour d’une table ronde en verre dépoli. Tout en participant à la conversation, on peut contempler une belle collection de photographies ou promener son regard au-dessus des toits de Bruxelles. Ici aussi, les baies vitrées sont généreuses et offrent une vue splendide. Dans un coin, on remarque une chaise de Charles Kaisin habillée de papier récupéré. Pour accéder à la zone « nuit », on emprunte un couloir peuplé d’oeuvres d’art, notamment de Sol Lewitt et d’Hiroshi Sugimoto. La chambre et la salle de bains avec ses émaux de Briare bleus et noirs ont toutes deux conservé leur look vintage.

Dans l’appartement tout entier règne une exigence esthétique constante, mais toujours au service d’une aimable douceur de vivre. Dans chaque pièce, il fait bon se poser confortablement, contempler une oeuvre d’art ou le ciel, écouter de la musique classique et contemporaine. « On aime voir et entendre le beau », conclut notre hôte. Avec vision panoramique sur Bruxelles…

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