Christian Astuguevielle: L’inventaire imaginaire

Ce 19 juin, la maison Pierre Bergé et associés sera le théâtre d’une exposition-vente exceptionnelle. Des meubles gainés de corde, des bijoux, des dessins au stylo à bille mais aussi des livres tactiles en provenance directe de l’imaginaire baladeur d’un poète plasticien hors du commun.

Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des choses anodines. Quoi de plus banal, pourtant, que le tiroir à ficelles d’une cuisine ? « Quand j’étais enfant, dès que nous recevions un paquet, on gardait tout, aussi bien la corde que les jolis rubans, se souvient Christian Astuguevielle. De temps en temps, j’avais le droit de m’accaparer l’intégralité du tiroir… à condition de tout ranger ensuite. C’est de ces bouts de ficelle que m’est venue l’idée de l’enroulement à la base d’une partie de mon travail aujourd’hui. »

Les bobines rares, le plasticien français n’a jamais cessé depuis de les dénicher de Paris à New York en passant par Bali. « J’ai une âme de collectionneur et de conservateur, de mon propre travail aussi d’ailleurs, confesse-t-il. J’ai gardé énormément de prototypes, de pièces uniques, de dessins. Ça me plaisait assez qu’ils s’accumulent. » Ces objets rares – 200 lots au total – qui balaient toutes les facettes de l’oeuvre du créateur français seront mis en vente, ce 19 juin.

Tenter de limiter l’univers de Christian Astuguevieille à quelques divinités callipyges et à des meubles gainés de corde ne serait pas lui faire justice. Aux territoires autrefois inaccessibles – de ses longs mois passés à Bornéo, il ramènera une incroyable collection de batiks -, il préfère désormais les univers imaginaires dont ses créations poétiques dévoilent les mystères. « Tout est parti de recherches que j’ai menées dans le cadre de l’atelier des enfants du centre Georges Pompidou, à Paris, rappelle-t-il. J’appelais cela le complexe de Robinson Crusoé. On part d’un lieu donné, avec son climat, sa végétation, sa faune. Et on invente ses conditions de survie. Pour ces civilisations parallèles, je me suis mis à créer des coupes à offrande, des objets divinatoires, un peu oniriques, sans aucune fonction. »

Amené à voyager au Japon pour y développer des licences d’exploitation d’abord pour Rochas puis pour Nina Ricci, Christian Astuguevieille se découvre une connivence naturelle avec ce pays complexe. Quand il se passionne pour l’art de l’origami, ce n’est pas la perfection du pliage mais ce qui se cache dans les plis du papier qui l’intéresse. « Les traits qu’ils dessinent sont un formidable détonateur de l’imaginaire », souffle-t-il.

Lorsque Rei Kawakubo l’invite à devenir, en 1992, le directeur artistique des parfums Comme Des Garçons, Christian Astuguevielle sait d’instinct qu’ils baliseront ensemble de nouvelles frontières. « La ligne de conduite, c’était de ne pas faire comme les autres, être audacieux, éviter les pièges », sourit-il. Curieux de tout ce qui bouge avec élégance, notre chasseur d’étrange s’associe dès le début au projet « petit h » – on y recycle des objets imparfaits et des chutes de matières premières – de la maison Hermès. « Avec un cuir de rêve bleu turquoise et du tissu éponge, j’ai conçu une commode hors norme, se réjouit-il. Je ne sais pas où elle est mais je suis certain que la pièce dans laquelle elle se trouve est souriante et joyeuse. »

Pourtant, le 19 juin, Christian Astuguevielle ne cherchera pas à savoir qui achète les lots. « Je préfère ne pas imaginer leur destin, conclut-il. Une vente, c’est toujours un peu violent. Mais c’est une magnifique aventure. ».

Isabelle Willot

Exposition du jeudi 14 juin au lundi 18 juin, de 10 à 18 heures et le mardi 19 juin de 10 à 14 heures. Vente le 19 juin à partir de 17 heures. Pierre Bergé & associés, 40, place du Grand Sablon, à 1000 Bruxelles.

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