Delphine Kindermans

Ténors du design, formés à l’école buissonière

Delphine Kindermans Secrétaire de rédaction au Vif

Trop souvent, une trajectoire professionnelle se jauge en priorité à l’aune des diplômes obtenus, faisant de la curiosité, de l’audace et de l’obstination des qualités assez peu valorisées. Cause ou conséquence, on ne sait pas, mais toujours est-il que ce sont par contre celles qu’on retrouve systématiquement dans les parcours des autodidactes, tous domaines confondus. A fortiori dans celui du design, où procéder par essais et erreurs, prendre la tangente par rapport aux idées préconçues, faire preuve à la fois d’imagination et de pragmatisme est fondamental.

Ce n’est donc probablement pas un hasard si plusieurs ténors de la discipline ont fait leurs armes en dehors des cursus scolaires classiques, voire loin des bancs d’école. Ainsi de Le Corbusier, qui les déserta dès ses 13 ans. Mis en lumière à partir de ce 29 avril par le Centre Pompidou (1), les meubles qu’il a dessinés, mais également sa peinture, ses photos et bien sûr son oeuvre architecturale sont une invitation à considérer, lorsqu’il s’agit du talent, les actes accomplis avant les notes reçues. Idem pour Jean Prouvé, un des concepteurs les plus admirés du XXe siècle, qui fut pourtant forcé d’abandonner sa formation universitaire suite à la ruine familiale, en 1916.

Enfant, il fuyait la classe pour se ru0026#xE9;fugier dans les bois. A 17 ans, ses sculptures gonflables u0026#xE9;taient cependant exposu0026#xE9;es au Grand Palais, u0026#xE0; Paris

Ou de Philippe Starck, dont les créations sont désormais iconiques, mais qui concède volontiers qu’enfant, il fuyait la classe pour se réfugier dans les bois. A 17 ans, ses sculptures gonflables étaient cependant exposées au Grand Palais, à Paris. Quant à Ora-ïto, il n’a attendu ni le nombre des années ni de décrocher son bac pour faire parler de lui. En 1996, alors qu’il n’a que 19 ans et qu’Internet fait ses premiers pas, ses dessins d’objets de luxe piratés font un tel buzz que les clients se présentent dans les enseignes officielles de Gucci, Apple ou Vuitton pour les réclamer. Pas rancunières, ces marques en viendront à collaborer avec lui, lui ouvrant par là les grilles de la cour des grands.

Et si Tom Dixon n’avait pas laissé tomber ses études à la Chelsea School of Art avec pour tout bagage un certificat en poterie, il n’aurait sans doute pas emprunté les chemins de traverse qui, de la musique funk aux prestations live de soudeur dans un club londonien, l’ont amené à figurer aujourd’hui parmi les designers incontournables de sa génération. « En essayant de tout créer et produire à peu près seul, je me suis imposé pas mal de limites, a-t-il confié à notre journaliste Mathieu Nguyen lors de leur rencontre dans son vaste atelier installé sur les docks de Portobello. Mais cela me permet aussi d’avoir un peu plus de consistance, notamment en termes de message. » On n’est jamais si bien servi que par soi-même, my dear.

(1) Le Corbusier. Mesures de l’homme, Centre Pompidou, à Paris. www.centrepompidou.fr Du 29 avril au 3 août prochain.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content