American Vintage, le rêve américain à la sauce marseillaise de Michaël Azoulay
Il est parti de rien et a inventé l’American Vintage façon Marseille. Michaël Azoulay peut être fier, sa griffe a 10 ans et, pour l’occasion, « encourage la jeunesse » avec dix co-créations artistiques réussies. Retour aux sources.
« Comporte-toi comme un homme, mon fils, et ta route se fera », lui répétait sa mère ; Michaël Azoulay se devait de lui faire honneur. Il avait donc réussi son bac pro, option électricité, en amont on lui avait donné ce conseil : « Fais un métier manuel, tu trouveras toujours du boulot », il s’était donc exécuté mais sans enthousiasme, il était alors « comme un lion en cage ». Très vite, il avait fallu « rentrer des tunes », c’était l’époque des vaches maigres, il s’était improvisé vendeur chez un jeaneur marseillais. Premier déclic. « J’ai compris que j’aimais le contact, la vente, le commerce » ; la génétique familiale n’y est pas étrangère, son père était « un ancien commerçant, il faisait du porte à porte, je tiens ça de lui ». Alors quand il s’agit d’endosser le costume de VRP, il s' »éclate » et élargit peu à peu le champ de ses compétences, « j’étais représentant et en même temps, je m’occupais du produit ». Jusqu’à ce qu’un aîné expérimenté lui fasse « prendre conscience de son potentiel », avec suggestion à la clé : « Crée ta boîte. »
Quand je dis blanc, c’est blanc, je peux marcher la tête haute
Deuxième déclic. Michaël Azoulay n’hésite pas longtemps, entraîne sa soeur dans l’aventure et décide de lancer une collection de maille, non sans prendre quelques « claques », « vendre des pulls en été, à Marseille, c’était un peu compliqué ». Mais il s’accroche, il a pour lui l’avantage de la jeunesse, à peine 22 ans, il est intuitif, sérieux et « n’a jamais planté personne, quand je dis blanc, c’est blanc, je peux marcher la tête haute ».
Les déclics auxquels on ne se soustrait pas ont le pouvoir de vous faire avancer, voici le troisième. En 2003, un mentor « qui a vécu et bourlingué » lui « met des coups de pieds au cul » pour qu’il voyage, « j’étais un peu trop « Marseille », j’avais une vision un peu régionale ». Il part sur-le-champ à la découverte de New York, de Los Angeles, des professionnels du prêt-à-porter made in USA, son horizon s’ouvre, tout est possible pour qui veut y croire, l’Amérique lui dessille les yeux. Michaël Azoulay rentre chez lui avec une idée : se concentrer sur « la famille des tee-shirts, un peu casual, avec aspect vintage » – c’est instinctif, tout ça, l’analyse rationnelle viendra plus tard. En février 2005, date de naissance officielle, il lance American Vintage, quelques tops, débardeurs et tuniques, dans des cotons ultradoux, légers, fabriqués en Europe. Premier salon, premiers succès, le concept se précise : féminiser la matière, avec des détails, des fronces, des smocks, privilégier l’effet seconde peau, réinventer les basiques, il a trouvé la bonne combinaison, ce mélange d’Amérique casual et positiviste, de France fashion, de Marseille conviviale et de Maroc, celui de ses parents, pour la couleur et la sensualité. Les racines de sa griffe sont là, tangibles. Et partagées par sa soeur et son grand frère, « ça doit faire plaisir à nos parents, ils ne sont plus là. Et peut-être que cela montrera l’exemple à nos enfants. » Que ses gamins ne soient pas des » fils à papa », c’est son voeu, leur apprendre d’où il vient et comment il a pris sa revanche « par rapport à mon père sur certaines choses ». Il les emmène donc dans les calanques, en rando ou jouer au foot, comme quand il était môme et que c’était l’été, « je descendais dans la rue avec mon vélo et mon ballon, on allait à la plage ou à la piscine municipale, on ne savait pas ce que c’était que partir en vacances, j’étais heureux ».
Parfois, quand il rentre le soir chez lui, pas avant 21 h 30, Michaël Azoulay a le vertige. Ils étaient deux au début, ils sont aujourd’hui cinquante, au siège, à Signes, dans le Var, à 40 km de la cité phocéenne, un beau bâtiment de bois et de transparence, de lumière et de verre, pensé en duo avec l’architecte Yvann Pluskwa, lequel a aussi dessiné ses boutiques. Les doigts des deux mains ne suffisent plus à les compter, il y en a 150 à travers le monde, à Bruxelles, Amsterdam, Athènes, Tel-Aviv, Hong Kong et Singapour, 1 500 points de vente sur la planète, 450 salariés, 200 modèles American Vintage, 800 références couleurs, 66 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Et si l’école de la vie était la meilleure de toutes ?
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