Charlotte Beaudry préfère
Charlotte Beaudry préfère "ne pas être trop visiible" - Jef Jacobs

3 artistes racontent le lien particulier entre création et manière de s’habiller

Peut-être que l’habit ne fait pas plus le moine que l’artiste, mais il n’empêche que ce dernier a souvent un uniforme attitré, lequel est généralement bien plus sage qu’on pourrait le penser.

La preuve avec ces trois témoignages qui en disent long sur le lien entre mode et création.

Charlotte Beaudry, peintre: « Je veux des vêtements que j’oublie »

“Je crée en permanence. Je peins sur des toiles, mais aussi sur des maillots et des chaussures: j’ai d’abord transformé une paire de Repetto en y mettant des crampons de football, puis je les ai peintes. Ce sont des chaussures de danse, mais confortables: j’en achète une paire tous les deux ans, car je les porte presque tout le temps.

Cette peinture n’est pas seulement une représentation de mes chaussures, elle indique aussi que mon travail est très physique, et peut-être même une forme de sport, voire même un match. J’ai peint mes souliers sur une immense toile, ce qui les a rendus soudain très importants: ce n’étaient plus mes chaussures, c’était ma vie.

Avant, je veillais à ne pas trop les tacher, et pendant longtemps, je n’avais pas vraiment d’uniforme de travail. Aujourd’hui, je travaille de manière beaucoup plus salissante et je peins même sur le sol. Je dois donc changer de vêtements, car je ne sortirais jamais avec des taches de peinture.

J’admire les personnes qui s’habillent de manière extravagante, mais ce n’est pas mon cas. De temps en temps, j’achète quelque chose qui sort un peu du lot, mais je ne le porte pas. Je veux des vêtements que j’oublie, tant dans le studio que dans la vie. Si je suis consciente de ce que je porte, cela prend trop de place dans ma tête. J’ai essayé de porter des baskets Nike, mais ça n’a pas matché. Je porte mes vêtements jusqu’à ce qu’ils soient vraiment usés jusqu’à la corde, parce que c’est plus facile que de les remplacer. Je ne veux pas disparaître derrière ce que je porte, mais je préfère ne pas être trop visible ».

charlottebeaudry.net

DR Jef Jacobs pour Weekend.

Bob Takes, sculpteur: « la durabilité est importante pour moi »

“Depuis 22 ans, je ne porte plus que des vêtements d’occasion par principe. J’ai ainsi la conscience tranquille, car la durabilité est importante pour moi. J’achète mon uniforme de Levi’s 501, polos et chaussures Prada dans des magasins d’occasion comme Think Twice; et depuis la pandémie, des sites tels que Vinted sont une véritable mine d’or. Je suis pointilleux: le 501 est une icône parmi les jeans, et je ne veux que des 501 avec un certain type d’étiquette blanche. Il s’agit d’une ancienne génération qui est fabriquée dans la même usine et qui me va le mieux.

J’aime aussi choisir de bonnes marques comme Yamamoto pour les polos, principalement parce que la qualité est vraiment bonne. On peut les laver une centaine de fois et ils restent beaux. Je préfère également les modèles dont le logo n’est pas trop grand, car je ne veux pas faire la publicité d’une marque. J’achète aussi mes salopettes d’occasion. Ma salopette préférée réservée à mon atelier car elle appartient à l’armée. C’est un modèle un peu plus difficile à trouver, mais qui me va bien, alors ça en vaut la peine.”

bobtakes.com

DR Jef Jacobs pour Weekend.

Charline Tyberghein, artiste plasticienne: « C’est la première chose que les gens voient »

“On entend parfois dire que les femmes ne savent pas peindre. J’ai longtemps été confrontée à cette idée, à la façon dont j’étais perçue en tant que femme dans le monde de l’art. Cela a également influencé ma façon de m’habiller. Je ne voulais pas cacher ma féminité, mais je ne voulais pas non plus la mettre en avant. Serais-je encore prise au sérieux si j’étais trop féminine ? Cela me semblait un peu frivole de m’intéresser aux vêtements, comme si j’avais compris qu’on pouvait soit être belle, soit être intelligente.

Maintenant que j’ai passé le cap de la trentaine, je vois les choses différemment. Beaucoup de choses ont changé dans le monde de l’art, je travaille dans une galerie dirigée par des femmes, et maintenant je m’accorde la permission de m’amuser bien plus qu’avant avec mes vêtements. Je les vois un peu comme une petite conversation, une manière de me présenter. C’est la première chose que les gens voient et elle dit quelque chose de vous. Si je vois quelqu’un porter une paire de Tabis, je sais que cette personne est à la mode et aime les belles choses, par exemple. Et si ça envoie ce message, cela me donne envie d’en avoir.

Mais c’est un processus. Je me débarrasse lentement mais sûrement des nombreuses règles que je m’étais imposées. Si j’ai envie de porter des talons hauts pour aller boire un café, je le fais. Je ne dépense pas encore beaucoup d’argent pour des pièces coûteuses, parce que je suis du genre à hésiter et à me demander ce qui se passerait si je n’aimais plus ce vêtement plus tard, ou si je ne me sentais plus bien dedans. C’est un processus en cours. Pour un vernissage, par exemple, j’essaie à peu près tout ce qui se trouve dans ma garde-robe, pour finir par choisir quelque chose de simple dans lequel je me sens bien ».

@charlinetyberghein

DR Jef Jacobs pour Weekend.

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