Christian Audigier, l’empereur des tee-shirts

Après l’Amérique, Christian Audigier compte bien séduire le marché français. Rencontre.

Après avoir conquis l’Amérique à coups de casquettes Von Dutch et de tee-shirts Ed Hardy, l’homme d’affaires de 51 ans originaire d’Avignon est fermement décidé à séduire le marché français.

Christian Audigier est probablement l’une des personnalités les plus accessibles du secteur de la mode. Il suffit d’envoyer un email à son service de presse pour, deux minutes plus tard montre en main, recevoir une proposition de rendez-vous. Cela pourrait paraître anodin, mais c’est une pratique fort peu courante dans le monde fermé des marques de mode.

La rencontre est fixée au mercredi 4 novembre, à 10h, près du Trocadéro, où l’Avignonnais expatrié en Californie loue un vaste appartement lors de ses passages à Paris. On arrive là-bas en en sachant déjà pas mal sur le bonhomme: une lecture rapide de son autobiographie, Mon American Dream, nous a renseigné sur ses débuts de vendeur de fringues à 17 ans, ses quelques mois de prison à Bali pour détention de drogues, son émerveillement à son arrivée à Los Angeles, la réussite de Van Dutch puis de Ed Hardy, deux marques bling-bling qu’il a su imposer aux Etats Unis en les offrant aux stars. On sait aussi que, abandonné par son père à l’âge de 4 ans, il n’a depuis cessé de chercher des figures paternelles. Johnny Hallyday en est une. Le chanteur lui a amicalement préfacé sa bio.

Il nous reçoit avec dix minutes de retard. Bronzé, détendu, affable. La sobriété de sa tenue nous indique qu’il ne porte pas lui-même ses marques au graphisme tape à l’oeil. On s’affale ensemble sur un immense canapé crème. Il souffle quelques instants: ses journées de promo sont longues. « Je me suis levé à 4 heures aujourd’hui. Je reviens du 6/9 de Nikos et Mustapha, sur NRJ. La veille, je me suis couché tard, j’ai passé la soirée avec Frédéric Beigbeder pour une interview dans GQ. » Son attaché de presse précise qu’il a en moyenne sept interviews presse par jour, auxquelles s’ajoutent deux-trois télés. Décidément, Christian Audigier ne rigole pas avec la com’.

Le but de tous ces efforts est de parvenir à pénétrer le marché français, réputé difficile: « les Français sont exigeants, mais les choses sont bien parties » note-t-il, confiant. « Nous sommes désormais distribués dans 300 points de vente en France. A Paris, la boutique de la rue Réaumur ouverte il y a trois mois marche déjà très bien. Vous pouvez aussi nous trouver aux Galeries Lafayette et bientôt au Printemps et sur le catalogue des 3 Suisses. » La fin des logos n’est manifestement pas pour demain.

« Je fais le même métier que les couturiers »

Le mépris avéré des gens de la mode pour son univers clinquant l’agace-t-il? Même pas. « Je vends un million de tee-shirts tous les deux mois. Le chiffre d’affaires de mon groupe [Ed Hardy, mais également sa propre marque Christian Audigier ainsi qu’une pléiade de produits dérivés] dépasse les 500 millions de dollars. Ce qui m’intéresse, c’est de démocratiser le jeanswear. En France, quand on parle de mode, on parle de Chanel et de Dior. On parle peu du Sentier et je trouve ça dommage. Hier il y avait Kookaï et Naf Naf, aujourd’hui il y a Ed Hardy et j’en suis fier. Je fais le même métier que les couturiers, mais en étant plus près du public. »

Aïe, c’est là qu’on tique un peu quand même. En quoi Ed Hardy peut-il prétendre être une marque de luxe? « Je suis une marque de luxe par le prix [ses tee-shirts sont vendus 100 dollars pièce] et par les gens qui me portent. Louis Vuitton s’offre des publicités avec Madonna, mais dans la vraie vie, elle s’habille en Ed Hardy, sans se faire payer. » On lui fait remarquer que le luxe ne peut se résumer à des prix élevés et à un public choisi. Qu’en est-il de la qualité intrinsèque de ses vêtements? « Un tee-shirt en coton reste un tee-shirt en coton » admet-il. Les siens sont fabriqués aux Etats Unis, ce qui laisse supposer une qualité acceptable, mais il n’insiste même pas sur ce point. Le fait d’être porté par Britney Spears semble à ses yeux autrement plus crucial.

Dérouté par un tel sens des priorités, on cherche alors à connaître sa stratégie à plus long terme. Se voit-il encore à la tête d’Ed Hardy dans dix ans? « J’espère avoir vendu ma compagnie d’ici là! » s’exclame-t-il. Il n’en est pourtant pas encore là: « la renommée d’Ed Hardy est internationale. Il y a donc encore plein de pays à ouvrir, plein de produits dérivés à développer, on n’est pas près de finir. Mais je suis avant tout un commerçant. Je vends des tee-shirts. Si un jour je peux vendre la compagnie avec les tee-shirts à l’intérieur, ce sera encore mieux. » C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Géraldine Dormoy, Lexpress Styles

Plus d’informations sur les sites d’Ed Hardy et de Christian Audigier. Mon American Dream, éditions Michel Lafon, 19,95 euros.

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