De Docksides à Mephisto, les « chaussures de daron » sont à la pointe de la tendance
Ce n’était finalement qu’une question de temps: après la renaissance mode des dad sneakers et la remontada tendance des Birkenstock et autres Crocs, ce sont désormais les chaussures de daron qui ont la cote. Voire même, celles de grand-père, car Mephisto aussi est dans la place.
Oui, Mephisto, la marque chérie de papy (et mamy) mais désormais aussi, de toute une cohorte de modeux et hipsters qui craquent non seulement pour le confort total de ces chaussures à semelles orthopédiques, mais également pour leur dégaine vieillotte. Après la tendance « jolie laide », incarnée à merveille par l’icône mode Chloë Sevigny, reine absolue du genre, et suite à la renaissance des dad shoes et autres dad sneakers, est-il si surprenant que les « chaussures de daron » aient droit à leur heure de gloire?
Pas vraiment, même si, pour certains des modèles et marques qui surfent actuellement sur la tendance, disons que cette remontada hype n’était pas gagnée d’avance. C’est que là où les Docksides de Sebago sont plébiscitées depuis les 90s et leur adoubement par les rappeurs français, IAM en tête, disons que les bottines de rando et autres chaussures orthopédiques avaient un chemin moins tracé vers le succès.
Ton père en chaussures bateau
Tout daron qui se respecte a eu un jour dans son vestiaire des chaussures bateau. Sorte de mocassion souple, les Docksides de Sebago ont été conçus, à l’origine, pour servir une pratique, la navigation en l’occurence. Résistante, imperméable, anti-dérapante et, ce qui ne gâche rien, particulièrement confortable, la chaussure est devenue trendy dans les années 80, lors de l’essor du style preppy sur la côte est américaine.
Après presque deux décennies de gloire, le Dockside a souffert de plusieurs connotations pas tellement positives: chaussure de « mec de droite » bcbg lorsqu’elle s’intègre au total look petit pull marin sur les épaules, polo, bermuda, ou tout simplement complètement ringarde. Trop bord de mer, en somme. Il fallait, à la rigueur, être un rappeur pour pouvoir l’assumer avec coolitude.
Mais c’était sans compter les années 2020 et la confirmation de l’avènement du style old money, présent dès les années 2010. Pièces classiques et minimalistes, à l’opposé de l’ostentatoire des labels streetwear, l’old money style permet de montrer qu’on porte de beaux vêtements et accessoires – durables qui plus est – tout en arborant un branding plus que discret. La noblesse des matières et de la coupe doivent suffire à faire comprendre que le produit est tout sauf cheap. C’est le cardigan de papa… ou de Pharrell Williams. D’autres tendances actuelles « sporty and rich » comme le tenniscore ont également permis à la chaussure bateau de revenir en force.
C’est enfin Miuccia Prada qui place les Docksides sur les podiums pour la collection Miu Miu printemps-été 2024. Celles qu’on choisit cette saison (et les saisons à venir) seront en cuir marron, soit lisse soit daim, avec des semelles ton sur ton, blanches ou crantées. Pour les hommes, il faut qu’elles aient l’air d’avoir vécu. On les préfèrera avec une patine donc, artificielle ou, dans l’idéal, naturelle. Pour les femmes, soit on la joue fine avec, comme chez Miu Miu, un total look blanc semelle incluse, ou encore en daim, pourquoi pas frangées façon Minnetonka, soit on les choisit plus masculines comme chez Timberland, avec une semelle crantée façon godillot (Mephisto?), pour casser l’effet ballerine. Mais peu importe le modèle finalement, pourvu qu’on ait le twist qui permette, chez les hommes comme chez les femmes, de porter les Docksides avec une pointe de nonchalance, évidemment… Et surtout pas en total look marin, malheureux!
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Le Diable se chausse… en Mephisto?
Né en 1993, et donc à peine trentenaire, l’artiste américain Chase Hall est connu pour son interprétation onirique du trauma intergénérationnel qui accable ses compatriotes, ainsi que pour son allure à l’élégance nonchalante. Aussi, quand il se confie à New York Magazine sur sa marque de souliers préférée, dont il possède pas moins de 50 paires, il serait légitime de s’attendre à la mention d’un label, si pas ultra niche et branché, à tout le moins, jeune et cool. Et pourtant, spoiler alert, quand il loue « le mélange d’élégance discrète, de travail acharné, d’honneur et de qualité » le jeune créateur parle… de Mephisto.
« Je travaille avec, je fais du skate avec, je photographie avec, je m’habille avec. Même si les Mephistos sont devenus un peu plus ‘courants »vues » ces dernières années, je les aime toujours. C’est à elles que je reviens sans cesse, et je souscris fermement à l’archétype du « grand-père en col bleu », un mélange de luxe et d’accessible » explique encore Chase Hall.
Et notre responsable mode, Timon Van Mechelen, d’apporter quelques éléments d’explication à cet engouement quelque peu surprenant. « Le monde de la mode est depuis longtemps sous le charme des « chaussures moches ». Il suffit de penser aux mocassins en fourrure de Gucci, autrefois très populaires, aux énormes baskets de Balenciaga ou encore aux bottes Ugg à hauteur d’entrejambe de Y/Project. Il y a bien plus longtemps encore, Comme des Garcons, pour ne citer qu’une maison de couture, faisait déjà défiler déjà des chaussures laides sur ses podiums. Ce n’est donc pas nouveau et cela se fait toujours par à-coups, comme tout ce qui se passe dans le monde de la mode. Les talons hauts élégants et sophistiqués sont à la mode, puis quelques saisons plus tard, les chaussures sont de nouveau laides ».
Les tendances vont et viennent, certes, c’est là même leur raison d’être, mais il faut bien admettre que certaines arrivées sur la planète mode sont plus inattendues que d’autres, non?
Pas vraiment, tempère Timon Van Mechelen, qui invite à appréhender la mode et les tendances dans le contexte de notre société ultra connectée. « Ces chaussures de daron sont anti-mode et cela crée un buzz sur les réseaux sociaux, ce que cherchent toutes les marques. Un bel escarpin fabriqué à la main en Italie n’attirera pas l’attention. C’est aussi une forme de rébellion, je pense : porter quelque chose que beaucoup de gens trouvent moche permet de se démarquer ».
Et puis cela permettrait aussi de créer une allure plutôt que de simplement s’habiller, note encore notre spécialiste. « Il existe une théorie bien connue, celle de la « mauvaise chaussure », selon laquelle on peut améliorer une tenue en portant une chaussure qui contredit le reste du look. C’est aussi ce que je recommande : si vous voulez porter de « mauvaises chaussures », associez-les à des vêtements plus élégants. Par exemple, des chaussures Mephisto sous une belle jupe et un chemisier. Cela rend le look moins rigide et plus intéressant. Et puis ça rend aussi ces chaussures plus élégantes ». Et cette combinaison mode n’est réservée ni à ces messieurs, ni aux chaussures de daron.
Les daronnes aussi ont bon pied bon oeil
Si pour vous, les baskets ornées d’un S étaient, jusqu’à présent, réservées à tata Steph ou à votre mère, vous pourriez bien, d’ici quelques temps, vous surprendre à lorgner une des désormais belles paires proposées par Skechers. Car la marque, connue pour ses designs « moches » ou en tout cas bien loin des looks pointus d’autres labels bien connus réservés aux jeunes, propose aujourd’hui des modèles plus trendy et qui, pour le coup, ne sont pas sans rappeler des marques concurrentes comme Converse, New Balance ou même Nike.
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Les hipsters parisiens l’ont déjà compris et arpentent les rues de la ville lumière Skechers noires au pied, certains de ces modèles sport n’ayant rien à envier aux running, en tout cas côté look, de labels plus trendy… avec un prix souvent bien moins élevé, de surcroît.
Autres atouts et non des moindres sur lesquels mise la marque: ses stars. Souvenez-vous, il y a 25 ans environ (oui oui), Britney Spears posait tout sourire Skechers aux pieds… Christina Aguilera l’avait suivie quelques années plus tard, dans des publicités plus suggestives. Les soeurs Kardashian avaient pris le relai il y a une quinzaine d’années et, tout récemment, c’est la rappeuse américaine Doja Cat qui vantait les mérites du très fluo modèle UNO.
Roulement de tambours, en 2024, ça n’est ni plus ni moins que ce cher Snoop Dogg qui propose un design pour fêter les 30 années de son album Doggystyle, mais aussi un relooking coloré de la Boss Treatment, basket en principe dédiée aux parquets des terrains de basket ball. Plus cool on peut difficlement faire, surtout après la carton international de la star du hip hop américaine aux JO de Paris.
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On va peut-être investir… Même si, plutôt que dévaliser le dealer de Mephisto le plus proche, tant qu’à faire, on anticipe la nouvelle vague. « Je pense que Hoka et ON Running vont gagner en visibilité » prédit Timon Van Mechelen. Le pied, pour celles et ceux qui refusent de sacrifier le confort sur l’autel de la mode. En attendant le retour en force des charentaises?
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