Des catwalks à la rue: 12 tendances mode décryptées
Notre journaliste mode Anne-Françoise Moyson porte son regard aiguisé sur 12 tendances de la saison.
Il y a un truc jet-laggé avec la mode qui n’est parfois pas pour me déplaire. A chaque Fashion Week, c’est pareil. Prenez celle de septembre dernier, à Paris, où il était question du printemps-été 23, celui qui ramène sa fraise à l’instant et qu’on croirait enfin presque au coin de la rue. En attendant, à l’époque, je me les gèle en grosses bottes tout-terrain en parfait décalage avec les cohortes de mannequins à moitié vêtues qui défilent sur les catwalks, sous mes yeux privilégiés, pour mieux annoncer la belle saison.
Elles sont totalement raccord avec le réchauffement climatique, sans ses horreurs mais comme débranchées des contingences matérielles d’une époque sous anxiolytiques. Dans cette bulle protégée, il n’est pas question de pénurie de gaz ni de guerre en Ukraine, encore moins d’austérité ou de mal-être post-confinement.
Une mode qui donne envie
Car la mode se plie à la règle de la légèreté. Et tout ça donne diablement envie, ça ranime le souvenir enfoui d’un été passé à lézarder, ça file des fourmis dans les jambes, avec un brin d’impatience capricieuse, on veut tout, tout de suite, un mantra que les beautiful people affichent sans complexes, Taylor Russell en tête, qui ouvre le défilé Loewe avec un Anthurium au pied et que l’on a vue et admirée dans la série netflixienne Lost in Space, dans Waves ou Bones and All.
Passée l’avalanche d’images, d’émotions, d’informations, de chocs esthétiques, de réminiscences datées, restent des grandes lignes, qui ne sont pas des fractures. Je reconnais là une certaine exubérance chaotique propre à ces temps de grands tremblements.
Pleine de paradoxe
Il y a de la dualité dans l’air, des limites à franchir, de l’hédonisme à afficher, le goût des fleurs, du grunge, du bleu vitaminé et un certain classicisme à respecter, on ne sait jamais. Cette ère aimerait faire table rase du passé mais elle n’en finit pas de le recycler, les meilleures valeurs refuges sont les emblèmes de la mode Y2K, ça dépend évidemment pour qui, c’est selon la date de naissance inscrite sur votre carte d’identité et l’appétence ou non à adopter ce qu’on portait quand on avait 20 ans et qu’on n’en a plus l’air ni l’âge.
A l’invitation post-mortem de Kurt Cobain (Come as your are), je fais mienne l’obsession néo-grunge qui marie le jeans fatigué et la chemise de bûcheron enfilée négligé. Tout ça bien ancré dans le présent, avec la version de Matthieu Blazy chez Bottega Veneta qui transcende la quasi-banalité du propos grâce à la magie du cuir et upgrade ainsi ce style vestimentaire nihiliste épuré de toute fioriture.
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