Gamut, Ester Manas, The Wolf…: la mode se réinvente en collectifs

© Renaud Callebaut

Ils ne veulent plus du vieux modèle, avec starification d’un seul nom. Les jeunes de cette génération montante qui écrit la mode d’aujourd’hui, et de demain, préfèrent le « nous » au « je », le collectif exigeant à l’individualisme trompeur. La preuve par 5 avec Gamut, Ester Manas, 42/54, The Wolf et Façon Jacmin. Autant de déclinaisons contemporaines des forces centrifuges.

Ils ont décidé de la jouer collectif, reniant l’individualisme forcené cher aux générations précédentes. Sans doute n’ignorent-ils pas qu’une histoire de mode se construit sur la conjonction de talents réunis, l’union faisant décidément la force. Mettant les leurs en commun, dans un puissant mouvement centrifuge, ces créateurs inventent un nouveau langage où le pluriel l’emporte sur le singulier. Misant sur l’énergie du groupe pour cimenter leur projet, ils ne veulent plus d’une starification individuelle et égotiste. Ils vont parfois jusqu’à préférer l’anonymat qui, à la façon d’un Martin Margiela à l’époque, garantit la concentration sur le vêtement, rien que le vêtement. Car ils tracent une autre voie, en réaction aux dérapages incontrôlés d’une industrie qu’ils critiquent, qui les écoeure parfois et qu’ils rêvent de révolutionner de l’intérieur, avec cette fougue et cette exigence propre à la jeunesse.

On essaie de produire en France, ne pas aller au-delà de l’Europe, en circuit court, on tâtonne.

Ils savent qu’ils n’ont rien à perdre, si ce n’est leur temps, leur énergie, leur argent et qu’ils se doivent de réinventer des modèles qui leur conviennent, à l’opposé des groupes de luxe et de la fast fashion. Leur principe de réalité à eux ne fera pas l’économie du développement durable, de l’éthique et de la créativité. Leur profession de foi se décrypte dans leur vestiaire qui met à l’honneur l’upcycling, le sourcing des matières, le respect des êtres vivants. Vous les rencontrerez dans la rue, dans les salles de concert, dans leur atelier qu’ils partagent avec d’autres venus d’horizons divers. Pour ce Vif Weekend dédié à la mode belge, ils se sont prêtés au jeu du portrait, avec leurs particularités revendiquées et un ancrage dans le plat pays, qu’il soit génétique ou non – on connaît l’excellence de la formation à La Cambre mode(s) qui laisse durablement son empreinte sur ces jeunes gens devenus ainsi un peu belges, pour ce qui concerne leur pedigree fashion en tout cas. Voici donc cinq labels qui tendent au partage d’idées et que l’on peut sans coup férir classer noir-jaune-rouge. Et si Ester Manas, 42/54, The Wolf, Façon Jacmin et Gamut oeuvrent chacun sous un label, générique ou nominatif, c’est parfois pour faire court, sans jamais renoncer au collectif et à l’attraction des corps. Explications préliminaires avec Gamut, label qui pousse le concept jusqu’à l’anonymat de ses membres.

Gamut, Ester Manas, The Wolf...: la mode se réinvente en collectifs
© Etienne Tordoir/Catwalkpictures

Est-ce à La Cambre mode(s), où vous étiez étudiants, qu’il faut trouver les ferments de Gamut?

C’était un fantasme qui occupait nos discussions quand on buvait des bières. Et c’était une soupape, on se disait que plus tard on créerait notre projet en commun et qu’on serait plus forts ensemble. Mais cela semblait un peu irréaliste. Et puis cela a fini par se concrétiser après qu’on ait eu plusieurs expériences professionnelles, chacun, chacune de notre côté.

Est-ce parce que ces expériences ne vous satisfaisaient pas que vous avez lancé votre projet collectif?

On ne peut pas renier nos expériences, on a appris beaucoup de choses grâce à elles, on a acquis une exigence et une forme de professionnalisme qui nous permettent de créer ce projet. A l’école, on avait été formé à développer un univers personnel mais ensuite, on s’est retrouvé à devoir décliner la créativité de quelqu’un d’autre… Le décalage est grand entre nos études et ce que l’on nous propose après, généralement un stage en tant qu’assistant, souvent très réducteur. C’est après avoir vécu ce sentiment d’être freiné que l’on a voulu créer un espace où on serait totalement libre, faire quelque chose qui nous ressemble vraiment. D’autant qu’on est dans une période de notre vie où on peut se permettre de prendre ce risque-là, plus tard, ce serait plus compliqué.

Gamut, Ester Manas, The Wolf...: la mode se réinvente en collectifs
© Etienne Tordoir/Catwalkpictures

Votre première décision fut de vous entendre sur un nom pour votre label…

Cela a mis des mois. Gamut est un terme qui désigne l’étude des couleurs qu’une imprimante ou un écran peut produire ou toutes les notes qu’un instrument de musique peut jouer. On ne l’a pas choisi pour ce côté arc-en-ciel un peu cucul mais parce qu’il a une sonorité brute, rugueuse, cela résonne comme le nom d’un monstre ou d’un personnage mythologique. Et c’était le premier nom sur lequel on était tous d’accord, tout de suite.

Il vous importait de vous réunir anonymement?

L’anonymat et la collectivité, c’était le principal. Sachant qu’on est amis, on ne se serait pas vus créer une hiérarchie. On voulait un schéma différent, collaboratif, en contraste avec les maisons où tout est très pyramidal. Garder le même niveau d’exigence mais en étant plus à l’écoute des uns et des autres. C’est au coeur du projet. On l’avait peu pratiqué à La Cambre mode(s), puisqu’on y est formé à développer un univers personnel, on tente dès lors de se démarquer des autres, de ne surtout pas se faire influencer ni se nourrir de leurs idées. Ici, c’est l’inverse, on remâche les idées des autres pour créer en commun. Mais sans s’enfermer dans ce qui est formellement défini. Gamut est une plate-forme où les gens peuvent venir collaborer avec nous, créer, profiter de notre espace et de cette énergie de création. On est dans quelque chose de vital, on se bat pour que cela fonctionne. On a tous nos pratiques à côté, pour gagner nos vies, mais on dégage du temps professionnel, on s’organise pour faire vraiment ce qui nous plaît ici. Gamut est un projet qu’on veut réaliste et viable, idéalement on aimerait rapidement s’y consacrer pleinement.

Gamut, Ester Manas, The Wolf...: la mode se réinvente en collectifs
© Etienne Tordoir/Catwalkpictures

Vous considérez-vous comme des enfants de Martin Margiela?

Cela nous va, c’est une bonne référence! La mode belge, c’est notre éducation, notre socle, notre point commun, on a été formés à La Cambre, cela se ressent dans notre façon de travailler. On nous dit qu’on fait de la mode belge dans l’esthétique, c’est une forme de décalage, une espèce de second degré très naturel pour nous.

Dans votre manifeste, vous écrivez que « Gamut est le réceptacle d’un flux vital et urgent d’expression, de partage, de solidarité, de plaisir et de respect écologique qui traverse le monde contemporain »…

Cela a beaucoup de sens, jusqu’à un sens politique, d’être capables, à sept ou huit, de se mettre autour d’une table avec d’autres personnes satellites, pour avoir un projet qui fonctionne et de manière collective. L’urgence se situe aussi par rapport à ce qui se passe dans la mode : nous ne nous retrouvons ni dans l’agenda, ni dans les grands groupes, ni dans les marques de luxe, ni dans les mécanismes déshumanisés. En termes d’éthique, c’est monstrueux, ce n’est pas du tout un lieu pour s’émanciper et cette industrie est extrêmement polluante, dans un fonctionnement très xxe siècle qui nous écoeure, complètement ostentatoire, dans un gâchis de moyens, de talents, d’argent. On n’est pas les seuls à tenir ce discours, la génération suivante qui est encore à l’école en parle également, un changement radical devra arriver, les grandes maisons ne peuvent pas ne pas se poser de questions.

Concrètement, comment respectez-vous vos engagements éthiques et écologiques?

On essaie de produire en France, ne pas aller au-delà de l’Europe, en circuit court, on tâtonne. On a fait un marché de Noël dans une galerie d’art où on a proposé quasiment 100% de produits à partir de matières upcyclées. D’un point de vue créatif, faute de moyens, c’est également une façon de travailler. Et pour notre collection, on privilégie la récup’ de vêtements, les stocks de tissus venus de grandes maisons et les petits fabricants qui s’engagent à nos côtés, qui soutiennent notre type de structure, qui ont la même vision que nous sur le système et sont prêts à travailler à échelles réduites.

Gamut, Ester Manas, The Wolf...: la mode se réinvente en collectifs
© Etienne Tordoir/Catwalkpictures

Vous privilégiez également les matières plutôt classiques, de beaux lainages italiens et des popelines blanches, pourquoi?

Pour pouvoir les retrouver en production et parce qu’on a surtout un ADN tailleur. Et c’est une façon d’avoir une cohérence supplémentaire, de lier nos pièces entre elles. On avait peur que les gens ne voient pas le lien dans la collection, c’était notre plus gros challenge, réussir à se rejoindre, à unifier, on est donc partis de la base et de matières classiques. On aura sans doute envie de s’amuser un peu plus tard…

Quelle est votre méthode de travail?

Chacun amène son ADN et digère celui des autres pour arriver à des manipulations textiles, voir comment cela peut créer des pièces qui se répondent. On ne sait pas trop à quoi cela va ressembler à la fin. C’était étonnant pour la première collection: on n’avait aucune idée de ce que cela allait donner, elle est peut-être là, notre liberté. Souvent, ce sont des principes de construction qu’on se refile, de l’un à l’autre – un effet de graphisme, de découpe repris d’une pièce de l’un sur celle d’une autre. On a chacun sa spécialité et ses obsessions propres, qu’on peut déconstruire et ré-exploiter tout en respectant l’univers des autres. On a adopté un rythme à partir du moment où on a commencé à avancer sur la collection au printemps dernier, on s’est donné des deadlines: tous les mois, organiser un shooting, afin de produire du contenu pour exister et communiquer, cela nous forçait à créer même si on ne savait pas dans quelle direction. On cherchait des principes, on confrontait nos silhouettes pour nourrir le shooting suivant… Le dialogue a commencé ainsi, d’autant que le regard des autres force à maintenir un niveau, permet de désacraliser son travail et de l’aborder d’un autre point de vue.

Gamut / bio express

2014 Premier diplôme d’un membre du futur Gamut à La Cambre mode(s).

2017 Première réunion à six à Cotignac (France) et accord commun sur le nom, Gamut.

2018 Premier défilé le 28 septembre durant la Fashion Week Femme à Paris.

2019 Premier showroom durant la Fashion Week Homme à Paris, en janvier dernier.

Vous parlez de liberté, mais peut-on réellement l’être dans une industrie comme celle de la mode? Vous êtes déjà confrontés à vos premiers compromis…

On n’est pas tout à fait libres, on a été vite rattrapés par les contraintes du milieu. On n’avait par exemple pas abordé la question de la vente de notre collection, on voulait d’abord savoir si cela fonctionnait de travailler ensemble… Et depuis, on l’a adaptée: on a éliminé certaines pièces qui ne se vendent pas, qui sont un peu trop show et on en ajouté d’autres, plus portables.

Vous avez défilé pour la première fois dans un lieu alternatif du xviiie arrondissement parisien. Un manifeste?

Le défilé était le point de départ de la collection. Quand on a su qu’on pouvait profiter de La Station-Gare des Mines, cela nous a poussés à réfléchir; on aime beaucoup ce laboratoire culturel animé par le collectif MU, avec expos, conférences et musique. Sentimentalement et culturellement, on se sent très proches de ces scènes émergentes, indépendantes, françaises et internationales, c’est un lieu qu’on aime et on trouve beaux les gens qui y sont, on était très heureux d’y défiler. On a fait notre casting en partie à La Station. On voulait trouver des visages Gamut, on cherche une bizarrerie avant tout, mais pas un seul visage, à notre image aussi. On a organisé ensuite une fête avec Chosen Family, qui est le bras événementiel de Gamut, c’est une façon d’accéder à un public différent, de faire connaître le projet à ceux qui ne sont pas forcément branchés mode mais plutôt soirée. Cela nous ressemble, nous ne sommes pas que des stylistes.

Vous croyez à « l’impact de la création sur le fait social » et vous vous engagez « dans un esprit de résistance humaniste ». Est-ce la raison de votre parti pris no gender?

Le no gender n’est pas une question qu’on se pose de façon théorique, on n’a pas de discours politique sur le sujet, mais c’est naturel chez nous, c’est intégré. Nous sommes d’ailleurs collés à un collectif, Polychrome, qui s’intéresse à tout ce qui touche aux représentations du corps, du genre et du désir. Cela fait partie de notre environnement, nous avons une volonté d’inclusivité, ce n’est plus une utopie pour nous.

The Wolf Belgium

Lionel et Aude.
Lionel et Aude.© Merel Hart

Dans le canapé Togo en cuir cognac, ils se sont rapprochés, l’attraction des corps qui trahit l’intimité. Ils ont chacun pris leur chien, elle a caressé Bifi et lui, Mustik, elle était habillée en The Wolf Belgium – depuis longtemps, elle porte ce qu’elle crée, il serait plus exact de préciser qu’elle crée ce qu’elle voudrait porter, et comme ses amies et leurs amies aussi, cela a toujours fait boule de neige. Au début de ce siècle, Aude De Wolf oeuvra au sein d’un duo baptisé Shampoo & Conditioner, qui portait déjà sa griffe intemporelle – des robes qui suivent les courbes, une inspiration militaire, l’amour des carrures, des années 40 et du noir, beaucoup. Il a fallu que la vie la place aux côtés de Lionel Vandenbemden et qu’ils s’installent dans cette maison parfaitement seventies, pour être raccord avec ses envies. Depuis octobre 2018, officiellement, ils travaillent en binôme 24 heures sur 24 pour façonner artisanalement The Wolf Belgium, à l’ancienne, du demi-mesure façon boudoir, pensé et fabriqué à domicile, qui trouvera bientôt sa déclinaison au masculin: une parka « classique un peu Mod’s » et deux pantalons bien coupés, leur savoir-faire conjugué ne déroge pas à l’esprit tailleur. Elle a prêté son nom à leur label, il dit que l’ombre lui convient, qu’il se sent « carburant », qu’elle est le moteur, à elle « l’input », à lui les patrons et la coupe, il connaît, il fut étudiant à Esmod Paris. A deux, c’est mieux, ils n’auraient jamais osé franchir le pas autrement, les leurs s’accordent parfaitement en une alliance qui les voit souvent bosser bien plus tard qu’entre chien et loup, c’est la passion qui veut ça.

www.thewolfbelgium.com

Ester Manas

De haut en bas, de gauche à droite, Lili, Balthazar, Tivio, Ester et Sarah.
De haut en bas, de gauche à droite, Lili, Balthazar, Tivio, Ester et Sarah.© Merel Hart

En un an, tout a changé pour Ester Manas – « Je travaillais chez Makisu, je mangeais des cookies devant Grey’s Anatomy et je faisais du vélo d’appartement », dit-elle en omettant le principal, la volonté farouche de créer son label, avec le designer Balthazar Delepierre, son compagnon, son « couteau suisse », plongeant ses racines dans sa collection de fin d’études à La Cambre mode(s). Il y eut le Festival d’Hyères et ce prix qu’elle remporta, qui lui vaudra d’être en vitrine, dès avril prochain, aux Galeries Lafayette avec son premier opus, un vestiaire « classique à taille unique », qui se moque de toutes les injonctions faites aux femmes, des accessoires qui embrassent ce même principe et un parfum unisexe, Only for Everyone. Sa constellation s’est formée par attraction. Voici Tivio, étudiant à Solvay, qui jongle avec les chiffres, à lui le marketing et la com’ en ping-pong avec Balthazar. Voici Sarah Levy, diplômée de La Cambre, section accessoires, qui a osé lui e-mailer qu’elle l’aimait et était prête à penser avec elle un sac, une pochette, une ceinture. Voici Lili, rencontrée dans la même école où elle poursuit son master et qui, dès l’entame, fut à ses côtés, amie précieuse qui la pousse dans ses retranchements et mannequin « ultragénéreuse », comme toutes ses modèles, si riches de la diversité de leur peau et de leur corps. Sa garde-robe, elle la produit en circuit court, écoresponsable, dans l’Atelier Mulieris à Bruxelles et pour la maille, dans le Tarn, dont elle est originaire. En un an, oui, tout a changé, « on ne sera jamais plus seuls, c’est ça qui est bien ».

www.estermanas.com

Façon Jacmin

De haut en bas et de gauche à droite, Eda, Kaat, Anaïs, Natahlie, Mathilde, Joke, Elisabeth, et les deux créatrices Alexandra et Ségolène.
De haut en bas et de gauche à droite, Eda, Kaat, Anaïs, Natahlie, Mathilde, Joke, Elisabeth, et les deux créatrices Alexandra et Ségolène.© Merel Hart

On pourrait les croire odalisques, ainsi étendues sur le kilim de la boutique anversoise de Façon Jacmin – si ce n’est qu’il n’est pas l’heure du bain et qu’elles portent dès lors un autre costume. Et l’on pourrait les croire soeurs, ainsi enlacées habillées presque de même. Ce n’est pas tout à fait faux puisque Alexandra et Ségolène Jacmin sont jumelles et qu’elles partagent leur sororité, leur envie de vêtements intemporels et leur amour du denim, surtout s’il est japonais et tissé sur d’antiques machines qui en font la singularité. Elles se sont rebaptisées les Jacminettes, formant une communauté de femmes, des clientes devenues amies qui gravitent volontiers autour de cette famille de coeur qui travaille ensemble, additionnant les compétences et l’envie d’un vestiaire entièrement blue jeans, monochrome et indigo, le plus beau et le plus naturel des bleu, surtout pas délavé, à la rigueur légèrement, pour éviter de polluer la planète. Depuis trois ans et un Belgian Fashion Award 2017, ce tandem génétique, qui s’est sciemment choisi, concrétise son rêve. Une collection d’essentiels proposée dans une camionnette vintage pour débuter, puis une boutique/atelier/galerie à Bruxelles et, en novembre dernier, une maison/magasin/studio, à Anvers, avec un Denim Lab inventif. Histoire de mieux se concentrer sur la recherche, l’upcycling et les pièces uniques, artisanales, brodées à la main pour l’heure selon la technique de Sashiko qu’Alexandra découvrit à la faveur d’un voyage au pays du Soleil Levant. Si dans Façon Jacmin il y a façon, ce n’est nécessairement pas un hasard.

www.faconjacmin.com

42/54

Elodie, Ludovica, Olivia et Caroline.
Elodie, Ludovica, Olivia et Caroline.© Merel Hart

Elles viennent du monde du sport et en ont gardé la gnaque et le sens du collectif. D’autant plus que l’histoire les retiendra pour leur médaille d’or au 4 X 100 mètres aux jeux Olympiques de Beijing 2008. Depuis, elles ont inscrit leur score, 42/54, sur leur collection forcément athlétique et contemporaine. Cela fait trois ans qu’Olivia Borlée et Elodie Ouédraogo ont donné vie à leur rêve, sans plus devoir choisir entre sport et mode puisqu’elles les ont mixés intelligemment. Et comme elles savent qu’individuellement, on n’est rien, elles se sont entourées, pour « grandir » et franchir les obstacles. Ludovica et Caroline ont fait leur ce processus de création « ouvert à ce que l’on voit dans la rue » et dans les stades aussi. Qui mieux qu’Olivia et Elodie pour anticiper les désirs des filles qui courent? Il leur paraissait évident que leurs vêtements répondent à leurs exigences, éthique et transparence trônant en bonne place. Elles n’y connaissaient rien, elles ont tout appris: que la mode est une question d’alchimie, que l’on ignore pourquoi une marque « cartonne » et comment faire face à la concurrence, à la différence de la compétition où « l’on se prépare des mois; puis, on entend le son du départ, on a au moins le contrôle sur ce que l’on fait ». Auréolées du prix Emerging Talent of the Year aux Belgian Fashion Awards 2018, elles ont placé leur saison sous l’aura de l’Américaine Bonnie Cashin (1915-2000), costumière et créatrice pionnière du sportswear, que la fashion sphère enterra négligemment. Elles ont l’élégance d’inscrire cette figure magnifique dans leur garde-robe qui donne des ailes.

www.4254sport.com

Façon Jacmin

De haut en bas et de gauche à droite, Eda, Kaat, Anaïs, Natahlie, Mathilde, Joke, Elisabeth, et les deux créatrices Alexandra et Ségolène.
De haut en bas et de gauche à droite, Eda, Kaat, Anaïs, Natahlie, Mathilde, Joke, Elisabeth, et les deux créatrices Alexandra et Ségolène.© Merel Hart

On pourrait les croire odalisques, ainsi étendues sur le kilim de la boutique anversoise de Façon Jacmin – si ce n’est qu’il n’est pas l’heure du bain et qu’elles portent dès lors un autre costume. Et l’on pourrait les croire soeurs, ainsi enlacées habillées presque de même. Ce n’est pas tout à fait faux puisque Alexandra et Ségolène Jacmin sont jumelles et qu’elles partagent leur sororité, leur envie de vêtements intemporels et leur amour du denim, surtout s’il est japonais et tissé sur d’antiques machines qui en font la singularité. Elles se sont rebaptisées les Jacminettes, formant une communauté de femmes, des clientes devenues amies qui gravitent volontiers autour de cette famille de coeur qui travaille ensemble, additionnant les compétences et l’envie d’un vestiaire entièrement blue jeans, monochrome et indigo, le plus beau et le plus naturel des bleu, surtout pas délavé, à la rigueur légèrement, pour éviter de polluer la planète. Depuis trois ans et un Belgian Fashion Award 2017, ce tandem génétique, qui s’est sciemment choisi, concrétise son rêve. Une collection d’essentiels proposée dans une camionnette vintage pour débuter, puis une boutique/atelier/galerie à Bruxelles et, en novembre dernier, une maison/magasin/studio, à Anvers, avec un Denim Lab inventif. Histoire de mieux se concentrer sur la recherche, l’upcycling et les pièces uniques, artisanales, brodées à la main pour l’heure selon la technique de Sashiko qu’Alexandra découvrit à la faveur d’un voyage au pays du Soleil Levant. Si dans Façon Jacmin il y a façon, ce n’est nécessairement pas un hasard.

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