Les adieux de Dior et le retour de Lanvin: la Fashion Week homme parisienne en 10 hauts et bas

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© Launchmetrics Spotlight

Au cours des semaines de la mode masculine qui viennent de s’achever, Kim Jones a – peut-être – fait ses adieux à Dior et Lanvin a tenté un comeback. Voici les points forts (et moins forts) de la Fashion Week parisienne.

1. Le musée Pharrell chez Louis Vuitton

Alors que Chanel attend avec impatience l’arrivée de Matthieu Blazy et que Gucci se débat avec des chiffres décevants, Louis Vuitton règne sans partage sur la mode luxe. La marque domine, et ce n’est pas toujours agréable. La démonstration de puissance du label est assez forte. Le lieu du défilé, dans la cour du Louvre, était une fois de plus rempli de gardes du corps bourrus, chargés de protéger les simples citoyens – journalistes et stylistes notamment – du cercle de célébrités qui se trouvaient au premier rang. Le show a commencé une heure plus tard que prévu, car, selon la rumeur, la famille Arnault, qui venait d’assister à l’investiture du président Trump à Washington, n’aurait pas pu arriver à temps à Paris.

Pharrell Williams est toujours aux commandes des collections masculines de Vuitton. Cette saison, il a bénéficié de l’aide de Nigo, le gourou du style japonais à l’origine de marques telles que A Bathing Ape, Human Made et Billionaire Boys Club, et directeur artistique de Kenzo. La collection a été conçue comme une sorte d’ode à la collaboration de longue date entre les deux compères, et certains de leurs plus grands succès étaient aussi empilés dans une douzaine de vitrines alignées sur le podium circulaire. Ces objets sont vendus en ligne depuis le week-end dernier par Joopiter, la maison de vente aux enchères en ligne de Pharrell.

Et la collection Vuitton? Elle consistait, comme d’habitude, en des coupes très portables – du streetwear cool pour les hommes qui ont beaucoup d’argent. Problème: les hommes qui ont beaucoup d’argent et qui portent du streetwear ne sont pas cool par nature. C’est pourquoi tout cela avait l’air un peu compliqué. Et puis, il faut l’admettre, il n’y avait pas la moindre idée nouvelle dans cette collection. C’était juste cher.

2. Un au revoir chez Dior?

Des rumeurs circulaient: ce défilé pourrait bien être le dernier de Kim Jones pour Dior. Il serait remplacé par Jonathan Anderson de Loewe, qui superviserait à la fois les collections féminines et masculines. La mise en scène, austère et presque cérémonielle, renforçait cette impression. Tout comme lors de ses débuts chez Dior, il y a environ huit ans, Jones a établi un lien direct avec Christian Dior, le fondateur de la maison. « La Ligne H de Dior était déjà dans nos esprits avant même que nous plongions dans les archives cette saison », a déclaré le créateur. « Nous voulions revenir aux racines et nous concentrer sur l’essence de la maison. »

Cette collection oscillait entre ancien et moderne, ombre et lumière, masculin et féminin, rigide et fluide. Le moment le plus marquant? Un jeune homme vêtu d’une longue jupe gris Dior, d’une chemise blanche et d’un ruban de soie couvrant ses yeux, brodé du logo Dior — une rare apparition de ce dernier.

Le manteau d’opéra rose pâle qui a clôturé le défilé, une pièce de haute couture ornée de broderies inspirées de la collection Pondichéry de 1949, était tout aussi éblouissant. En un mot: un rêve. Le soir même, Kim Jones a été fait chevalier de la Légion d’Honneur à Paris. Merci pour tout, et au revoir.

3. Du luxe pour les travailleurs chez Willy Chavarria

Nous attendions avec impatience les débuts parisiens de l’Américain Willy Chavarria. Son défilé s’est tenu dans la cathédrale américaine de l’avenue George V, un lieu souvent utilisé pour des événements de mode. Chavarria avait décoré un mur de roses rouges, et l’éclairage évoquait les peintures de Caravage. Sa mission: élever les voix des personnes marginalisées. Lui-même est d’origine américano-mexicaine.

Parmi les mannequins défilaient Honey Dijon et Indya Moore, tandis que J Balvin, star de la chanson colombienne, interprétait une chanson en cours de défilé. Les vêtements, plus raffinés que ceux de ses précédents défilés new-yorkais, comprenaient des costumes en velours oversize dans des tons baroques de rouge, bleu et or, ainsi que des tailleurs d’inspiration Chanel. Le streetwear était également présent, avec une collection complète conçue en partenariat avec Adidas, y compris des sneakers. Une nouveauté: une gamme de silhouettes dédiées aux femmes.

Une partie de la collection provenait de vêtements vintage dénichés sur eBay. « J’ai voulu montrer comment créer de nouveaux looks à partir de pièces existantes », a expliqué Chavarria. La présentation s’est terminée par un enregistrement de la puissante et désormais fameuse prédication de Mariann Edgar Budde, évêque de Washington, à l’encontre de Donald Trump une semaine auparavant.

Un créateur qui ose parler de l’actualité, aborder la réalité quotidienne et prendre des risques, une présentation éblouissante… Sans doute l’un des temps forts de cette saison.

4. Le charme discret de Paul Smith

Parmi les moments les plus agréables de cette Fashion Week parisienne: Paul Smith, présentant lui-même sa collection dans son siège parisien, un hôtel particulier. L’événement était intimiste, avec moins de cent invités triés sur le volet, dont une star de la K-pop. « En octobre 1976, j’ai organisé mon premier défilé à Paris, dans l’appartement d’un ami rue de Vaugirard. Il y avait 35 personnes. Heureusement, j’ai un peu grandi depuis », a-t-il plaisanté.

Paul Smith s’est inspiré de son père, photographe amateur, et de la lumière des clichés du photographe américain Saul Leiter. « Mon père adorait Terence Donovan, cet acteur qui portait des costumes impeccables, souvent associés à des Dr. Martens. » Une collection à la fois personnelle et universelle.

5. Dries Van Noten et ses marins

Chez Dries Van Noten, l’imaginaire marin était à l’honneur, inspiré par The Wild Boys, le roman expérimental de William Burroughs daté de 1971 qui, pour autant qu’on s’en souvienne, est constitué à 98 % de scènes de sexe apocalyptiques. Le livre parle d’un mouvement de jeunes homosexuels cherchant à détruire la civilisation occidentale. David Bowie s’est inspiré des personnages pour son apparence de Ziggy Stardust. À l’horizon de la Godefriduskaai d’Anvers souffle un vent nouveau: en mars, lors de la Fashion Week féminine, Julian Klausner deviendra officiellement directeur artistique de la maison. Cette collection masculine, bien que signée par l’équipe de création, portait déjà son empreinte. Sans défilé, malheureusement. Une rangée de mannequins, un présentoir avec quelques vêtements et une poignée de photos agrandies de Willy Vanderperre, et le showroom Van Noten du Marais était déjà bien rempli. Bref, la présentation DVN la plus minimale de tous les temps, pandémie comprise.

Les mannequins, habillés de tenues de matelot revisitées avec broderies sophistiquées et fleurs éclatantes, évoquaient un monde onirique où se croisent Jean Cocteau et Galliano. Une présentation audacieuse, même en l’absence d’un véritable défilé.

6. Walter Van Beirendonck et son plaidoyer pour la paix

Le show de Walter Van Beirendonck, dans un immeuble de bureaux récemment achevé le long du Périphérique, n’était pas sans rappeler les « bed-ins » de Yoko Ono et John Lennon à Amsterdam et à Montréal en 1969. En partie grâce au lieu, un espace avec de grandes fenêtres surplombant la ville, et en partie grâce au plaidoyer de Van Beirendonck en faveur de la paix, avec Give Peace a Chance de John Lennon en finale. À la fin, les mannequins se sont assis et allongés sur des « Alien Couches » conçus par Van Beirendonck et recouverts des mêmes imprimés que les vêtements – une collaboration avec Hans Lensvelt. Une performance haute en couleurs et en symboles.

7. Les erreurs de Lazoschmidl

La petite marque suédoise Lazoschmidl, malgré de beaux vêtements et d’excellentes présentations, n’arrive pas à percer. Logique, peut-être: avec peu de moyens, on ne crée pas le même impact qu’une maison de luxe financièrement à l’aise. Cette année, le duo a passé un accord avec Sphères, le mini salon organisé quatre fois par an par la fédération à l’origine de la Fashion Week de Paris. Ainsi, après plusieurs saisons de présentations minimales dans les showrooms, Lazoschmidl a pu à nouveau présenter un show plus ambitieux. Le titre: Mistakes, le concept: « une entreprise fictive appelée Lazoschmidl Inc. est confrontée à une crise financière. Son personnel, composé d’employés semi-talentueux mais séduisants, se réunit dans des tenues de travail dépareillées ». Les garçons, vêtus de pyjamas, de sous-vêtements et de jeans rapiécés, sont assis autour d’une longue salle de réunion, avec un maigre déjeuner composé de pommes et de sucreries.

« C’est difficile pour des entreprises comme la nôtre », nous ont expliqué Andreas Schmidl et Josef Lazo, en nous tendant une pomme sur laquelle était collé leur logo en forme de lapin. « Les magasins dans lesquels nous vendons nos produits ont fermé ou n’ont pas payé leurs factures. Nous pouvons continuer parce que nous travaillons aussi en free-lance pour d’autres marques. Mais nous avons décidé que nous voulions avant tout nous amuser. »

8. Adieu en mineur chez Kolor

Les labels vont et viennent. Kolor, qui a longtemps été l’une des marques japonaises les plus respectées du calendrier de la mode à Paris, demeure, mais son fondateur Junichi Abe jette l’éponge. Junichi Abe est ou a été marié à Chitose Abe, la femme à l’origine de Sacai. Il a annoncé son adieu sans trop de fioritures, et de manière totalement inattendue, dans une lettre manuscrite adressée à chacun des invités de son défilé. Au revoir !

9. Retour à la déco chez Lanvin

La Fashion Week parisienne a commencé avec les défilés de Schiaparelli et Dior, entre autres, et l’ouverture officielle d’un nouveau flagship d’Alaïa, la marque dirigée par le créateur belge Pieter Mullier. Traditionnellement, certains défilés féminins sont déjà programmés le dernier jour de la semaine masculine. C’est le cas de Jacquemus, Patou et Lanvin.

Jacquemus a fait son retour dans le calendrier parisien dans l’appartement de l’architecte Auguste Perret, pionnier du béton, devant un public sélectionné de 40 à 50 personnes, pour la plupart des influenceurs. Simon Porte Jacquemus, comme Alexandre Mattiussi d’Ami Paris, tente de s’orienter vers une mode plus chère et plus élégante. C’est à peu près réussi pour la ligne féminine, mais moins pour les looks masculins, qui – vus sur l’écran d’un iPhone, c’est vrai – semblaient un peu ridicules.

Les débuts de Peter Copping chez Lanvin étaient particulièrement attendus. Le créateur a travaillé de nombreuses années pour Louis Vuitton, a été directeur artistique de Nina Ricci et Oscar della Renta, et a dirigé ces dernières années les remarquables collections de couture de Balenciaga. Chez Lanvin, il y a du pain sur la planche. La plus ancienne maison de couture française encore en activité est tombée dans un profond ravin depuis la démission abrupte d’Alber Elbaz, les choix malheureux se succédant. Copping parviendra-t-il à sortir de ce ravin et à faire de Lanvin un nouveau succès? L’avenir nous le dira.

Le défilé a été accompagné par les sonorités envoûtantes du Cristal Baschet, un instrument français unique datant de 1952. La collection, élégante, art déco et clairement inspirée des archives, était belle, mais aussi prudente. Il ne fait aucun doute que la réputation de Lanvin doit être restaurée et que cela doit se faire avec un regard sur l’histoire. Mais ce qui était moderne et élégant il y a cent ans peut encore sembler sophistiqué, chic et élégant en 2025, mais aussi un peu ringard. Nous verrons bientôt si les consommateurs sont encore friands de ce style. Le clou, en ce qui nous concerne, de cette nouvelle garde-robe masculine de Lanvin: un très beau manteau surdimensionné à imprimé léopard.

10. Les tendances

Nous avons vu beaucoup de carreaux et de combinaisons de carreaux. On a aussi vu double: pourquoi porter une veste, quand on peut en porter deux l’une sur l’autre? En temps de guerre, les looks d’inspiration militaire ne sont jamais loin, comme chez Comme des Garçons, où des vestes militaires réinterprétées étaient associées à des casques ornés de bouquets de fleurs. Give peace a chance, tel était également le message de Walter Van Beirendonck.

Et pour les hivers froids? Des gants géants sont alors très utiles, de préférence attachés à une cordelette pour les faire pendre à votre cou. Les chaussures? Comme des Garçons et Rombaut proposent des bottines hilarantes à bouts plissés (conçues par le Japonais KIDSLOVEGAITE dans le premier cas). Doublet, de son côté, présente des chaussures de clown avec une semelle que l’on peut dézipper (elles sont également signées KIDSLOVEGAITE). Et pour finir, nous avons vu un nombre remarquable de versions masculines du fameux tailleur de Chanel: chez Willy Chavarria, Doublet et Mihara.

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