La fripe, c’est chic
En quête d’un look pour vous démarquer? Fouillez dans l’armoire de votre grand-mère. A l’heure des grandes chaînes d’habillement et de la mode éphémère, les vêtements vintage séduisent les fashionistas et inspirent les créateurs de mode.
Signe de cet engouement, la jeune marque Neith Nyer a organisé son défilé dans la friperie parisienne Guerrisol, pendant la Fashion Week parisienne. En janvier la griffe française Avoc avait choisi une autre adresse vintage, Kiliwatch, pour présenter sa collection.
« Aujourd’hui le look réside dans l’exclusivité de la pièce. Forcément avec la +fast fashion+ et le +mass market+ on ne la trouve que dans le vintage, dans les friperies », estime le créateur brésilien Francisco Terra, à la tête de la marque Neith Nyer, qu’il a lancée en 2015 et baptisée du nom sa grand-mère autrichienne.
Pourquoi avoir choisi cette friperie d’un quartier populaire parisien? « C’est un peu le temple de la recherche de la mode parisienne », explique-t-il. « C’est un lieu où vient un public simple, qui n’a pas forcément d’argent, mais tous les stylistes des grandes marques y viennent » pour s’en inspirer, affirme le créateur, qui a travaillé dans le passé chez Givenchy et chez Carven.
Influencé par Margiela et Jean Paul Gaultier, deux maisons connues pour leur art du recyclage, le designer de 34 ans a bâti sa collection autour de l’histoire de jeunes vivant à Tokyo en 2083, dans un futur chaotique, qui récupèrent les vêtements de leurs ancêtres et les assemblent comme des patchworks pour en faire de nouveaux habits.
Il s’est inspiré des boutiques vintage de la capitale japonaise, qui en plus de vendre des fripes, les retravaillent pour en faire de nouvelles pièces.
Vintage rassurant
Une démarche d' »upcycling » également adoptée par le très en vogue label Vetements, dont l’une des pièces phares est un jean fait d’un assemblage de plusieurs Levi’s de deuxième main.
Dans la boutique parisienne « Thanx God I’m a VIP », Amnaye Nhas, l’un des responsables, constate que les défilés ont un effet direct sur les ventes: quand les marques reprennent des pièces historiques comme les manteaux et blousons en peau retournée ou les blousons d’aviateur, la demande explose en magasin, explique-t-il.
Cette friperie parisienne ne reprend que des vêtements des meilleures marques, en parfait état. Ici, rien de synthétique: tout est en laine, soie, alpaga, cachemire. Les prix vont de 40 à 2.000 euros. Une veste en soie Leonard, dans les tons verts, se vend 995 euros, un manteau Burberry datant de 1978 s’affiche à 450 euros.
Les clients? « Ce sont des gens qui veulent se démarquer », explique Amnaye Nhas. « Nous avons des clients hyper pointus, mais aussi des clients qui achètent chez Zara et veulent juste trouver quelque chose de plus original pour aller avec ».
L’historien Manuel Charpy souligne que l’engouement pour la fripe ne date pas d’hier: « la masse de vêtements de seconde main au 19e siècle était encore plus importante qu’aujourd’hui, la fripe dominait le marché populaire du vêtement », rappelle-t-il.
Porté par la crise économique, ce goût pour le vêtement d’antan s’inscrit dans un engouement actuel plus large pour le vintage. Qui se traduit par le succès de la série « Mad Men » ancrée dans les années 1960 ou de la réédition par Nintendo de sa première console, relève Cécile Poignant, spécialiste des tendances.
Le vintage « redonne un ancrage historique, temporel, cela rassure un peu. Cela a à voir avec le sentiment d’insécurité avec lequel on vit, on est beaucoup moins sûr qu’il y a trente ans que demain sera mieux qu’hier », souligne-t-elle.
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