Le détail qui fait un vrai sac à main de luxe? Sa fermeture éclair
Une fermeture éclair est plus qu’un simple détail dans un sac à main de luxe. « C’est un des indices pour reconnaître un vrai d’un faux », explique Renato Usoni, directeur du pôle luxe du groupe suisse Oerlikon.
Les fermetures éclair qui referment les sacs à main des grandes marques sont souvent fabriquées par l’entreprise suisse Riri, que M. Usoni dirigeait jusqu’à son rachat en mars par le groupe industriel Oerlikon, qui lui a confié son pôle luxe, créé lors de cette acquisition.
Basée à Mendrisio, dans le Sud-Est de la Suisse, Riri fabrique des boutons-pression et fermetures éclair sur mesure pour les grandes maisons de maroquinerie et de haute couture françaises et italiennes. Au gré de l’inspiration des stylistes, ses modèles peuvent être ornés, par exemple, de dents en couleur pour former un motif ou de navettes aux allures de bijoux, et fabriqués en petits lots de 60 pièces.
« Pour ces quantités-là, nos concurrents en Asie ne démarrent même pas leurs machines », explique M. Usoni.
Sur ce marché que M. Usoni évalue de 3,5 à 4 milliards d’euros, ses prix varient de 2 euros à 20.000 euros pour une fermeture éclair en or, le prix moyen étant 50 fois plus élevé qu’en Asie.
« Sur un sac ou une paire de bottes à plusieurs milliers d’euros, la qualité doit être parfaite », insiste-t-il. Ses modèles sont donc testés sur des machines qui montent et redescendent longuement les fermetures éclair pour vérifier leur résistance et s’assurer que les logos et monogrammes ne s’effacent à l’usure s’ils sont imprimés sur le ruban.
Les origines de l’entreprise remontent à 1923 lorsque l’homme d’affaires suisse Martin Othmar Winterhalter achète un brevet de fermeture à glissière à l’ingénieur suédo-américain Gideon Sundbäck et ouvre une usine en Allemagne.
Devant la montée du nazisme, l’homme d’affaires, de confession juive, décide en 1936 de charger ses machines dans un train pour les réinstaller dans une ancienne usine de pâtes en Suisse italophone, où il lance la marque Riri, retrace M. Usoni.
Compte tenu des coûts de production élevés en Suisse, l’entreprise s’est progressivement concentrée sur le luxe.
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Pas le même langage
Plus récemment, Riri a cherché à se développer dans la technologie de dépôt par vapeur physique, un procédé de finition des métaux contre la corrosion, qui fait partie des spécialités d’Oerlikon.
Ce groupe industriel tentait, lui, de proposer cette technologie utilisée dans l’aéronautique, l’automobile et l’industrie aux grandes marques de luxe, non sans difficultés.
« Nous ne parlions pas le même langage », a expliqué à l’AFP Markus Tacke, qui dirige la division de revêtements d’Oerlikon. « Dans le luxe, on parle de couleur ou de ressenti au toucher » alors qu’Oerlikon « vient de l’industrie où on parle de résistance des métaux ou d’abrasivité », reconnaît-il.
De plus, le groupe a dans son capital un actionnaire devenu encombrant, le milliardaire russe d’origine ukrainienne Viktor Vekselberg, réputé proche de Vladimir Poutine.
En 2006, son entrée fracassante dans le capital de ce pilier de l’industrie helvétique avait déjà suscité d’importants remous politico-juridiques, mais fait de nouveau sourciller les investisseurs en Bourse depuis la guerre en Ukraine.
Pour percer dans le luxe, Oerlikon a donc racheté en 2021 le français Coeurdor, un fabricant de fermoirs, anneaux et boucles de ceintures, puis Riri en mars 2023.
Et une fois allié à ces entreprises qui ont l’habitude d’interpréter les dessins des stylistes, « les projets ont soudainement commencé à avancer », se félicite M. Tacke.
Cette diversification dans le luxe doit apporter à Oerlikon une source de revenus plus stable, beaucoup de ses activités étant très sensibles à la conjoncture.
Sa division spécialisée dans les équipements pour machines-textiles souffre actuellement de la baisse de la consommation avec l’inflation. Pendant les confinements, ses revêtements avaient pâti des secousses dans l’aéronautique et l’automobile.
Cela peut aider à « réduire ces soubresauts de revenus », estime Yannik Ryf, analyste à la banque cantonale de Zurich, interrogé par l’AFP, mais le luxe ne représente pour l’instant qu’une « petite partie de ses activités », nuance-t-il.
Au premier semestre, les ventes du pôle luxe, récemment créé, se limitaient à 83 millions de francs suisses, soit seulement 5,7% de son chiffre d’affaires.
Le groupe doit publier jeudi ses ventes et commandes trimestrielles.
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