Le petit monde de Christelle Kocher, fondatrice de Koché, en 14 points

© koché

Avec elle, la couture, le streetwear et l’art contemporain se confrontent pour mieux se marier. Car pour la créatrice de la jeune griffe Koché, tout est matière à imaginaire. L’énergie et la spontanéité en plus.

Elle a trouvé à crécher à Ménilmontant, au détour d’un dédale de ruelles labyrinthiques et légèrement défoncées, dans un atelier généreusement vitré qu’elle a fait repeindre de blanc, c’était il n’y a pas encore un an. Elle a installé son bureau en mezzanine, on disait que c’était sa bulle, et en contrebas, sa petite équipe cosmopolite, une dizaine de fidèles à qui elle parle anglais naturellement – elle a étudié la mode à la Central Saint Martins de Londres, promotion 2002, cela laisse des traces.

Le petit monde de Christelle Kocher, fondatrice de Koché, en 14 points
© INDIGITALIMAGES

En septembre dernier, au tout début de la Fashion Week parisienne, Christelle Kocher, pour Koché, défilait au coeur des Halles, avec une énergie que l’on n’avait pas vue depuis longtemps – c’était son premier show, ouvert à tous, entre fête improvisée et performance réjouissante. Il faut préciser que sa singularité prend racine dans le mélange heureux de l’artisanat, du plus bel héritage de la haute couture française et du streetwear acoquiné au sportswear ultra-contemporain, sous cocktail de modernes influences, musicales, sculpturales et/ou théâtrales. Car cette jeune femme, grandie à Strasbourg, vêtue Koché, bijoutée Koché, n’aime rien tant que les arts vivants.

Si elle a détourné son nom de famille en label mode, c’est sans le r, « pour le rendre plus dynamique, lui donner une petite distance » et aussi parce qu’elle voulait que « cela sonne juste et qu’on le prononce correctement, aux Etats-Unis, à Hong Kong ou en Flandre ». Elle n’a rien d’une débutante, mademoiselle Kocher, qui cumule presque tous les postes pour sa maison lancée en septembre 2014 et celui de directrice artistique du fleuriste et plumassier Lemarié, qui fait partie intégrante des métiers d’art sauvés par Chanel. Son curriculum vitae mentionne les noms d’Armani, Martine Sitbon, Chloé, Sonia Rykiel, Dries Van Noten et Bottega Veneta, respect, mais cela ne dit encore rien de sa pugnacité, de son intelligence, de sa façon unique de concevoir une garde-robe XXIe siècle pour des filles qui lui ressemblent.

– MA COLLECTION PRINTEMPS-ÉTÉ 2016

« Je crée mes collections sans thématique et sans orientation préalable, ce sont des additions d’intuitions qui, petit à petit, construisent un ensemble cohérent. Des références très éclectiques s’y greffent ensuite et nourrissent le processus. Pour ce printemps-été 2016, j’ai mélangé le film Edward aux mains d’argent au swap du groupe TLC, La Haine de Mathieu Kassovitz à des éléments de Goth japonais.

Le petit monde de Christelle Kocher, fondatrice de Koché, en 14 points
© Koché X Lemarié

Les artistes Lee Bul, Nick Cave ou Sheila Hicks m’ont aussi inspirée mais je n’utilise jamais mes sources de façon littérale, tout est canalisé dans mon esthétique. Je veux faire se rencontrer, se confronter les univers de la couture, du streetwear et de l’art contemporain, mais avec beaucoup de spontanéité et d’énergie. Je veux que ce soit brut, un peu androgyne, sans me limiter aux frontières du chic parisien. »

– LA MAISON LEMARIÉ

« En 2010, je suis devenue directrice artistique de la maison Lemarié qui existe depuis plus d’un siècle et cultive un savoir-faire unique. Ses 90 employés se chargent de réaliser les créations en plumes et fleurs artificielles destinées aux collections couture des plus grandes maisons. J’essaie de donner une nouvelle pertinence et une modernité à leur travail tout en préservant et stimulant leurs connaissances techniques très spécialisées. Je veux prouver que la couture a toujours sa place dans la réalité d’aujourd’hui et que cela ne ressemble surtout pas à un truc un peu vieillot, digne d’un musée. »

– HÉLÉNA KLOTZ

HÉLÉNA KLOTZ
HÉLÉNA KLOTZ© SDP

« J’ai tout de suite accroché à l’univers d’Héléna, son romantisme sombre, son regard sur les corps et la jeunesse, son incroyable sens du cadre. Tout est hanté et très vivant chez cette réalisatrice. Elle m’avait demandé conseil pour les costumes de son premier long-métrage, L’âge atomique, je lui avais fait quelques suggestions. Je suis très fière du film qu’elle a réalisé pour Koché, avec son iPhone, sans équipe, sans moyen, elle a rendu les filles charismatiques et vulnérables, des héroïnes modernes et urbaines. »

– RYAN TRECARTIN

« Cet artiste vidéaste est captivant. Avec lui, on est parfois au bord de l’hallucination mais son discours sur le digital et l’artificiel est très fort. Tout est travaillé en ayant l’air absolument chaotique et DIY. »

– MICHÈLE LAMY

Michèle Lamy
Michèle Lamy © Reporters

« C’est mon autre marraine, je l’ai rencontrée dès le début de Koché et elle a été d’un soutien incroyable. Elle est visionnaire mais aussi très rigoureuse en matière de business. Michèle (NDLR : la muse et épouse du créateur Rick Owens) m’a encouragée dès le départ à rester indépendante et à affirmer ma vision, sans compromis. »

– ARIEL PINK

Ariel Pink
Ariel Pink © Corbis

« Un caméléon avec un sens musical incroyable. J’ai l’impression qu’il a déjà fait mille chansons – elles ont une profondeur rarement évoquée. Je trouve beaucoup de poésie dans ses non-sens et ses métaphores étranges. C’est assez barré. Ses looks, ses clips, tout est inspirant chez lui. Je suis même allée le voir lors de la signature d’un de ses albums, je me suis mise en mode jeune fille et il a dédicacé ma pochette : « Pour Crystal », ça me fait marrer. »

– VIRGINIE VIARD

Virginie Viard
Virginie Viard © Belga Images

« J’ai rencontré la directrice du studio Chanel il y a longtemps, je lui avais écrit une lettre en sortant de Central Saint Martins, elle m’avait reçue et je lui avais présenté mon portfolio. Elle avait suivi mon parcours de loin puis il y a cinq ans, on m’a proposé ce poste de directrice artistique chez Lemarié, je ne connaissais rien à la fleur, à la plume, à la broderie, mais elle m’a dit : « Tu vas y arriver… »

Depuis que je crée pour cette maison et que je travaille en collaboration étroite avec le studio Chanel, je me régale de fréquenter Virginie Viard, j’apprends beaucoup d’elle, de son exigence, de comment elle gère huit collections par an et de nombreuses équipes, avec une grande élégance. »

– MES MINI MODÈLES

Le petit monde de Christelle Kocher, fondatrice de Koché, en 14 points
© KOCHÉ X LEMARIÉ

« Je travaille à la façon de Vionnet en réalisant d’abord mes créations en miniature sur des poupées, c’est comme une esquisse, cela va plus vite, cela me permet d’avoir une meilleure idée du tomber du tissu et du volume de mes pièces. Je vois si la direction est prometteuse. »

– DAVID FOSTER WALLACE

« Il y a quelque chose dans son écriture qui me stupéfie, me désoriente et me fascine. Des constants changements de perspectives, des vrilles dans la narration, de l’humour, des références en tout genre. C’est de l’intelligence pure. Il faut s’accrocher mais après, on jubile. »

– MEHDI MEDDACI

Mehdi Meddacci
Mehdi Meddacci

Une amitié est née, du coup, je lui ai proposé de collaborer avec moi, il n’avait jamais photographié de mode, ce n’était pas forcément son domaine de prédilection, il a accepté, on travaille donc ensemble sur tous les lookbooks, avec Frédérique Massabuau, et c’est très beau. Notre dernière campagne, shootée dans les Halles en construction, représente parfaitement l’esprit Koché. Tous deux arrivent à saisir des moments spontanés et inattendus, ils ne cherchent jamais à embellir mais à révéler l’aspect brut, sincère de mes silhouettes. C’est ce qui m’intéresse : ne pas être dans l’artifice ni la glamourisation de la femme ou du vêtement, être dans un cadre urbain, avec des filles réelles, même s’il y a toujours quelque chose de très onirique qui surgit. »

Frank Ocean
Frank Ocean © Corbis

C’est ce qui m’intéresse : ne pas être dans l’artifice ni la glamourisation de la femme ou du vêtement, être dans un cadre urbain, avec des filles réelles, même s’il y a toujours quelque chose de très onirique qui surgit. »

– FRANK OCEAN

« Une voix et une présence tout en délicatesse, sans mièvrerie. J’ai écouté Channel Orange, son dernier album, des centaines de fois, j’ai hâte que le prochain sorte. »

– JULIEN LACROIX

Julien Lacroix
Julien Lacroix © SDP

« Il est acteur et metteur en scène et partage aussi ma vie et ma passion artistique, depuis très longtemps. Julien touche à tout, c’est très inspirant, il m’a fait découvrir les points forts de la scène contemporaine. Il m’a beaucoup aidée à penser ce premier défilé et dans sa mise en place complexe, il a beaucoup compté. On a réussi à réaliser mon rêve : un show-performance ouvert à tous les publics, généreux et exigeant, avec une énergie folle. »

– EL PERRO DEL MAR

El Perro Del Mar
El Perro Del Mar © Reporters

« J’avais acheté le premier album de cette chanteuse suédoise, je l’écoutais en boucle, je suis un peu obsessionnelle. Puis, j’ai fêté mes 30 ans, c’était il y a six ans, elle était à Paris, elle est venue à ma soirée, invitée par des amis communs. Depuis, on ne s’est plus quittées. »

– AAMOUROCEAN

« Ces deux DJ et musiciens dingues peuvent tout mélanger, passer de voix d’adolescentes qui chuchotent à de la trap très énervée. Ils font ces montages avec beaucoup de finesse, ils ont un grand sens narratif. Ils ont mixé à quatre mains pendant le défilé, perchés en haut de la place Carrée des Halles, c’était d’une belle intensité, ils ont réussi à électriser tout le monde. J’écoute encore toujours la playlist, j’adore. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content