Le prix des vêtements va-t-il exploser? Ce qu’en pensent les experts
A l’heure où le monde la mode est rassemblé à Londres pour la Fashion Week, le secteur est bousculé par la flambée des cours du textile: une difficulté de plus pour une industrie déjà aux prises avec la pandémie et le Brexit.
Coton, mais aussi lin, soie, laine et matières synthétiques dérivées du pétrole ont vu leurs cours s’envoler ces derniers mois, galvanisés par une demande forte grâce à la reprise mondiale conjuguée à l’envolée des cours de l’énergie et du transport.
En 2021, les prix du coton ont ainsi augmenté de près de 45% pour atteindre en début de mois 1,29 dollar la livre, un sommet depuis plus de dix ans. La filière bio est particulièrement touchée, avec une flambée des prix de 90% du coton biologique venant d’Inde en un an, selon des données sectorielles.
Pour l’industrie textile, cela se traduit par « une pénurie et une hausse des coûts« , explique auprès de l’AFP Euratex, la confédération qui regroupe les fabricants européens de textile. Le prix d’autres fibres naturelles comme la laine et le lin est également en augmentation depuis fin 2020, après près de trois ans de baisse.
« La forte hausse des cours du pétrole (…) renchérit le coût des fibres synthétiques qui concurrencent directement le coton », commente Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank. Le polyester, le nylon et les acryliques sont produits à partir de produits chimiques dérivés du pétrole. Leur prix est donc directement lié à celui de l’or noir, dont les cours sont actuellement proches de sommets sur 7 ans.
La demande est d’autant plus forte que les acheteurs textiles veulent se prémunir de prix qu’ils anticipent en hausse en constituant des stocks. Résultat: « il est plus difficile pour les acheteurs mondiaux de s’approvisionner en coton où que ce soit », explique à l’AFP Jack Scoville, analyste pour Price Group.
Un conteneur en provenance d’Asie qui arrive aux États-Unis coûte désormais entre 12.000 et 16.000 dollars, contre 3.000 dollars avant la pandémie
Répercussions inéluctables
Rogie Sussman Faber, propriétaire de Vogue Fabrics, un magasin de tissu réputé dans la banlieue de Chicago, remarque toutefois que l’envolée des coûts de transport éclipse presque celle des fibres.
« Aux États-Unis, nous sommes davantage touchés par la forte hausse des frais de transport que par le prix des matériaux », assure-t-elle à l’AFP. Selon elle, un conteneur en provenance d’Asie qui arrive aux États-Unis coûte désormais entre 12.000 et 16.000 dollars, contre 3.000 dollars avant la pandémie.
Yves Dubief, président de l’Union des Industries Textiles française pointe également du doigt la hausse des prix du gaz et de l’électricité, dont la filière est une grande consommatrice.
Une augmentation des prix de revient qui pèse particulièrement sur les petites entreprises, plus fragiles. « Il faut une trésorerie solide pour financer les coûts d’exploitations. Des entreprises peuvent décider d’arrêter leurs productions », déplore-t-il.
Des répercutions des prix sur les produits finis comme les vêtements semblent inéluctables, selon plusieurs experts. « Les consommateurs pourraient commencer à voir les prix augmenter », estime Jack Scoville.
D’autant que le prix de l’habillement a déjà contribué le mois dernier à pousser l’inflation à un sommet en trente ans au Royaume-Uni, à 5,5%.
Les géants du secteur devraient toutefois traverser la tempête sans trop y laisser de plumes.
Associated British Foods, la maison mère du mastodonte britannique de la « fast fashion » Primark, a cependant assuré à l’AFP que l’augmentation de ses coûts de fabrication n’induirait pas d’augmentation des prix, grâce à un taux de change favorable et une baisse des coûts d’exploitations des magasins. Fin 2021, le suédois H&M assurait être « habitué aux fluctuations du coût des matières premières ainsi qu’à d’autres facteurs externes qui pourraient potentiellement impacter les coûts d’achat ».
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