Les cuissardes, phénomène de mode
Hyperconnotée, la cuissarde suscite autant de haines que de passions. Cet automne-hiver, elle séduit les créateurs, qui la remettent sur le devant de la scène. Analyse d’un phénomène de mode… qui survit au temps qui passe.
Si elle symbolise la séduction et la féminité par excellence, la cuissarde s’est, en réalité, échappée du vestiaire utilitaire masculin. Alors archétype de l’autorité et de la discipline, elle naît durant l’Antiquité et chausse, jusqu’à la Révolution française, les soldats et autres guerriers, exclusivement. A la fin de l’époque victorienne, sa version lacée devient tendance auprès des prostituées londoniennes qui s’inventent un style afin de plaire aux clients fétichistes, à la recherche d’une dominatrice. La botte obtient ainsi une connotation hot, la première d’une longue série.
Lorsque les loisirs se populariseront auprès des femmes, elle s’invitera plus largement à leurs pieds. Par exemple, dans les années 30, l’actrice américaine Bette Davis accompagne sa tenue de chasse d’une paire en cuir sombre. Et à mesure que l’ourlet perd du terrain, la cuissarde en gagne. Pas étonnant, donc, que son interprétation moderne, débarrassée définitivement de son côté pragmatique, apparaisse en même temps que la minijupe. Emblème – elle aussi – de la libération sexuelle, son heure de gloire arrive en 1963, quand Yves Saint Laurent fait défiler un modèle en crocodile réalisé par Roger Vivier. C’est ensuite au tour des icônes des sixties de succomber à la fameuse pièce, rehaussée d’un talon large et carré, dont une certaine Brigitte Bardot, bottée jusqu’en haut des cuisses, interprétant son célèbre hit Harley-Davidson, en 1967. Et, par deux fois, elle s’immortalise au cinéma: en 1968, dans Barbarella et en 1990, dans Pretty Woman, comédie romantique incarnée par Julia Roberts. Cette énième déclinaison, en vinyle noir et à talon aiguille, cristallisera une certaine vulgarité qui nuira à sa crédibilité mode.
Depuis, elle a quitté les purgatoires fashion et enflamme à nouveau régulièrement Internet. On pense notamment à Michelle Obama marquant les esprits en achevant la tournée promotionnelle de son livre Becoming, en décembre dernier, chaussée de ces incroyables Balenciaga pailletées et irisées. Ou à chaque fois qu’Ariana Grande les accompagne d’un pull oversized, tout simplement. Cet automne-hiver, l’accessoire s’érige carrément en must-have. Chez Max Mara, il s’habille d’un imprimé croco et se pare de teintes neutres ou de coloris pop – turquoise, cobalt ou moutarde. Du côté d’Isabel Marant, il se plisse élégamment. Pour Celine, Hedi Slimane l’embourgeoise, lui donne des faux airs preppy et le garnit de shearling. A porter avec une minirobe, une jupe échancrée ou un pantalon skinny. Non, le look Buffalo Bill n’est pas envisageable…
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