Marina Yee a perdu sa bataille contre le cancer le samedi 1er novembre. La créatrice faisait partie des Six d’Anvers, ce groupe de stylistes qui, à la fin des années 1980, ont inscrit la ville d’Anvers sur la carte mondiale de la mode. Yee n’a jamais cessé de créer. Parfois comme freelance, souvent dans l’anonymat, jusqu’au lancement de sa propre marque en 2021.
Marina Yee a étudié la mode à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers. Là, elle fait la connaissance de Walter Van Beirendonck, Dries Van Noten, Dirk Van Saene, Ann Demeulemeester et Dirk Bikkembergs. Elle s’y est distinguée par son sens aigu du style et un talent de dessin incontestable.
Après ses études, elle fait ses premiers pas dans le monde de la mode. Elle collabore notamment avec des marques belges telles que Gruno & Chardin et Bassetti. De 1986 à 1990, elle se fit un nom avec son propre label, Marie. Elle choisit ensuite de s’éloigner du milieu de la mode pour se consacrer à l’enseignement, d’abord à Saint-Luc, à Tournai, puis à l’école KASK de Gand. Elle continua néanmoins à travailler dans la discrétion de son atelier, à la fois comme créatrice et comme artiste.

À partir de 2018, Marina Yee reprit timidement le chemin de la création, d’abord à travers une petite production réalisée avec un partenaire japonais et destinée exclusivement au marché asiatique. En 2021, elle lança, aux côtés de son bras droit Rafaël Adriaensens, le label M.Y. Collection. Au fil des années suivantes, elle développa cette marque de manière durable et entièrement selon ses propres principes, jusqu’à en faire une maison reconnue et distribuée à l’international.
Dans une interview accordée à notre magazine, elle revenait sur son retour. Après une première tentative internationale infructueuse, elle avait choisi une approche plus intime, plus intense, plus porteuse de sens.

« Ce fut un électrochoc », expliquait-elle à propos de cet échec. « Que faire à présent ? Je me suis demandé ce que je voulais vraiment. Je me suis dit : soit tu arrêtes, et tu le regretteras amèrement. Soit tu affrontes tes traumatismes et cette peur de l’échec qui te pèse depuis trente ans, et tu poursuis ta passion. »
L’an dernier, elle remportait encore le Prix du Jury lors des Belgian Fashion Awards 2024. Elle avait réagi avec gratitude et modestie :
« J’ai longtemps travaillé dans l’ombre, mon parcours a été différent de celui des autres membres des Six. Et j’ai souvent douté de mes capacités. Je ne sais pas si ce prix changera quelque chose à mon manque de confiance en moi, je n’y ai pas encore réfléchi. On me dit souvent que c’est admirable d’avoir eu la force, après tant d’épreuves et une si longue absence, de relancer ma propre marque. Alors oui, c’est une belle reconnaissance. Mais je reste humble. Avoir la grosse tête ? Non, ce n’est pas moi. »
Outre la mode, Marina Yee a également conçu des costumes pour le théâtre, ainsi que des peintures, collages, objets, créations d’intérieur et œuvres graphiques.
Texte: Timon Van Mechelen