Myriam Ullens de Schooten, plus belle la vie
Sa Maison Ullens s’offre une première boutique parisienne et sa Fondation Mimi, un film comme un instant de grâce. Et que dire du reste ? Tout est dans tout.
Elle se serait bien vu pignon sur rue avenue Montaigne, à Paris, mais elle est raisonnable. Ce qui n’empêche pas de forcer la chance, matérialisée un peu plus loin, presque au coin, rue de Marignan, en une boutique flambant neuve, la deuxième, après Aspen, avant Londres et Hongkong, travaillée en aval par l’architecte Rem Koolhaas à qui elle avait dit : » Je ne veux pas du Rem Koolhaas, je veux que vous compreniez qui est Myriam Ullens. » Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. La proposition vaut également pour sa maison de mode, qui porte son nom, qu’elle lança en 2010 et qui définit son vestiaire idéal, réversible souvent, un travel chic en cachemire, en cuir, perforé ou non, un prêt-à-voyager de luxe, c’est le néologisme qui résume parfaitement cette garde-robe signée en tandem par elle et la créatrice belge Véronique Leroy, qui l’accompagne dans l’aventure depuis la deuxième collection. » On s’est trouvées immédiatement, on est très perfectionnistes, on aime aller jusqu’au bout, elle est volontaire, moi aussi. Et elle aime les belles choses. » Comme ce pull, automne-hiver 14-15, qu’elle porte en avant-première, assorti à un pantalon en cuir bleu presque Klein, avec grand sac marine pas bling pour un sou, le tout lui va comme un gant – » je répète à mon équipe : chaque fois que vous faites une pièce, essayez de me voir dedans. » Elle sait qu’elle est à un tournant important dans la courte histoire de sa Maison Ullens, elle ne veut pas le rater. Dans trois heures, le Tout-Paris, plus quelques chers amis belges, viendra inaugurer la boutique, on goûtera ses chocolats maison, elle en connaît aussi un rayon – dans une autre vie, elle se lança dans la pâtisserie, » il fallait que je travaille, vite, j’adore faire des gâteaux et je trouvais plus sensuel de pétrir de la pâte que de tremper les mains dans le pâté « . En guise de viatique, un livre de recettes de Gaston Lenôtre, qu’elle finira par rencontrer, » un homme hors du commun » qui lui donna ce conseil : » Myriam, quoi que vous fassiez dans la vie, ne trichez jamais avec la qualité, ne faites jamais de compromis. » L’exigence, ça lui ressemble, quant à savoir si c’est de l’ordre de l’inné ou de l’acquis… Quand elle naît, elle pèse 1 kilo 250 grammes, prématurée avec double pleurésie, trois mois d’hôpital, » mais bon voilà je suis là « . Petite enfance dans un décor militaire, son père est officier de l’armée belge basé en Allemagne, puis pensionnat, » une bonne école de vie, je dis merci à mes parents, le plus bel héritage que l’on puisse donner à des enfants, c’est une belle éducation « . Chez les Ursulines, à Namur, où ça n’avait pas l’air de rigoler tous les jours, elle s’évade en écrivant, c’est sa » façon de rêver « . Sa prof de Français a des exigences pour elle, lui fait recommencer ses rédactions, rater ses entraînements de natation, aujourd’hui elle lui en sait gré. Et puis il ne faut jamais regarder en arrière, » on finit par trébucher et se faire mal, la vie est trop courte « . Ce qui n’interdit pas le doute. Une nuit d’insomnie, juste après sa première collection, elle se trouva soudain présomptueuse, qui était-elle pour oser s’avancer dans ce monde de la mode qu’elle ne connaissait pas ? » Tu vas aller au bout de ton trip et tu vas le réussir, tu en baveras, mais tu iras au bout, et maintenant, tu dors « , lui souffla son mari le baron Guy Ullens de Schooten Whettnall. A deux, en 2007, ils créent de toutes pièces l’UCCA (Ullens Center for Contemporay Art), à Pékin, leur façon de partager leur amour de l’art, des artistes et leur collection exceptionnelle d’art contemporain chinois. Mais avant, ils auront inauguré deux orphelinats, une école à Katmandou, six centres de rééducation alimentaire à Nepalganj et Bhadrapur, toujours au Népal, et elle aura donné son surnom, Mimi, à une fondation dont l’objectif est » d’améliorer la qualité de vie des patients souffrant d’un cancer « . Leur offrir parfois » un instant d’insouciance « , » ne serait-ce qu’une seconde « , allez voir le film sur www.mimi-foundation.org. Pas de mièvrerie. Juste une expérience intime – son cancer du sein, elle l’avait baptisé Nestor. Depuis, elle a retrouvé les réflexes salutaires de son adolescence : elle écrit. Elle a d’ailleurs mis le point final à une saga qui » débute en 1943 et se termine aujourd’hui « . Sa résolution de l’année : réussir à la faire publier, en anglais d’abord, elle a bon espoir. Elle l’a titrée : » Do not forget to live. »
Maison Ullens, 4, rue de Marignan, à 75008 Paris. www.maisonullens.com
PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON
» Ne trichez jamais avec la qualité. «
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