Qui est Mina, la muse de Gucci & Balenciaga sortie tout droit des 60s

Mina, l'icône d'hier à nouveau plus cool que jamais - Getty Images
Mina, l'icône d'hier à nouveau plus cool que jamais - Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Figure de la variété italienne des 60s, Mina Anna Maria Mazzini, Mina pour ses fans, a récemment fêté ses 84 ans. Et s’offre une nouvelle jeunesse au gré des collaborations avec les créateurs les plus inspirés du moment, de Demna chez Balenciaga au producteur de génie Mark Ronson pour Gucci. Portrait d’une icône.

Regard exalté, maquillage audacieux, chevelure blonde comme canevas des coiffures les plus alambiquées et jamais sans son micro: il y a quelque chose de Lady Gaga dans les photos d’époque de Mina. À moins que ce ne soit plutôt l’inverse?

C’est que la chanteuse italienne a connu sa première heure de gloire bien avant que Stefani Germanotta ne vienne au monde. Nous sommes alors dans les années 60, et la native de Lombardie à la voix profonde et grave fait des vagues. Pour son registre vocal, bien sûr, mais aussi pour son image de femme émancipée, dans une Italie encore plutôt prude et régie par les préceptes de l’Église catholique.

Qu’à cela ne tienne: connue tour à tour comme la « reine des crieuses », pour ses reprises de rock américain, ou encore comme la Tigre di Cremona, la tigresse de Crémone, elle est aussi célèbre pour ses prouesses lyriques que sa présence scénique. Mina a les jupes aussi courtes que son verbe est haut, et de ses tenues à ses choix de vie, elle multiplie ce qui est perçu alors comme une série de provocations.

Le divorce est illégal dans la Botte? Cela n’empêche pas la chanteuse de vivre une relation passionnée avec Corrado Pani, acteur marié, et de pousser l’audace jusqu’à avoir un enfant de lui en dehors des liens du mariage. « Je l’ai voulu ce fils, il n’est pas né par hasard. Je l’ai voulu parce que j’aimais son père et que son père le voulait aussi” rugissait-elle en 1963, peu de temps après avoir accouché.

Ajoutez à ça des chansons dont les paroles évoquent tantôt le diable, tantôt ce qui tombe alors encore sous le coup de la « fornication »‘, et plusieurs de ses chansons sont bannies par la RAI. Ce qui ne fait évidemment que cimenter encore un peu plus la légende de cette tigre péroxydée, qui semble utiliser le maquillage plus pour provoquer que pour séduire, et qui n’hésite pas à assortir sa sempiternelle cigarette de sourcils rasés.

Brat (bien) avant l’heure, Mina? Disons que ce n’est pas si surprenant si les créatifs les plus hype du moment se prennent soudain de passion pour une chanteuse italienne octogénaire.

Ballade épique

Ancora, ancora, encore, encore, encore répète en boucle une voix envoûtante.

Celle de Mina, donc, choisie par Sabato De Sarno, alors tout juste nommé directeur créatif de Gucci, pour accompagner son premier défilé pour la maison italienne. Un défilé nommé, vous l’aviez peut-être deviné, Ancora, et à l’occasion duquel le DJ et producteur de talent Mark Ronson a imaginé une version moderne, encore plus hypnotique et dansante, de l’Ancora, ancora, ancora chanté en 1978 par Mina.

Avec un tel triumvirat de talent et de glamour, ça ne loupe pas: très vite, les invités du défilé comme les Internautes qui n’en perdent pas une miette sur les réseaux se prennent de passion pour sa bande-son.

Tant et si bien que l’Ancora revisité par Mark Ronson fait son apparition sur les plateformes de streaming, où l’engouement ne faiblit pas, loin de là: plus de 10 millions d’écoutes rien que sur Spotify, où le remix est paré d’une réédition de l’album dans le « rouge Gucci » du défilé.

Mina photographiée à Rome en 1972 – Getty Images.

De cette collaboration plus que réussie, Mark Ronson a partagé qu’il s’agissait d’une très jolie surprise, confiant qu’avant que Sabato De Sarno ne fasse appel à lui, il n’avait jamais entendu la chanson. Et pourtant, « quel titre! » s’enthousiasme celui qui dit être « tombé amoureux » de la voix de Mina, mais aussi « de la passion et du désir qu’elle dégage », ainsi que d’un arrangement orchestral qu’il n’a pas hésité à qualifier d’exquis.

La chanson « a des accents de ce que j’ai fait auparavant, mais c’est aussi une ballade très épique, à l’italienne. J’ai donc conservé beaucoup de choses qui sont vraiment belles dans l’original, comme les voix et les cordes, mais je lui ai donné un nouveau rythme et j’y ai ajouté mon truc. Sabato m’a parlé de toutes les autres musiques pop italiennes des années 70 et 80 qui étaient importantes pour lui, alors je me suis plongé dedans » racontait-il encore à Vogue.

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Et Sabato de Sarno de partager le résultat de cette collaboration avec un « ❤️ » répété en boucle dans les commentaires de son post. Nous sommes à l’automne 2023, et peut-être ne le sait-elle pas encore, mais la renaissance (mode) de Mina ne fait que commencer.

Mina, de Gucci à Balenciaga

Ce mercredi 4 septembre, Demna, directeur artistique de Balenciaga, et Massimiliano Pani, fils et producteur de Mina, ont ainsi annoncé que la chanteuse collaborerait prochainement à une collection capsule pour la maison de mode, conçue pour coïncider avec la sortie de son nouveau single, L’amore vero.

Mina dans les années 60 – Getty Images.

Mark Ronson disait être « tombé amoureux » de la chanteuse que Sabato de Sarno écoutait enfant avec sa mère, et Demna Gvasalia, qui l’a entendue pour la première fois par hasard dans un bar du Veneto, chante le même refrain.

« Avant même de comprendre ce qui m’arrivait, j’étais totalement obsédé. Je me suis plongée dans ses concerts, ses albums… Elle était tout simplement l’artiste idéale pour une période de ma vie où je cherchais dans la musique un moyen d’exprimer la mélancolie et la tristesse que je ressentais suite à la rupture d’une relation très importante pour moi ».

Demna

Dans un entretien avec Demna, Massimiliano Pani a révélé que sa mère, elle-même très admirative du travail du créateur géorgien, dans lequel elle reconnaît son propre goût pour l’audace et l’avant-garde, n’a pas hésité quand ce dernier l’a approchée au sujet d’une collaboration éventuelle.

Et si, à l’heure d’écrire ces lignes, peu d’infos ont filtré sur cette capsule déjà culte, on sait toutefois qu’un t-shirt de la gamme, orné du visage de Mina ainsi que de l’entièreté de sa discographie, sera pourvu d’un NFC donnant accès en avant-première à son dernier single.

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Et que la collection comprendra également une paire de lunettes en édition limitée, inspirée du maquillage audacieux de Mina au faîte de sa gloire, et agrémentées de la signature au laser de cette dernière.

Des paroles au silence radio

Laquelle, malgré son retour remarqué sur le devant de la scène (mode mais aussi musicale) reste relativement discrète.

Ou faut-il plutôt parler de mystère? C’est que depuis la fin des années 70, soit près d’un demi-siècle tout de même, elle vit coupée du monde en Suisse, sur les rives du lac Lugano, refusant la moindre interview et évitant les apparitions publiques. Le dernier cliché (volé) d’elle datant d’il y a près de 15 ans, Mina ayant été capturée au bras de son mari, le chirurgien cardiaque Eugenio Quaini.

Un comble pour celle qui a interprété Parole, parole avant que le duo formé par Dalida et Alain Delon ne rende la chanson célèbre de ce côté-ci de la Méditerranée? Mina n’a que 38 ans quand elle fait ses adieux à la scène et à la célébrité. Même si l’expression n’est pas vraiment adéquate car en guise d’adieux, il n’y aura qu’un silence, sans la moindre explication de ce départ soudain.

Qui n’a pas empêché sa voix de continuer à résonner: avec plus de 150 millions de CDs vendus dans le monde, celle dont le (pré)nom ne disait peut-être encore rien il y a peu à la jeune génération n’est pourtant rien de moins que l’artiste italienne la plus vendue au monde. Pas mal pour une artiste qui jusqu’à ce récent regain d’entrain, n’avait « que » 15 ans de carrière active au compteur.

Mina sur le plateau de l’émission Senza Rete en 1970 – Getty Images.

Loin des spotlights, Mina a toutefois continué à produire de la musique, au rythme d’environ un nouveau disque par an.

Et si son retrait de la vie publique laisse imaginer réclusion, burn out et autres afflictions mentales, il n’en est rien selon son fils. « C’est la personne la plus libre que je connaisse » assure Massimiliano, né des amours de sa mère avec le fameux acteur marié susmentionné. Et de voir dans son retrait la preuve ultime de cette liberté: « on lui a promis des ponts d’or pour repasser à la télévision ou remonter sur scène, en vain. Elle est toujours restée fidèle à son souhait de ne plus apparaître ».

Jusqu’à maintenant? L’histoire ne dit pas (encore) si Mina profitera de sa collection capsule avec Balenciaga pour revenir sur le devant de la scène, mais déjà, ses fans d’aujourd’hui et d’hier se réjouissent à l’idée d’avoir bientôt de nouvelles chansons à écouter. Loin des yeux, peut-être, mais pas du coeur. Peut-être, justement, parce que cela fait si longtemps qu’elle gardes ses distances?

Dans sa dissection minutieuse de ce qu’il appelle le « paradoxe Mina », le journaliste musical américain Frank Chlumsky, fan de « la tigresse » depuis son échange linguistique en Italie, évoque le choc que provoque le rejet de la célébrité, « rejet des valeurs contemporaines qui valorisent la visibilité ». Et d’évoquer la manière dont cela génère « l’exposition dans l’obscurité », tout en protégeant cette célébrité, ainsi devenue domaine exclusif de la personne qui la possède, des « effets corrosifs des feux de la rampe ». 46 ans après ses derniers show, ces derniers n’ont pourtant jamais vraiment cessé d’illuminer Mina. Au contraire, même, car ainsi que l’a justement théorisé son éternelle rivale, Ornella Vanoni, en se retirant de la vie publique, Mina a créé un mythe dont la jeune génération de créatifs ne demande qu’à écrire le prochain chapitre.

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