Pourquoi Raf Simons quitte Dior

© Reuters

Il a toujours pesé ses mots, Raf Simons, préférant d’ailleurs l’ombre à la lumière, le silence et le travail au tapage mondain et médiatique. Pour le coup, il a bien fallu qu’il mette des phrases sur son départ, dans un communiqué officiel, où il évoque des « raisons personnelles » qui le poussent à ne pas renouveler son contrat de directeur artistique des collections Femme de Christian Dior.

« Après mûre réflexion », Raf Simons jette donc le gant. « C’est une décision fondée à la fois sur mon désir de me concentrer sur d’autres centres d’intérêts de ma vie, notamment ma propre marque et les passions qui m’habitent, au-delà de mon métier ».

On connaît sa force de travail, son exigence et sa façon si rigoureuse de mener ses recherches en amont de toute collection. Le rythme de plus en plus effréné imposé par la mode – deux défilés haute couture, deux défilés prêt-à-porter Femme, un show « Croisière » par an à ajouter aux pré-collections, aux collections d’accessoires de la maison de l’avenue Montaigne et à additionner ensuite à ses deux défilés et collections Homme qu’il signe de son nom, cela fait beaucoup pour un seul créateur. Même s’il est terriblement bien secondé et entouré, même si les ateliers font des miracles – on l’a vu à loisirs dans le très beau film de Frédéric Tcheng, Dior and I, où au lendemain de son engagement chez Dior, en avril 2012, Raf Simons a exactement huit semaines, jour pour jour, pour créer ex nihilo un premier hiver Haute Couture. Sûr que l’on y palpe cette pression quasi insoutenable, ce n’est rien de le dire. Or, il est de ceux qui ont besoin de temps pour créer, ce qui ne veut pas dire qu’il est lent à la tâche, loin de là. Ni qu’il coupe les cheveux en quatre. Il a souvent répété qu’il était « un vieux monsieur qui privilégie plus que jamais la réflexion et le processus intellectuel ». Il est également de ceux qui ont le sens du détail et de la perfection – ne pas contrôler tout ce qui tourne autour de Dior, le monde du parfum notamment ou des boutiques, a pu aussi refroidir son élan.

On connaît la droiture de Raf Simons, sa maturité, sa solidité, son amour pour la céramique, sa terre natale et un univers underground qui l’a façonné adolescent. On peut dès lors comprendre qu’il ait tracé sur le papier deux colonnes – avantages/désavantages – de ce qu’il perdait et gagnait à quitter ce poste – on en a connu d’autres qui se sont écroulés, laminés, John Galliano n’est pas le premier.

On l’a vu, le 2 octobre dernier, former un coeur avec ses doigts, à la fin du défilé Dior, alors qu’il saluait -ce qu’il a horreur de faire, non par snobisme mais par timidité. Ne pas y voir un signe avant-coureur à son départ, analysé a posteriori : il adressait ce petit message 2.0 à ses parents, sagement assis au premier rang. Il baptisé cette ultime collection « L’Horizon », il l’a simplifiée « à l’extrême », ce sont ses termes, il a voulu « trouver une nouvelle forme de précision, de pureté et d’aisance », il y est parvenu, laissant là, selon son désir « un fragment d’éternité à venir ». Et si Raf Simons n’avait jamais quitté les territoires de l’adolescence, lui qui est né à Neerpelt, Limbourg, dans les années 70? Ce départ en serait la preuve : car qui mieux que les jeunes gens rebelles préfèrent l’intégrité ? Etre soi sans concession. Son mantra, affiché sous son label personnel, ne dit pas autre chose : « Pride in individuality ».

>>> Retour sur le passage de Raf Simons chez Dior en 100 images

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