Rencontre avec la top belge Hannelore Knuts: «Je vis une deuxième adolescence»

© Klaartje Lambrechts

À 47 ans, la top belge Hannelore Knuts revient pour nous sur sa carrière qui l’a menée de Hasselt aux podiums des plus grandes maisons.

«J’ai coupé mes cheveux moi-même», sourit Hannelore Knuts en nous accueillant dans un café anversois, un mercredi matin tranquille. Elle porte une chemise blanche et un jean. Elle a vite embarqué avec elle quelques vestes en denim puisées dans son placard pour la séance photo qui se déroulera un peu plus tard. La top de 47 ans a écrit un livre (*) dans lequel elle retrace les étapes importantes de sa vie jusqu’ici. Elle y raconte son adolescence à Hasselt, ses aventures dans la mode, ses dix années passées à New York. Elle parle de sa mère et son fils, aussi.


C’est presque naturellement qu’elle est tombée dans ce métier. Et tout s’est accéléré à une vitesse vertigineuse. Elle a travaillé pour Chanel, Gucci, Prada — et une centaine d’autres grandes maisons — et posé pour quasiment tous les grands photographes. Un quart de siècle plus tard, elle reste toujours très demandée. «Je n’ai pas voulu écrire un livre prétentieux, plaide-t-elle. Le but n’était pas de dire, regardez, ma vie est tellement incroyable que j’ai écrit un pavé de 500 pages que vous lecteur, vous allez prendre deux semaines à lire. Mais plutôt: hé, laissez-moi simplement vous raconter mon histoire.» Démonstration.

Remontons le temps, jusqu’en 1983. Vous vivez alors dans le Limbourg…

J’étais une petite fille joyeuse, mais je préférais ne pas attirer l’attention. C’est en secondaire que j’ai commencé à sortir un peu des clous. Nous habitions à Kuringen, dans la banlieue de Hasselt. J’allais à l’école à onze kilomètres de là. Je menais deux vies parallèles. Dès que je le pouvais, je rejoignais Het Kot, un repaire bricolé avec des matériaux de récupération le long du canal Albert. C’était un vrai club de mecs, mais mon frère et ses amis m’avaient acceptée. Mes copines venaient aussi dès qu’elles le pouvaient.

La danse comptait déjà beaucoup pour vous?

À chaque fête de famille, on dansait. Tout le monde apportait une paire de chaussures de rechange et des pansements pour les ampoules (rires). Enfant, je dansais en pyjama dans le salon devant la télé.

La musique aussi a toujours rythmé votre vie…

Depuis l’enfance, je me construis ma bande-son. J’emmenais partout mon petit lecteur de cassettes mauve. Encore aujourd’hui, j’ai besoin de musique pour me sentir prête à affronter le monde. À 6 ou 7 ans, j’écoutais Madonna, avec Like a Virgin. J’ai de beaux souvenirs sur Pump Up The Jam de Technotronic, et sur Push It de Salt-N-Pepa. Plus tard, mes goûts sont devenus plus sombres. The Cure, Pixies…

© Klaartje Lambrechts

Quand avez-vous commencé à vous intéresser à votre look?

Ado, j’avais une vieille armoire avec deux miroirs dans ma chambre. Même si je ne connaissais rien à la mode, j’expérimentais des combinaisons. Je me souviens d’avoir enfilé une robe très ajustée, jaune vif. Mais en sortant, j’ai vite rajouté un énorme sweat-shirt par-dessus. Je ne voulais pas attirer l’attention des hommes. C’était difficile pour moi. J’étais grande et mince. Et très vite, je me suis rendu compte, presque inconsciemment au début, que les hommes me regardaient.

Avez-vous été harcelée?

Non, pas du tout. J’étais très naïve aussi. J’ai été presque la dernière de ma bande de potes à embrasser quelqu’un. Les garçons, ça ne m’intéressait pas.

Comment êtes-vous devenue mannequin?

À la fin de mes secondaires, en 1995, j’ai eu une sorte de révélation. J’ai su que je voulais travailler dans quelque chose de créatif. J’ai finalement décidé d’étudier la photo à l’Académie d’Anvers. C’était un monde étrange et nouveau pour moi, très intimidant. Mais je m’y suis immédiatement sentie chez moi. Mon métier de mannequin m’a emmenée dans des endroits dont j’arrivais parfois à peine à prononcer le nom, mais ce trajet en train de Hasselt à Anvers, c’est le voyage le plus essentiel que j’aie jamais fait.

‘Avec mon look androgyne, j’étais différente, ça intriguait.’

Vous souvenez-vous de votre premier défilé?

En première année à l’Académie, j’ai défilé dans le show de fin d’année des étudiants en mode. Inge Grognard a fait mon maquillage à ce moment-là, elle me l’a rappelé des années plus tard. J’ai trouvé ça excitant. Pas longtemps après, Priska, une étudiante qui venait d’être diplômée, m’a demandé si je voulais défiler pour le premier show de Veronique Branquinho, deux jours plus tard à Paris. J’étais là, en coulisses, dans une cave, à côté d’Inge Geurts, une autre Limbourgeoise. Cet accent hasseltois, on le repère partout.

Tout aurait pu s’arrêter là…

On m’a proposé de participer à un documentaire sur de jeunes mannequins, mais j’ai d’abord décliné, ce n’était pas du tout mon rêve. Ma première année à l’Académie s’était bien passée, j’avais eu une grande distinction. Mais en deuxième année, j’ai eu des doutes. J’ai finalement dit oui pour ce documentaire. On m’a filmée à un rendez-vous dans une agence à Paris. Le patron m’a suggéré de d’abord tenter ma chance en Belgique. Ce que j’ai fait.

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Il vous a encore pourtant fallu faire preuve d’un peu de patience…

Ce n’est que des mois plus tard que j’ai reçu un coup de fil. J’étais bookée pour un défilé d’Alexander McQueen à Londres. Ce show, c’était du théâtre — un podium élevé, des projecteurs, des talons hauts. Un vrai baptême du feu. Après Londres, j’ai enchaîné avec Milan. Tout le monde se demandait: «Mais qui est cette fille?» Cette première saison, j’ai fait jusqu’à sept défilés par jour. À partir de ce moment-là, je ne suis plus jamais revenue à la maison.

Comment expliquez-vous votre succès?

Dans mon cas, c’était mon look androgyne. J’avais les cheveux noir, les yeux bleus. J’étais différente. Et ça les intriguait. J’étais, surtout au début, très maigre. Mais j’avais de la poitrine, un corps très féminin. En même temps, si je prenais un air sévère, je pouvais passer pour un homme.

© Klaartje Lambrechts

Vous racontez aussi quelques moments privilégiés passés avec Karl Lagerfeld…

Je le trouvais intimidant, derrière ses lunettes de soleil. Il m’a dit: «Toi, tu es Coco, ton attitude, ce côté masculin qui surgit parfois.» Avec lui, c’était tout blanc ou tout noir. S’il en avait fini avec vous, c’était terminé. Et ça pouvait aller vite.

Qu’est-ce qui vous a poussée en 2008 à tout quitter pour partir à New York?

Je venais d’avoir 30 ans. J’habitais à Deurne. Je me suis dit: si je veux un jour vivre à New York, c’est maintenant ou jamais. Je suis partie en octobre. Le 4 novembre, le jour de mon trente-et-unième anniversaire, Barack Obama a été élu. C’était la fête dans les rues, un moment fantastique. C’est aussi dans cette ville qu’est né mon fils, Angelo. Je voulais qu’il ait un passeport américain.

Aujourd’hui comment vous sentez-vous?

Après la naissance d’Angelo et ma séparation avec son père, j’ai eu besoin de récupérer. Le Covid est arrivé, le monde avait changé. J’ai dû me réinventer. J’ai commencé la méditation, je me suis formée pour l’enseigner. J’anime de temps en temps des ateliers, en plus de mon travail de mannequin et de mes activités à la télévision. J’ai l’impression de vivre une deuxième adolescence.

(*) Le livre HK & Ik (édition Pop Culture) sortira ce 25 octobre, uniquement en néerlandais.

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