Michaël Azoulay, fondateur d’American Vintage: “Cela ne m’avait jamais traversé l’esprit de créer ma boîte”

© Yosra Farrouj
Anne-Françoise Moyson

Il fête les 20 ans de sa marque American Vintage. Une collection anniversaire et une nouvelle boutique à Waterloo viennent célébrer ces deux décennies de mode. Ce n’était pas gagné d’avance pour Michaël Azoulay (46 ans). Le petit gars des quartiers populaires de Marseille n’aurait jamais imaginé être un jour à la tête d’un label au succès mondial.

Il y a vingt ans, les Etats-Unis, c’était quelque chose

J’y suis allé pour la première fois au début de ce siècle. Je ne suis pas resté longtemps, je n’en avais pas les moyens. Je voulais voir à quoi ressemblaient les marques et les magasins des grandes villes américaines… Il y avait une énergie dingue. J’ai été jusqu’à Los Angeles, j’étais le petit Français, le petit Marseillais et j’en ai pris plein la gueule. Et j’ai eu un déclic, j’ai commencé à voir les choses différemment. J’ai entrepris un virage et j’ai initié la naissance d’American Vintage – ce nom est une petite dédicace.

On peut tout apprendre sur le tas

Ado, j’étais en bac pro Électricité, parce qu’on m’avait dit: «Apprends un métier manuel, tu auras toujours du travail.» Je travaillais sur des chantiers, comme jeune apprenti. Je n’étais pas heureux… J’ai arrêté. J’ai été livreur de pizza, notamment, et puis j’ai commencé à être vendeur en magasin. Je me suis découvert. Je suis un enfant de commerçants, mes parents avaient un magasin de détail dans les quartiers nord de Marseille. Petit, j’y allais avec eux et j’y travaillais quand c’était les fêtes… J’avais ça dans le sang mais cela ne m’avait jamais traversé l’esprit de créer ma boîte, j’avais 23 ans, j’étais VRP et j’étais payé au lance-pierre. Mes seules priorités: rentrer de l’argent et m’occuper de ma famille.

J’ai eu la chance de grandir dans un quartier populaire de Marseille

On était une bande de copains, on était en bas, dans la rue, avec un ballon du matin au soir. On rentrait à la maison pour déjeuner, nos mères nous appelaient par la fenêtre, on se dépêchait de manger et on redescendait. On prenait nos vélos, on faisait le tour du quartier et on avait l’impression que c’était l’aventure. On était dehors tout le temps. Ou au club de sport. Pourtant, l’été surtout, quand il faisait chaud et que les autres partaient en vacances et nous pas, c’était dur à vivre.

Plus tard, j’ai pris conscience que cela avait été formateur. Dans ces cités composées de grands immeubles, tout était construit vers le haut mais il y avait des espaces verts et des commerces. C’était une ville dans la ville. On avait 2 euros en poche, on allait au centre commercial, on s’achetait des bonbons, une pizza ou un pain au chocolat. On s’éclatait. On a grandi ensemble. Et puis, on a tous eu des parcours différents, certains ont bien mené leur barque, d’autres moins malheureusement mais ils gèrent. Tous me disent leur fierté: «On t’a vu grandir, on sait combien ça n’a pas été simple et combien tu y es arrivé mais on ne peut pas dire que tu aies changé.» Je suis resté le même pour eux, c’est magique et tellement important pour moi.

Si je suis fort, c’est grâce à ma mère

Elle est partie il y a dix-sept ans, après une maladie de merde qui a duré des années… Mais elle m’a transmis sa force. C’est à moi de prendre le relais, de veiller à l’union familiale, on est juifs marocains, nous avons le sens de la famille et du partage, mes parents nous ont éduqués dans ces valeurs-là.

Le chien est le meilleur ami de l’homme

Ma première chienne s’appelait Life, comme la vie. Elle est décédée il y a trois ans d’un cancer et j’en ai beaucoup souffert – on ne peut le comprendre que quand on le vit. C’était fusionnel. J’ai alors voulu préparer l’après et Sun est arrivée, un berger allemand à nouveau, j’aurais pu l’appeler Hope… Ce serait mentir de dire que j’ai la même relation mais elle est toujours à mes côtés, même quand je suis au bureau.

On prend parfois de bonnes décisions dans la vie

L’une des meilleures que j’ai prise, c’est d’avoir un troisième enfant. Il est arrivé douze ans après les deux premiers, il est né en 2018. Il m’apporte une nouvelle jeunesse, une nouvelle énergie, ça remplit le sac à dos. Et puis je me dis qu’il faut que je sois en forme. Je m’étais d’ailleurs promis la même chose pour les grands. Gamin, j’étais sportif mais dès que je suis rentré dans la vie active à mes 16 ans, j’ai abandonné, je mangeais mal, je fumais des clopes… Or, je voulais être un peu leur G.O., je savais qu’ils ne grandiraient pas dans un quartier comme celui que j’avais connu et qu’ils n’auraient pas cette vie sociale dans ces clubs de sport et dans ces espaces de jeux que nous explorions alors à longueur de journée… J’ai donc redoublé d’effort pour me remettre en forme et les emmener dans les parcs et à la plage, jouer au foot et faire du vélo. J’ai toujours voulu être là pour eux.

171, chaussée de Bruxelles, à 1410 Waterloo.

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