Shooting | Baloji en mots et en photos, pour les tendances Homme de l’automne
Son premier long métrage Augure, primé à Cannes et à Angoulême, vient tout juste d’être choisi pour représenter la Belgique aux Oscars. Tour à tour rappeur, auteur-compositeur, styliste et réalisateur, Baloji, l’artiste qui multiplie les casquettes, a enfilé chapeau de feutre et cagoule pour présenter le vestiaire masculin de l’automne.
Il est passé de l’école primaire de Liège aux scènes de Glastonbury et de Coachella, a réalisé des clips musicaux et des courts métrages et a joué dans Rundskop et Binti, entre autres. Des noms de la mode comme Miuccia Prada, Virgil Abloh, Jacquemus et Burberry ont fait appel à son talent créatif.
L’actu de Baloji
Cet automne, Baloji apporte la preuve ultime de sa polyvalence avec son premier long métrage, Augure. Le film, qui retrace l’histoire de quatre personnages considérés comme sorciers par leurs familles et communautés, a été primé à Cannes, dans la catégorie Un Certain Regard, ainsi qu’au festival du film francophone d’Angoulême. Augure vient d’être sélectionné pour la participation de la Belgique aux Oscars, qui seront décernés le 10 mars 2024, témoigne pleinement de son talent.
Le polyvalent belgo-congolais est non seulement le réalisateur et le scénariste du film, mais il en a également assuré la direction artistique et les costumes, en collaboration avec Elke Hoste. Baloji a enregistré pour Augure quatre albums inédits, un pour chaque personnage principal. Avant de présenter ce quatuor à la mi-mars à l’Ancienne Belgique à Bruxelles, il organise Baloji Augurism, une expérience totale qui vous plongera dans son univers créatif. Inspirée du film, l’exposition se tiendra au MoMu d’Anvers du 21 octobre au 14 avril 2024. Une immersion dans l’univers de l’artiste pluridisciplinaire où l’on découvre des images, des accessoires, des costumes et des vidéos issus de ses archives passées et actuelles, ainsi que des collaborations avec des artistes et artisans internationaux.
Le film
Cannes est très protocolaire. C’était ma première fois au festival, j’étais ravi, mais comme je n’ai pas suivi un parcours typique dans le cinéma, je ne le voyais pas comme un objectif de carrière. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est avant tout un rendez-vous de cinéastes et pas du tout un truc glamour. Comme le film avait été sélectionné en janvier, on a eu le temps de digérer, faire tomber la pression avant de le montrer, même si c’était forcément un moment très émouvant car la majorité de l’équipe a découvert le film sur place.
La reconnaissance
La célébrité n’est ni un vecteur de qualité, ni une garantie de compétences. J’ai côtoyé plein de gens qui ont été très célèbres pendant un an ou deux puis qui ont disparu, d’autres qui ont bossé pendant vingt ans sans jamais atteindre la reconnaissance: c’est une mesure de talent erronée. Les personnes qui font un métier aussi fou que le nôtre pour être célèbres se sont trompées d’objectif: c’est un boulot hyper exigeant, qui demande de se dévouer à son projet à temps plein, donc ce qu’on célèbre, quand on est du milieu, c’est la reconnaissance du travail effectué plutôt que le fait d’être reconnu de tout le monde. Un prix à Cannes hors compétition officielle ressemble à un prix Albert-Londres dans le journalisme: une reconnaissance des initiés.
Le succès
Le métissage a des bons et des mauvais côtés. C’est un sujet sur lequel je ne veux pas m’étendre, parce que je ne veux pas passer pour quelqu’un qui épingle la Belgique, mais ayant vécu un temps sans papiers, mon identité belge sera toujours relative, surtout que j’ai reçu un ordre de quitter le territoire à 19 ans! Mon histoire personnelle est complexe et sinueuse, donc je ne prends pas une réussite comme une finalité et je ne compte pas m’arrêter là ou laisser le succès me distraire de l’essentiel, qui est de travailler.
L’inspiration
Plus on se pose de questions, moins on est créatif. Si on me demande de me décrire, ma réponse dépendra de mon interlocuteur. Mais en règle générale, je me considère comme un créatif. C’est un terme qui englobe les artistes protéiformes qui s’expriment dans plusieurs domaines. Finalement, tout part d’une idée, et c’est quand on essaie de cadrer le processus qu’on en perd le fil. Quand l’inspiration me vient, je vois dans quel médium elle va se développer: pour Augure, par exemple, j’avais envie de raconter une histoire d’une certaine manière, par le biais d’un film, en musique, et sous forme d’exposition mêlant photo et œuvres d’art.
« C’est important de réaliser qu’il est aussi possible d’exister sans être vu«
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Une ville de cœur
J’aime Liège de tout mon cœur. Chaque fois que j’y suis, je trouve qu’il y a quelque chose d’assez exceptionnel qui s’y passe. Je vis à Gand, aujourd’hui, et je remarque la différence: à Liège, il y a un côté petite Italie qu’on ne retrouve pas dans d’autres endroits du pays.
Le rapport à la mode
Le vêtement est souvent ramené à un rôle figuratif, alors qu’il est tout sauf secondaire. J’aime expérimenter avec mes tenues, cela fait une vingtaine d’années que je m’intéresse à la mode et j’y entretiens un rapport très intuitif. J’ai porté une jupe à Cannes, je sais que ça n’a pas fait l’unanimité, mais le regard des autres ne me préoccupe pas du tout! Au début, dans la musique, on essaie de plaire, mais ce rapport de séduction t’éloigne très souvent de toi-même. J’ai la chance de ne pas du tout ressentir ce besoin de séduction, parce que le public est volatile: ceux qui vous aiment aujourd’hui ne vous aimeront peut-être plus demain, tandis que si vous restez fidèles à qui vous êtes dans votre travail, vos pairs le remarqueront. C’est important de réaliser qu’il est aussi possible d’exister sans être vu.
Questions de genre
La reproduction héréditaire n’est pas une fatalité. J’ai eu une relation compliquée avec mon père, mais je suis hyper proche de ma fille, et je suis persuadé que c’est faux de croire qu’on reproduit forcément ce qu’on a vécu, qu’on doit agir comme ses parents et que c’est une espèce de destinée à laquelle on ne peut pas échapper. Avoir une fille a fait de moi un homme plus ouvert aux questions de genre et aux obstacles que doivent affronter les femmes. Notre société est malheureusement construite autour d’un schéma patriarcal qui est au centre de tout, et c’est hyper important de le remettre en question.
La création
La créativité est un muscle, et plus on l’entraîne, plus il devient flexible. Je travaille minimum 8 à 12 heures par jour, cinq jours par semaine, mais je ne me vois pas comme un workaholic. Il y a un rapport assez jouissif avec la création: plus tu travailles, plus ça devient organique de travailler, plus tu attrapes des méthodes… C’est un énorme kif.
Assistant photo: Roel Van Tittelboom — Assistants de production: Francis Boesmans et Joshua Basubi — Coiffure et maquillage: Elke Binnemans pour Sisley — Mannequin: Baloji — Coordination: Ellen De Wolf
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