Thierry Wasser, parfumeur chez Guerlain: du champ au flacon

Thierry Wasser © BENJAMIN DE LAPPARENT

Une lavande n’est pas l’autre. Pour la création de la fragrance Mon Guerlain, c’est sur la Carla qu’il a jeté son dévolu. Le Vif Weekend s’est glissé dans ses pas, au coeur de la Drôme.

Thierry Wasser, parfumeur chez Guerlain: du champ au flacon
© DENIS CHAPOULLIÉ

« Un champ de lavande rempli de Carla, c’est comme une plage où se mêlent des femmes brunes, blondes et rousses ; contrairement à une plantation de lavande classique, correspondant à un banc de sable où ne bronzeraient que des filles blondes. Sans aucune variété. C’est pourtant bel et bien cette dernière qui rend la vie si agréable.  » C’est avec cette explication très imagée que Thierry Wasser introduit cette fleur odorante qu’il travaille et affectionne tant.  » La Carla possède une large panoplie de gênes, poursuit le parfumeur maison de Guerlain. Sur une seule parcelle, on peut en trouver plus de cent mille. Comme chaque spécimen affiche des propriétés particulières et une senteur qui lui est propre, l’huile qui en résulte et son effluve sont indéniablement uniques. Ce végétal délicat est plein de caractère et symbolise la simplicité et la vérité. C’est la raison pour laquelle je souhaitais le convoquer dans Mon Guerlain, un parfum qui est un véritable hommage aux femmes.  »

Pour fabriquer ce jus, la maison de luxe a besoin d’une grande quantité de matière première – quatre kilos d’huile nécessitent une tonne de fleurs – et a donc dû établir un lien étroit avec plusieurs producteurs.  » Même lorsque les récoltes sont décevantes, je dois m’assurer que nous obtiendrons la même quantité de lavande « , se justifie Thierry Wasser.

Terres propices

C’est à 1 250 mètres d’altitude, dans le champ bio de Fabien Morel, qui représente la quatrième génération de cultivateurs de lavande à Barret-de-Lioure, que nous nous rendons. L’homme possède 93 hectares, partiellement dans la vallée, dont la plupart sont cultivés à destination du secteur de la parfumerie ou pour la réalisation de bouquets.  » Les grandes maisons telles que Guerlain et Chanel veulent de la lavande française. Et ce, malgré la concurrence de la Bulgarie notamment, commente l’agriculteur. Le microclimat provençal permet d’obtenir une qualité supérieure, que l’on ne trouve nulle part ailleurs. La Carla, qui pousse sur les hauteurs, possède en outre un parfum plus délicat grâce à la combinaison de la terre et du processus organique employé.  »

Thierry Wasser, parfumeur chez Guerlain: du champ au flacon
© BENJAMIN DE LAPPARENT

La tranquillité qui règne sur place – seul le bourdonnement des abeilles est audible – est troublée pendant deux jours, lorsque les dix-neuf travailleurs saisonniers collectent les fleurs. Celles destinées à être transformées sont cueillies à l’aide d’une machine tandis que celles réservées aux fleuristes le sont à la main. De là, la récolte est transportée à la distillerie de Bontoux, qui produit des matières premières aromatiques de diverses manières. Celles-ci sont utilisées en parfumerie, en cosmétique et en pharmacie.

Thierry Wasser, parfumeur chez Guerlain: du champ au flacon
© JEAN PICON

 » Les tiges sont séchées durant quelques jours, raconte Thierry Wasser. Il reste ainsi moins d’eau, ce qui facilite le processus de distillation. Les plants séchés sont ensuite entassés dans un fût de distillation traversé par de la vapeur d’eau à 100 °C : une condensation, composée d’eau et d’huile essentielle, apparaît ainsi.  » C’est dans cette dernière qu’est enfermée l’odeur des fleurs. Après, le liquide est acheminé vers un autre fût au travers d’un tuyau très froid. Grâce à cette température basse, les substances se séparent l’une de l’autre. L’huile flotte au-dessus ; le reste atterrit dans un troisième tonneau pour former de l’eau distillée de lavande. L’ensemble du cycle dure une heure environ.

Cette huile de lavande, combinée au jasmin sambac, à la vanille et au bois de Santal, aboutit en fin de compte dans le flacon Mon Guerlain, lui conférant sa signature particulière.

Par FRANCISKA BOSMANS

Parfait effluve

Ceux qui développent la Carla parlent de  » lavande de population  » ou  » fine « . Au départ, cette espèce a été cultivée à partir de la Rapido et de six autres variétés afin de créer une plante résistante aux maladies et aux moisissures. Mais ces arbrisseaux dicotylédones se reproduisent désormais seuls et possèdent donc des origines génétiques diverses.  » L’odeur dégagée diffère dès lors d’année en année, mais comme nous composons les mélanges sur la base de plusieurs producteurs, nous conservons finalement la même qualité pour nos fragrances « , note Thierry Wasser.

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