Victoire Maçon Dauxerre raconte la réalité de la vie de mannequin dans « Jamais assez maigre »

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L’ex-star montante des podiums a connu une ascension fulgurante stoppée net par une tentative de suicide, à peine sept mois après ses débuts. Dans Jamais assez maigre, son témoignage engagé, elle raconte ce conte de fées qui vira au cauchemar et dénonce un système prônant l’anorexie.

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Jeune et jolie Parisienne de 17 ans, Victoire Maçon Dauxerre est repérée dans la rue par un agent qui prétend voir en elle « la prochaine Claudia Schiffer ». Embauchée par Elite, elle semble promise à un bel avenir… à condition de « rentrer dans les fringues », en taille 32. Ce qui équivaut, pour cette ado de 1,78 m pour 56 kilos, à perdre une dizaine de kilos et trois centimètres de tour de hanches. Elle y parviendra en avalant trois pommes par jour, ni plus ni moins, avant de s’autoriser quelques écarts qu’elle règle à coups de laxatifs, puis de lavements. Débutante ultrapro, elle devient « la top qui monte » et réalise une première saison hors normes, défilant notamment pour Céline, Alexander McQueen ou Miu Miu. Mais derrière les flashs et les paillettes, elle découvre le stress, les rythmes insoutenables, les privations et l’inhumanité d’un milieu « Marche ou crève ». Elle s’accroche toutefois pour figurer parmi les vingt mannequins les plus demandés de l’année. A l’aube de la consécration, elle commet une tentative de suicide, dont elle réchappe dans un piteux état : hypotension, perte de cheveux, ostéoporose, aménorrhée. Avec Jamais assez maigre, témoignage, thérapie et cri d’alarme, elle revient sur ces « sept mois suspendus » dont elle n’est pas encore tout à faire guérie, cinq ans plus tard. « Je jongle encore entre anorexie et boulimie, nous dit-elle, mais je vais beaucoup mieux. »

Comment n’avez-vous pas réalisé que ce qu’on attendait de vous était inhumain ?

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C’est terrible, mais je ne sais pas. On m’a dit : « Si tu y arrives, tu peux réussir une carrière incroyable », et pour passer du 36 au 32, j’avais besoin d’une solution radicale. Je pensais que ça ne durerait que deux mois mais j’avais enclenché les mécanismes de l’anorexie : plus je maigrissais, plus j’avais l’impression d’être grosse. Bien sûr, ça aurait dû alarmer mes parents, d’ailleurs je leur en ai longtemps voulu, mais je leur cachais la vérité, je mangeais parfois devant eux, puis je prenais des laxatifs. Je ne réalise que maintenant tout ce que je me suis infligé, cela reste douloureux d’en parler – c’est pour ça que tout le monde se tait dans le milieu, la réalité est bien trop grave pour qu’on ose l’affronter.

Il faut dire aux jeunes filles de ne pas rêver de cette vie : les mannequins ne sont pas heureuses, elles sont traitées comme de la merde, elles ne peuvent pas manger et ne gagnent que peu d’argent

Selon vous, il est donc impossible de faire carrière en restant « normale » ? En effet, ce n’est que contrôle et manipulation. Les mannequins sont très jeunes, quand on repère des petites nanas de 15-16 ans, c’est très facile de les embrigader à coups de « ma chérie » et de les éloigner de leur famille. Sans manger, dans un état de fatigue et de fragilité incroyable, on s’en remet entièrement à ceux qui vous poussent vers cette fameuse taille 32. Je rencontrais des filles tellement blanches qu’elles étaient presque vertes, tellement maigres que je me disais : « Mais elles vont mourir ! » Sans me rendre compte que j’étais exactement pareille.

Que répondre à ceux qui prônent cette maigreur extrême ?

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Je trouve criminel de valoriser un idéal de beauté qui soit un corps maigre et malade, ça relève de la non-assistance à personne en danger. Il n’est pas question d’un critère de beauté parmi d’autres, mais de santé publique, d’une maladie mortelle qui laisse des séquelles à vie. La mode doit sublimer la femme, pas la maltraiter. Avant, on allait voir défiler Claudia Schiffer ou Naomi Campbell, c’était l’ère des tops stars, qui prenaient trop de place par rapport au designer ou au vêtement. La dernière vraie supermodel, c’est Gisele Bündchen et elle a 35 ans. Aujourd’hui, il ne reste que le créateur-roi. Le vêtement peut tomber sur l’une ou sur l’autre, comme sur des cintres interchangeables. Si les créateurs veulent des mannequins d’un mètre quatre-vingt, il faut leur imposer le 36-38, qui restera très mince, mais avec des formes féminines. On peut revenir à un idéal sain, qui plairait aux hommes et arrêterait de complexer les femmes.

Rien ne vous manque de cette vie passée ?

Pas vraiment, à part l’adrénaline des défilés, que je peux retrouver en montant sur les planches en tant que comédienne. Quant à savoir s’il a été plus facile de tout quitter en ayant « réussi », bonne question. Je devais encore faire la cover de Vogue, une campagne pour Lacoste, et peut-être « exploser », gagner des millions… Parfois je me dis que j’ai été bête, qu’avec un an de plus, j’aurais pu aller bien plus loin – mais j’aurais pu mourir aussi. Ma santé m’a arrêtée, et elle n’a pas de prix. Il faut dire aux jeunes filles de ne pas rêver de cette vie : les mannequins ne sont pas heureuses, elles sont traitées comme de la merde, elles ne peuvent pas manger et ne gagnent que peu d’argent – moi, frais déduits, j’ai touché un dixième des 100 000 euros que j’avais gagnés.

Que voulez-vous dire aux parents, médias ou pouvoirs publics ?

Les parents doivent contrôler la nourriture et ne pas avoir peur de consulter un médecin – si votre fille veut manger trois pommes par jour, ce n’est pas normal. Après, il est absolument nécessaire de déplacer les modèles, éviter de s’identifier à des mannequins et préférer des actrices, des chanteuses, des femmes politiques. L’admiration ne peut être exclusivement basée sur le physique. Il faut faire de la prévention, notamment dans les écoles, créer un encadrement médical pour les castings et défilés, et, au niveau européen, pouvoir poursuivre ceux qui encouragent l’extrême maigreur. C’est la responsabilité de tout le monde, et la presse est au premier plan parce qu’elle véhicule ces images-là. Je ne lis plus de magazines, mais c’est important que vous permettiez à vos lecteurs de découvrir l’envers du décor.

Victoire Maçon Dauxerre raconte la réalité de la vie de mannequin dans
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Jamais assez maigre, par Victoire Maçon Dauxerre, Les Arènes.

LA CHARTE CONTRE L’ANOREXIE MENTALE ET LES TROUBLES APPARENTÉS, SIGNÉE PAR LA PRESSE BELGE DONT LE VIF WEEKEND

– Etre attentif et protéger le bien-être physique et psychologique des mannequins et veiller à l’encadrement des mineurs.

– Ne faire défiler que des mannequins de 16 ans ou plus pour représenter des vêtements d’adultes.

– N’autoriser que des jeunes femmes au tour de hanches égal ou supérieur à 88-90 centimètres.

– Garantir le respect de cette charte au moyen de règlements internes.

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