Viols et agressions sexuelles: les dessous pas chics du mannequinat

mannequins backstage

« Elles pensaient qu’elles n’avaient pas le choix »… Le premier jour du procès lundi à Paris d’un ex-agent de mannequins, jugé pour des viols et agressions sexuelles sur une quinzaine de jeunes filles, a dévoilé les dessous pas chics du mannequinat.

Les jeunes filles pensaient qu’elles « étaient là pour subir », raconte à la barre de la cour criminelle départementale de Paris Katie Steel, enquêtrice de la brigade de protection des mineurs, qui a recueilli les témoignages des victimes, parfois très jeunes, de cet agent sans scrupules.

Johan Mapaga, 43 ans, qui comparaît libre, est soupçonné d’avoir violé une quinzaine de jeunes femmes, certaines mineures au moment des faits, entre 2009 et 2014.

Réputé dans son milieu professionnel, M. Mapaga, qui se présentait comme un « découvreur » de mannequins, promettait aux jeunes femmes, novices dans le milieu de la mode, « une carrière nationale et internationale ».

Toutes les victimes ont été recrutées en France. Le mode opératoire était quasiment toujours le même. L’accusé abordait les jeunes filles, dans la rue ou dans un lieu public, parfois à la sortie du collège. Il leur proposait de devenir mannequin en affirmant qu’il se chargerait de les former à ce métier.

« Vous avez un grand potentiel », leur disait-il, selon Mme Steel. « Il leur racontait que lui seul serait capable d’en faire des grandes stars ».

Johan Mapaga rencontrait les parents de chaque jeune fille pour une présentation de son travail et, selon l’accusation, chercher à établir « une relation de confiance ». Mais les jeunes filles, rapidement coupées de leur famille et du monde extérieur, se retrouvaient vite « sous son emprise », certaines finissant même par aller vivre avec lui.

En fait de formation, M. Mapaga imposait aux jeunes filles un régime drastique. Puis venaient les humiliations, un « harcèlement moral » et « des propos rabaissants et humiliants » à leur encontre. « Vous n’êtes bonnes à rien », était l’une de ses antiennes, rapporte Mme Steel. « Une relation d’emprise et de domination », résume l’enquêtrice.

Sur le banc des parties civiles, des jeunes femmes essuient une larme ou posent la tête sur l’épaule réconfortante de leur voisine. L’accusé ne se contentait pas d’affamer ses proies. Il n’est pas masseur mais leur propose des massages à base de crème amincissante. C’est l’occasion d’attouchements sexuels.

« La peur doit changer de camp »

Les jeunes filles, choquées, « étaient incapables de bouger », indique l’enquêtrice avant de détailler comment l’accusé abusait d’elles. « Il cherchait à les détruire pour les remodeler à sa façon ».

Interrogée en visio-conférence depuis Dakar, la directrice d’une agence de mannequinat ayant pignon sur rue reconnait que l’accusé était l’un de ses intermédiaires pour présenter « des filles ». « Combien ont été présentées (à l’agence), combien ont décroché un contrat ? », l’interrogent des avocats. La directrice ne s’en souvient pas.

Auparavant, la mère de l’accusé a décrit un fils impeccable. D’origine gabonaise, elle évoque une famille où l’on compte « des ministres », « des ambassadeurs ».

L’accusé en costume sombre, tête baissée pendant les interrogatoires, nie tout ce qu’on lui reproche. Son premier interrogatoire, sur sa personnalité, est prévu mardi.

Devant les enquêteurs, il a affirmé que le but des plaignantes était de « détruire sa carrière ». Il s’agit d’un « complot », a-t-il dit aux enquêteurs. Il encourt vingt ans de réclusion criminelle.

L’affaire avait éclaté en janvier 2016 après la plainte de six jeunes femmes contre M. Mapaga. Interpellé en juin 2016, ce dernier a passé quatre ans en détention provisoire avant d’être placé sous contrôle judiciaire avec l’interdiction de se livrer à une activité en lien avec le mannequinat.

« Mes clientes attendent une condamnation qui leur permettra de se reconstruire. La peur et la honte doivent changer de camp. Il y a trop de prédateurs sexuels dans le milieu du mannequinat, et la parole doit se libérer », a confié à l’AFP Me Méhana Mouhou, qui défend six des quinze jeunes femmes parties civiles.

Le procès est prévu jusqu’au 22 décembre.

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