Cancel culture: quand les réseaux sociaux deviennent l’arme des anonymes pour demander des comptes publiquement

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Grandes marques, célébrités, dirigeants, mais aussi quidams, personne n’est plus à l’abri de la « cancel culture » qui dénonce leurs errements et demande des comptes, au point que certains dénoncent ses excès et sa contribution à la polarisation politique.

L’écrivaine J.K. Rowling en a fait les frais pour des propos jugés insultants pour les personnes transgenres: une déclaration polémique, un tweet ambigu vieux de dix ans, une vidéo compromettante, et les réseaux sociaux s’attaquent à l’auteur.

https://twitter.com/jk_rowling/status/1269382518362509313J.K. Rowlinghttps://twitter.com/jk_rowling

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Il faut le « cancel », littéralement le supprimer mais plus concrètement ternir son image, perturber son activité, jusqu’à ce qu’il rende les armes, s’excuse, essaie de réparer.

« L’activisme sur Twitter, c’est facile: en une poignée de secondes, on peut attaquer quelqu’un ou faire circuler une pétition pour qu’il soit licencié ou mis à l’index »

Le YouTubeur star Shane Dawson et de vieilles vidéos au contenu raciste, ou la chanteuse Lana Del Rey et un message Instagram qui critique des artistes noires ont tous deux été rattrapés par la vague « cancel ».

Il y a aussi les marques, du riz Uncle Ben’s et son imagerie jugée raciste, au géant agroalimentaire Goya, attaqué après le soutien de son directeur général à Donald Trump.

https://twitter.com/JulianCastro/status/1281349684754370561Julián Castrohttps://twitter.com/JulianCastro

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« L’activisme sur Twitter, c’est facile: en une poignée de secondes, on peut attaquer quelqu’un ou faire circuler une pétition pour qu’il soit licencié ou mis à l’index », souligne Richard Ford, professeur de droit à Stanford.

Cet universitaire fait partie des plus de 150 personnalités du monde des arts et des sciences signataires d’une lettre « sur la justice et le débat ouvert », publiée début juillet sur le site du magazine Harper’s, qui s’inquiète des dérives de ce mouvement. Il reconnait néanmoins qu' »une partie de l’activisme sur les réseaux sociaux est constructif et légitime ».

Beaucoup voient dans la « cancel culture » l’émergence d’un nouveau pouvoir, désormais à la disposition du plus grand nombre alors qu’il était jusqu’ici l’exclusivité d’une poignée. »L’époque où les gens qui sont traités injustement ne pouvaient pas répondre aux opinions rétrogrades et toxiques est terminée », se félicite Lisa Nakamura, professeure à l’université du Michigan, qui a étudié la « cancel culture ». « Si une personnalité veut écarter les transgenres », dit-elle, « il n’y a pas de raison qu’elle ne soit pas écartée en retour. »

Comme d’autres, l’enseignante voit aussi dans ce mouvement, qui avait connu sa première heure de gloire avec le mouvement #MeToo en 2017, un spectre beaucoup plus large, qui inclue désormais les manifestations ordinaires de comportements discriminants.

Elle cite l’exemple d’Amy Cooper, filmée à Central Park en train de réclamer à la police d’arrêter un homme noir sans raison valable.

« La « cancel culture », c’est ce qui se passe quand les victimes de racisme et de sexisme ne taisent plus l’identité de leurs agresseurs », considère Lisa Nakamura.

https://twitter.com/TODAYshow/status/1280461858495922176TODAYhttps://twitter.com/TODAYshow

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Récupération politique

Mais pour Keith Hampton, professeur de médias et informations à l’université de Michigan State, si les réseaux sociaux peuvent être vecteurs de changement et de progrès, le « cancelling » peut « déraper ». « S’il s’agit d’essayer de détruire les gens », dit-il, « alors cela crée d’autres problèmes. »

« Parfois, le but est seulement la satisfaction de faire tomber quelqu’un »

Les auteurs de la lettre ouverte de Harper’s avertissent d’une radicalisation du mouvement, qui ne laisse plus place à la discussion. Les réseaux sociaux « incitent aux provocations et à la colère, tout en étant quasiment dénués de nuances », affirme Richard Ford.

Il s’alarme du fait que la « cancel culture » s’exprime désormais régulièrement au-delà des réseaux sociaux, dans le monde académique ou du travail en général. « Parfois, le but est seulement la satisfaction de faire tomber quelqu’un », regrette-t-il.

En outre, « la honte et la mise à l’index ne changent pas les opinions », ajoute Keith Hampton, pour qui cet aspect du mouvement « va probablement augmenter la polarisation » de la société américaine.

Cancel culture: quand les réseaux sociaux deviennent l'arme des anonymes pour demander des comptes publiquement

Cette polarisation est alimentée selon lui par des forces qui ont intérêt à semer la division et enflammer le climat social.

Donald Trump lui-même a favorisé la « cancel culture » ces dernières années en s’en prenant nommément, notamment sur Twitter, à des individus ou groupes qu’il voulait discréditer

Donald Trump et ses partisans dénoncent ainsi ce concept depuis plusieurs semaines en l’utilisant pour diaboliser le mouvement né après la mort de l’Afro-Américain George Floyd. Ils accusent les manifestants de menacer les fondements de la société américaine en pratiquant la « cancel culture » à outrance, et en faisant notamment tomber les statues de personnalités liées à l’esclavage et aux persécutions des minorités.

C’est pourtant le président américain lui-même, rappelle Richard Ford, qui a favorisé la « cancel culture » ces dernières années en s’en prenant nommément, notamment sur Twitter, à des individus ou groupes qu’il voulait discréditer.

Le phénomène « peut être problématique quand il divise un mouvement social ou s’en prend aux mauvaises personnes », estime Lisa Nakamura, mais « il a déjà été un outil important du changement. » « Le mouvement Black Lives Matter aurait été très différent sans les exemples de racisme ordinaire dans les (supermarchés) Walmart, sur les pistes de jogging ou dans d’autres endroits publics. »

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