John Galliano, entre injures et amnésie

© Reuters

Le procès de l’ancien couturier de Dior pour injures à caractère racial ou religieux s’est tenu ce mercredi. Le parquet a requis une amende d’au moins 10 000 euros à son encontre.

En début d’après-midi, lorsque John Galliano fait son entrée dans la 17e chambre du tribunal correctionnel, devant une foule de journalistes français et étrangers, les regards se portent immédiatement sur sa silhouette longiligne parée d’un pantalon en soie, d’une veste noire et d’une cravate dénouée à pois blancs. Six heures plus tard, il n’est plus question de look. Lorsqu’il s’extirpe de la chaleur étouffante de la salle d’audience, ce n’est plus la vedette internationale que le public dévisage, mais un homme de 51 ans visiblement miné par sa dépendance à l’alcool.

Le 24 février dernier, John Galliano, en état d’ébriété, aurait traité deux clients du bar branché La Perle (IIIe arrondissement de Paris) respectivement de « sale face de juive » et d' »enculé de bâtard d’asiatique ». La médiatisation de cette affaire a alors conduit une troisième personne à porter plainte, pour une altercation similaire, survenue le 8 octobre 2010. Ces trois parties civiles sont aujourd’hui rejointes par plusieurs associations telles que la Ligue contre la Racisme et l’Antisémitisme (Licra), le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (Mrap), l’Union des Etudiants juifs de France (UEJF) ou encore SOS Racisme et J’accuse.

Assis sur le banc des prévenus, le corps figé, les yeux perdus dans le vague, le créateur britannique écoute le récit de ses accusateurs. Son interprète lui susurre ses propres injures à l’oreille. L’une des victimes, Géraldine Bloch, conservatrice de musée, décrit un échange virulent, ce soir de février. « C’était une litanie d’insultes, un véritable défouloir: « sale juive », « sale pute juive ». Il m’a dit que j’étais moche, que j’avais des cheveux de merde », raconte cette femme d’une quarantaine d’années, s’animant au fil de la scène. Son ami, Philippe Virgitti, réceptionniste, renchérit: « à un moment, il voulait me taper avec son verre! ».

Flash back, quelques mois auparavant, en octobre 2010.

Concordance des injures et des lieux. Seule la plaignante change, en l’occurrence Fathia Oumeddour. Cette dernière n’assiste pas à l’audience mais une amie, Claudia, témoin de la scène, raconte: « Il l’a traitée de « vache moche ». Puis, il est passé à « sale pute ». Et enfin à « sale pute juive »! ». Elle conclut: « il n’était pas dans son état normal ».

Aujourd’hui encore, ces récits se perdent dans l’esprit embrumé de John Galliano. A la barre l’ex-couturier de la maison Dior est secondé par son avocat, Me Aurélien Hamelle, qui joue les traducteurs. Son interprète officielle a jeté l’éponge en début d’audience, ne parvenant pas à comprendre son « accent particulier ». « Je n’ai pas de souvenir de ces insultes, ni d’aucune autre », précise-t-il d’une voix contrite. Il esquive toutes les questions: sa mémoire lui fait défaut.

Addiction et pression

« J’avais une triple dépendance: je mélangeais du valium, des somnifères et de l’alcool. Mais depuis les faits, j’ai entrepris une cure pour soigner mon addiction », s’amende-t-il. Son désarroi de l’époque serait dû au surmenage et à la pression chez Dior, comme dans sa société éponyme. Et à la perte d' »un ami cher ». Il réfute farouchement les accusations d’antisémitisme: « toute ma vie j’ai combattu l’intolérance, les préjugés et la discrimination ayant moi-même été confronté à cela (ndlr: pour son homosexualité) ».

Le tribunal tente de lui rafraîchir la mémoire en projetant la vidéo, diffusée en février par le site du journal populaire britannique The Sun. Toujours dans le bar La Perle, John Galliano apparaît, le regard vitreux, en train de dire « J’adore Hitler ». Devant le fait accompli, le créateur ne se démonte pas: « je vois quelqu’un qui a besoin d’aide. C’est la coquille vide de John Galliano. Je ne peux pas répondre pour cet homme que je ne connais pas ». Entre amnésie et schizophrénie, John Galliano ne simplifie pas la tâche du tribunal. De son côté, Me Hamelle, son défenseur, s’indigne: « Cette vidéo ce n’est pas « tu t’es vu quand t’as bu » mais « tu t’es vu quand t’es malade! On ne parle pas d’une ivresse mondaine, mais d’une addiction ».

Jugement le 8 septembre
Il en faut plus pour attendrir la procureure qui rappelle au tribunal: « c’est le racisme et l’antisémitisme du quotidien, celui du parking, du comptoir, que vous avez à juger ». Avant de lancer à John Galliano: « C’est toujours difficile de se rappeler dans une vie que l’on a été quelqu’un de moche ».

En attendant, l’ex-vedette de la haute-couture, visiblement marqué par ces six heures d’audience, bat sa coulpe: « Je veux présenter mes excuses aux victimes et au tribunal sur mon comportement qui a causé autant de tristesse ».

La procureure a requis une amende d’au moins 5 000 euros pour chacun des deux dossiers. Jugement le 8 septembre.

LeVifWeekend.be, avec Lexpress.fr

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