Mélanie Laurent: « Vouloir être maman et artiste, ce n’est pas trop en demander »

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La réalisatrice de Demain multiplie les talents et met sa notoriété à profit pour rappeler l’urgence de préserver la planète. A ce titre, elle comptait parmi les invités des Social Labs organisés par Cartier. Cinq raisons d’aimer cette maman et artiste engagée, désormais également ambassadrice de la maison de joaillerie.

C’est une réalisatrice qui en veut

Ses premiers pas au cinéma, elle les a faits à 15 ans. Alors qu’elle se rend avec une copine sur le tournage d’ Astérix et Obélix contre César, elle est repérée par Gérard Depardieu qui lui propose un rôle dans Un pont entre deux rives. Le début d’une riche carrière d’actrice – Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc (2002), Je vais bien, ne t’en fais pas de Philippe Lioret (2006) qui lui vaudra le César du meilleur espoir féminin, Paris de Cédric Klapisch (2008) ; mais aussi Inglourious Basterds de Quentin Tarantino (2009) notamment. C’est néanmoins derrière la caméra qu’elle trouvera un nouveau souffle.  » Je pense que j’avais perdu l’excitation des débuts, avoue-t-elle lorsque nous la rencontrons, à San Francisco, à l’occasion des Social Labs mis en place par la marque Cartier (lire par ailleurs). Quand je suis passée à la réalisation, je me suis rendu compte de la difficulté du job. Désormais, j’ai beaucoup plus de bienveillance et d’empathie avec ceux pour qui je joue. Je tourne moins aussi, donc je retrouve du plaisir à bosser sur un plateau.  » Elle sortira son premier long-métrage en 2011, Les Adoptés, une histoire d’une famille de femmes qui vacille lorsque l’une d’elles tombe amoureuse d’un homme. Respire (2014), Demain (2015) et Plonger (2017) suivront. Des films qui, à chaque fois, parlent de la société de façon très féminine, ce que revendique Mélanie Laurent.  » Une réalisatrice filme les femmes et les hommes d’une certaine manière, et c’est un autre regard, c’est sûr « , observe-t-elle. Et de se réjouir de la palette de Françaises qui ont  » une vraie vision, que ce soit dans la comédie ou dans le drame, et qui donnent de beaux rôles à des comédiennes « . Cet automne, son cinquième bébé sera en salle, dans l’Hexagone : Galveston, la cavale d’un petit gangster sur les routes du golfe du Mexique.  » C’est mon premier film américain : un véritable choc de cultures, confie-t-elle. C’est extrêmement difficile de travailler là-bas car on n’est pas mis sur un piédestal comme en France, on est considéré comme un technicien. Heureusement, j’avais déjà de l’expérience, je me suis battue et j’ai réussi à faire ce que je voulais faire.  »

Je considère qu’il est de mon devoir d’utiliser ma notoriété pour sensibiliser les gens.

Elle porte un message féministe

Dans son film Plonger, inspiré d’un roman de Christophe Ono-dit-Biot, elle raconte les tiraillements d’une photographe devenue mère et qui ne peut compiler son rôle d’artiste et de maman, au point de quitter mari et enfant… Un scénario féministe assumé comme l’expliquait à l’époque la réalisatrice, dans l’émission Laissez-vous tenter, sur les ondes de RTL :  » Pourquoi une femme qui a envie de voyager en demande trop ? Pourquoi une femme qui se sent bouleversée par l’arrivée d’un enfant est une mauvaise mère ? On est loin de la femme moderne qu’on essaie de nous vendre. On a le minimum de droits qu’on mérite mais dès qu’on veut un peu plus, on est folle. J’avais envie de parler de cette dualité que vivent très fort les femmes artistes… Les artistes hommes, on les laisse faire ce qu’ils veulent !  » Hasard du calendrier, ce long-métrage est sorti fin 2017, en pleins remous de l’affaire Weinstein, un homme qu’elle croisa durant le tournage d’ Inglourious Basterds mais qu’elle évita comme la peste, connaissant sa réputation. Cette période de libération de la parole, à coups de #balancetonporc, fut néanmoins pour la Française l’occasion de raconter qu’elle aussi se retrouva, à juste 20 ans, devant un réalisateur français lui demandant de se déshabiller…

Elle sait reconnaître ses échecs

Actrice, réalisatrice, Mélanie Laurent est aussi passée par la case  » chanson  » avec En t’attendant, un album pop rock enregistré en 2011 avec le musicien folk irlandais, qui était alors son compagnon, Damien Rice. Un épisode qui se terminera avec seulement 7 000 disques vendus et lui coûtera des critiques cinglantes.  » L’accueil de l’album a été tellement violent que ça m’a enlevé beaucoup de joie alors qu’il a été fabriqué dans une espèce de rêve, raconte-t-elle. J’ai rencontré Damien, on a fait de la musique pendant deux ans, je suis allée en Irlande pour enregistrer des choses, on a tout fait à la maison, c’était une toute petite production. On a pris tellement de plaisir à le créer… Et après, ça a été très dur parce que le résultat n’a pas été jugé en tant qu’album mais en tant qu’idée un peu folle et trop audacieuse de se prendre pour une chanteuse. En revanche, j’ai eu envie de défendre mes chansons, de monter sur scène, de me confronter au trac inouï que ça représente… Et j’ai été malheureuse. On m’avait tellement dit que je n’étais pas à ma place que j’y ai cru. Je ne réécoute jamais cet album, j’essaie juste de ne pas oublier le plaisir que j’ai eu à le faire. J’ai été élevée avec l’idée qu’on peut tout essayer dans la vie. Une liberté que je protège maintenant en ne lisant que rarement des articles ou des commentaires sur moi-même…  » Et de conclure :  » Echouer, c’est bon pour un artiste. Sinon, comment pourrait-il faire mieux la prochaine fois ?  »

Mélanie Laurent:
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C’est une éco-activiste

Aux côtés de Kofi Annan dans la lutte contre le réchauffement climatique, en tant que voix off dans la version française du documentaire The End of the Line –L’océan en voie d’épuisement – qui dénonce les méfaits de la pêche intensive, ou main dans la main avec Greenpeace contre la déforestation : Mélanie Laurent enchaîne les projets engagés dans l’écologie.  » Je considère qu’il est de mon devoir d’utiliser ma notoriété pour sensibiliser les gens « , explique-t-elle.

Demain
Demain© PHOTOS : SDP

Mais la Française veut dépasser le discours moralisateur pour mettre à l’honneur ceux qui oeuvrent déjà pour un monde plus durable. C’est là le pitch de son film documentaire Demain, sorti en 2015 et coréalisé avec l’écrivain et cinéaste Cyril Dion.  » Nous voulions montrer des solutions existantes, des choses qui fonctionnent et prouvent que le changement réel est possible « , raconte-t-elle. Une contribution au débat qui apportera au duo un César et, en 2016, un titre en tant que docteur honoris causa de l’Université de Namur.  » Nous savons ce qui se passe et ce que nous devrions faire exactement, martèle l’écologiste. Pas par considérations éthiques ou parce que c’est à la mode – nous avons passé ce stade-là – mais parce que changer est une question de survie maintenant. Tout cela n’est même pas si difficile. Il suffit de dire non à certaines choses et d’ajuster son comportement d’achat, lance-t-elle. Quitte à se mettre un peu la pression : voulais-je devenir végétarienne ? Certainement pas ; mais je l’ai fait, c’est tout.  »

C’est une maman épanouie

Quand on lui parle de sa maternité, elle dit ne plus se souvenir d’elle avant la naissance de son fils, en 2013, tant cela l’a changée !  » J’ai plus de souvenirs de moi en petite fille que de femme sans enfant. Pourtant, en tant que parent, je garde énormément de liberté, je ne me sens pas du tout  » aliénée  » par ce rôle. C’est plutôt Léo qui me suit et qui s’adapte à ma vie… Tant qu’il se marre et me dit qu’il est heureux, je me dis que tout va bien « , conclut-elle, avant d’ajouter comme pour nuancer son propos :  » Je ne veux toutefois pas que le travail détruise ma vie. J’y mets tout mon coeur et mon âme, mais parfois j’ai l’impression d’échouer parce que j’ai si peu de temps à moi et que je suis fatiguée. Je veux plus de temps pour ma famille et une vie normale. Ma définition du succès n’a donc rien à voir avec de bonnes ou de mauvaises critiques et commentaires des autres, mais avec le bonheur personnel.  » Et celui de la planète, très certainement.

Out of the box

Début avril, la marque de joaillerie Cartier organisait trois journées de discussions et conférences à San Francisco autour des thèmes de la protection de l’environnement, de l’avenir des villes, du développement durable, mais aussi de la gestion de l’échec par exemple. Autour de la table, des personnalités  » visionnaires  » venues de tous les secteurs – ceux de l’écologie, de l’alimentation ou des technologies bien sûr, mais aussi du cinéma ou du sport… Parmi elles : la chef américaine et activiste alimentaire Alice Waters, le photographe David LaChapelle, l’actrice française et militante environnementale Mélanie Laurent ou encore l’athlète Aimee Mullins, dont les membres inférieurs ont été amputés lorsqu’elle était petite. Fameux brainstorming !

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