Rencontre avec Elisa Sednaoui, ambassadrice de coeur du Knokke Fashion Weekend

L’actrice et mannequin s’exprime comme elle vit : rapidement, fougueusement… et avec un petit accent confirmant ses origines multiculturelles. Le 11 mars prochain, elle sera chez nous à l’occasion d’un dîner de gala et d’une vente aux enchères au profit de sa fondation, organisés par le Knokke Fashion Weekend.

Elisa Sednaoui
Elisa Sednaoui© Alex Salinas pour Le Vif Weekend

Chouchou du cinéma français, muse de Karl Lagerfeld, filleule du créateur de chaussures Christian Louboutin et depuis peu ambassadrice pour les Nations Unies, Elisa Sednaoui affiche une beauté rayonnante où se mêlent ses racines françaises, égyptiennes et italiennes. En mars, elle débarquera en Belgique pour promouvoir la fondation qui porte son nom. « J’ai rencontré John et Laurence, les organisateurs du Knokke Fashion Weekend, tout à fait par hasard, explique-t-elle. J’avais organisé une tombola pour remporter une paire de chaussures Louboutin et une visite de l’atelier du créateur et chaque participant qui achetait en ligne un lot de 5 euros avait une chance de remporter le concours. C’est Laurence qui a gagné. Elle a tellement apprécié l’expérience qu’elle a voulu rendre la pareille. C’est de cette façon qu’est née l’idée de l’événement. Des pièces exclusives seront mises aux enchères au profit de la fondation que j’ai créée. Quelques-uns de mes effets personnels seront aussi proposés mais je reste réaliste quant au montant qu’ils vont atteindre. Je ne suis pas Madonna ou Rihanna ! »

Quel est l’objectif poursuivi par la Fondation Elisa Sednaoui ?

L’idée était de développer un modèle de centre culturel proposant des cours artistiques parascolaires. Un environnement sûr où les enfants peuvent rester des enfants. Nous avons débuté ce projet à Louxor, dans la campagne égyptienne, car les mômes sont bien souvent contraints de travailler dès leur plus jeune âge pour aider financièrement leurs parents. J’emploie consciemment le terme de « modèle » car nous ne souhaitons pas nous limiter à cette ville. Nous nous focalisons actuellement sur l’Egypte et l’Italie car je possède des réseaux là-bas, mais nous souhaitons bien entendu exporter cela dans le monde entier. Nous formons des locaux à devenir animateurs culturels afin qu’ils puissent ensuite gérer eux-mêmes les ateliers. Les dix personnes que nous avons déjà initiées pourront ensuite transmettre leurs expériences et connaissances à d’autres. Le but n’est pas de faire de ces gosses les grands créateurs de demain mais simplement de les mettre en contact avec l’univers de l’art, au sein duquel tout est envisageable, et de leur offrir une perspective différente et plus large. Cela vaut d’ailleurs aussi pour l’équipe d’encadrement. Nous débutons la formation par un exercice physique qui leur prouve que notre corps est un instrument avec lequel il est possible d’émettre des sons et des rythmes. Au début, une des jeunes femmes du groupe n’osait pas bouger en raison de la présence d’hommes. Elle est aujourd’hui leader et ose ouvertement les remettre à leur place si nécessaire.

Quelles étaient vos motivations personnelles dans la création de cette fondation ?

Elisa Sednaoui, devant l'objectif d'Alex Salinas pour Le Vif Weekend
Elisa Sednaoui, devant l’objectif d’Alex Salinas pour Le Vif Weekend© Alex Salinas pour Le Vif Weekend

J’ai longtemps eu le sentiment que ma vie n’était pas une série de choix mais de situations survenues par hasard. Je ne suis pas une superwoman. Je connais certes six langues mais c’est surtout grâce à mes origines puisque mon père parle le français, ma mère l’italien et mes amis égyptiens l’arabe. Je n’ai jamais rêvé de devenir actrice ou mannequin. Je voulais être diplomate. Petite, je mentais souvent à mes copains, prétendant que nous n’avions pas l’électricité à la maison parce qu’on avait oublié de payer les factures. Nous n’avions en réalité pas beaucoup d’argent. Mes parents étaient des artistes et l’argent n’était pas leur priorité. Je respecte ce choix de vie mais il m’a contrainte à être financièrement indépendante à l’âge de 14 ans. Lorsque j’ai eu l’opportunité de bosser en tant que mannequin, j’ai donc saisi ma chance. Je suis aussi rentrée dans l’univers du cinéma par hasard. J’ai débuté parce que j’avais envie de voir ce que c’était et non parce que j’avais l’ambition de devenir comédienne. J’aimais acquérir de l’expérience mais je n’avais jamais de plan stratégique. Jusqu’à ce que surgisse l’idée de cette fondation. Pour la première fois dans ma vie, j’ai eu le sentiment de tenir les ficelles et de faire ce qui me plaisait vraiment. Les choses ne sont pas venues à moi, je les ai créées. Il a fallu du temps avant que mon mari (NDLR : le galeriste Alexander Dellal) ne comprenne ma démarche. Nous venions de nous rencontrer et il me disait : « Si tu souhaites travailler dans le secteur social, pourquoi ne pas t’engager auprès d’une organisation ? » Mais j’avais besoin de plus que cela. Je voulais réellement faire une différence.

Vous étiez alors enceinte de votre premier enfant. Cela a-t-il un lien avec ce projet ?

Durant ma grossesse, j’avais de l’énergie à revendre. Personne ne pouvait m’arrêter. Mais ce n’est pas parce que je voulais un « monde meilleur » pour lui que j’ai créé cette fondation. Bien entendu, c’est ce que je lui souhaite mais c’était plus profond que ça. Lorsque j’ai reçu un appel de mon agent américain me proposant un rôle dans un film, j’ai d’abord voulu refuser puis je me suis dit que cet argent pouvait m’être utile. Je venais de rentrer d’Egypte, où j’avais visité quelques organismes de bienfaisance, et j’ai réalisé que 10 000 euros ferait la différence. C’était le coup de pouce dont j’avais besoin.

Pouvez-vous imaginer une vie en dehors des feux des projecteurs ?

Oui, absolument. C’est d’ailleurs ce vers quoi je tends avec ma fondation. Celle-ci porte mon nom mais les centres culturels s’appellent Phantasia. Lorsque je peux personnellement contribuer à la mise en lumière de cette structure, comme ce sera le cas avec le Knokke Fashion Weekend, je n’hésite pas une seule seconde. Mais je souhaite aussi que ces centres puissent exister sans moi. Je deviens de plus en plus sélective quant aux rôles d’actrice que l’on me propose. Je viens d’en refuser un pour lequel de nombreuses consoeurs commettraient un crime. Je n’aimais pas la façon dont mon personnage y était représenté. La sexualisation des femmes dans les films et dans la société en général me pose problème. J’ai aussi gagné de l’argent grâce à mon physique et je ne regrette rien. Mais j’ai toujours considéré cette activité comme une façon de raconter une histoire. Quand je vois l’attitude des tops d’aujourd’hui, je me pose des questions . Savons-nous pour quelles raisons ces soi-disant célébrités sont connues ? Parce qu’elles ont une image bien ficelée, des vêtements chers et de grandes maisons ? Rien d’étonnant à ce que nous nous sentions malheureux ! Je me suis dernièrement rendue à Venise à l’occasion du Festival du film. J’ai donné quelques interviews et presque chaque article qui en a découlé comportait la phrase suivante : « Elle n’est pas seulement belle, elle est aussi intelligente. » Comme si le fait que j’aie des choses à dire soit si surprenant.

Vous mettrez bientôt sur pied le même projet en Italie. Les besoins ne sont-ils pas différents de ceux de Louxor ?

La base sera identique : tout tourne autour de l’identité, du lâcher prise et de l’écoute de soi-même et des autres. Mais nous souhaitons adapter le programme au contexte et il est évident que les enfants italiens ont d’autres besoins que les Egyptiens mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’en ont pas.

Où vous sentez-vous chez vous ?

En Egypte et à Londres, où je vis avec ma famille. Je serai toujours une nomade dans l’âme mais depuis la naissance de mon fils, j’aspire à un environnement plus stable pour lui. Londres est une ville idéale pour cela mais mon coeur est en Egypte. J’y ai vécu les six premières années de ma vie et ce pays m’a toujours attirée : son odeur, sa lumière, sa langue, sa population, son énergie. Mon père y vit toujours et ne s’imagine pas habiter ailleurs. Ce n’est pourtant pas du sang égyptien qui coule dans ses veines puisque mes grands-parents étaient syriens. Dans ce pays, on me considère comme une locale car je parle la langue et que je m’y rends depuis toujours mais je reste malgré tout une étrangère. En tant que femme, je suis traitée avec le même respect qu’un homme et je profite des mêmes libertés mais ce ne serait sans doute pas le cas si j’étais réellement de là-bas.

Vos grands-parents étaient des réfugiés syriens ?

Oui, c’est d’ailleurs une des raisons qui m’ont poussée à collaborer avec l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Ils m’ont demandé de donner des conférences et de les accompagner au Liban. C’est un véritable honneur pour moi. Je ne pense pas que l’on puisse réaliser la souffrance que représente le fait de devoir quitter sa maison et de se mettre soi et ses proches en danger parce que sa vie et ses libertés sont menacées. Il est temps d’agir. Ou plutôt de rendre la pareille. La Pologne, par exemple, semble avoir oublié le nombre de réfugiés que l’Iran a accueillis durant la Seconde Guerre mondiale. En définitive, cela se résume à une simple phrase : traitez les autres comme vous souhaiteriez que l’on vous traite.

Elisa Sednaoui en 5 dates

14 décembre 1987 : naissance d’Elisa Sednaoui à Bra, en Italie.

2001 : dès l’âge de 14 ans, elle devient mannequin et collabore avec Cavalli, Armani, Moschino, Chanel…

2010 : elle fait ses débuts en tant qu’actrice dans le film Indigène d’Eurasie (2010). Deux ans plus tard, elle sera la partenaire de Vincent Gallo dans La Légende de Kaspar Hauser et interprètera Anne dans L’amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder.

2013 : elle crée sa Fondation (www.elisasednaoui.org), une organisation sans but lucratif qui propose aux enfants des programmes créatifs parascolaires.

11 mars 2016 : une vente aux enchères au profit de sa fondation est organisée lors du Knokke Fashion Weekend. Cet événement combinera mode, cinéma, musique et gastronomie, les 11, 12 et 13 mars prochain. Au menu : des activités dans les boutiques, une soirée au casino, un pop-up hotel, la projection de films, etc. (www.knokkefashionweekend.be).

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