Tamino, le phénomène anversois qui affole l’Europe
A 21 ans, le jeune Anversois au timbre fauve affole les scènes d’Europe et sortira bientôt son premier album. Avant de repartir en tournée, il s’est prêté pour Le Vif Weekend au jeu du shooting mode. Et nous dévoile ses influences métissées.
Un prénom a-t-il le pouvoir de sceller un destin ? Dès la naissance, quelques syllabes que l’on n’a pas choisies vous tintinnabulent à l’oreille, comme d’autres mots doux de l’enfance qui vous forgent, à votre insu. Installé à la terrasse jazzy du café De Muze, à Anvers, un lieu où il aime traîner pour ciseler ses textes, Tamino se souvient avec malice de sa première rencontre avec le prince d’opéra dont il est l’homonyme. » Ma mère nous avait emmenés, mon frère et moi, à La Monnaie, à Bruxelles, voir la version » junior » de La flûte enchantée. On était tout petits. La scénographie était fantastique mais le plus drôle, c’est que j’avais tout le temps l’impression que quelqu’un m’appelait sur la scène. » Il a fini par y trouver sa place, depuis ; deux ans déjà que le rockeur aux aigus prodigieux enchaîne les concerts en Belgique et à l’étranger, volant, les mois derniers, de Montreux à Ronquières, ses guitares en bandoulière…
J’ai pris conscience de l’impact que pouvaient avoir les vêtements sur la manière dont je me sens et dont je vais jouer.
Entre deux sets, il a pourtant dégagé du temps pour prendre la pose pour le numéro spécial Homme du Vif Weekend. Un shooting intimiste, entre les murs du cinéma Palace, à Bruxelles, qui l’ont vu mêler l’univers d’Ann Demeulemeester – qui l’habille depuis ses premières sessions live – à celui d’autres créateurs à l’imaginaire romantique. » La mode, je m’y intéresse de plus en plus depuis que j’ai pris conscience de l’impact que pouvaient avoir les vêtements que je porte sur la manière dont je me sens et dont je vais jouer « , admet-il. Si le noir lui va si bien, il aime pouvoir choisir, jauger les drapés et les matières pour mieux se décider, parfois quelques minutes avant que le show ne commence.
Cet été, les vacances et sorties entre potes n’étaient pas au programme, il s’en excuse presque – » ma vie est entièrement tournée vers le boulot en ce moment, c’est une question de timing » -, la faute à la parution le 19 octobre prochain de son premier album, Amir, une référence directe à son deuxième prénom. Treize titres d’autant plus attendus que les morceaux de l’EP qui l’ont rendu célèbre ont placé la barre très haut. Comme si cela ne suffisait pas – onze dates de tournée dont trois à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles, sont déjà programmées dans la foulée -, l’Anversois signe la bande-son d’une série télé, Over Water, à l’affiche de la quarante-cinquième édition du Film Fest Gent. Une ascension sans faille, à vous donner le tournis. » Est-ce que tout cela me fait peur, s’interroge-t-il ? Un peu oui, c’est le contraire qui serait plutôt dangereux, non ? Le morceau Fear du rappeur Kendrick Lamar résume assez bien ce que je ressens, certains de mes textes en parlent également. En même temps, je m’y prépare depuis quelques années déjà. Les gens associent souvent succès et bonheur mais l’un n’implique pas l’autre ! Qu’il soit riche ou pauvre, qu’il connaisse ou non la réussite, l’homme rencontrera toujours son lot de tracas. La vie est un jeu qui ne possède pas de bouton » reset » : tout ce que l’on fait compte, même ce qui ne fonctionne pas. On apprend de ses erreurs. Et on avance. «
John Lennon forever
Il avance, donc, et sans jamais perdre de vue l’objectif que très jeune il décide de se fixer : devenir artiste. Gamin, il joue à être John Lennon, version hippie. Cheveux longs et lunettes arrondies, il s’habille comme lui et fredonne Imagine. Pour lui ressembler, il choisira le piano – celui de sa mère trône dans le salon, son père lui, préfère l’oud -, au moment de s’inscrire à l’académie. La guitare ne viendra qu’ensuite. Il se fait les dents sur Mozart, Satie et Schubert, une formation classique qui lui a ouvert, assure-t-il, d’autres perspectives. » Il m’arrive de jouer encore une pièce de temps à autre mais ce n’est plus aussi automatique qu’avant. Je dois d’abord déchiffrer la partition, m’appliquer. C’est un bon exercice. Quitte à apprendre un morceau, je préfère une pièce du répertoire qu’une chanson pop. »
Chez lui, depuis l’enfance, la musique fait partie des meubles. La playlist familiale varie de Bach à Oum Kalthoum, laissant une belle place aux Beatles, à Tom Waits, Serge Gainsbourg et Leonard Cohen. Et puis il y a cette voix si particulière, celle de Muharram Fouad, le grand-père paternel, vedette de cinéma et chanteur superstar dans l’Egypte des années 70. » Ma mère a toujours été très attentive à ce que nous écoutions toutes sortes de styles, poursuit le jeune auteur-compositeur. On n’analysait rien, on baignait dedans, sans se poser de question. Même lorsque mes parents se sont séparés, il était essentiel pour eux que nous sachions, mon frère et moi, d’où nous venions. »
à la maison, on baignait dans la musique, toutes les musiques, sans se poser de question.
Un son métissé
Métissé, le son de Tamino puise dans toutes les influences qui l’ont construit. Et peut prendre, quand il le veut, des accents d’Orient. » Cet héritage, je le porte en moi, insiste-t-il. Je suis fier de mes racines égyptiennes mais elles n’orientent pas toujours mon travail de manière consciente, sauf bien sûr quand je joue de l’oud ou que je fais le choix délibéré de bosser avec un orchestre de réfugiés d’origine arabe. » Lorsqu’il compose, c’est tantôt le texte, tantôt la mélodie qui prend le dessus. » Pour Habibi, tout est parti de ce mot, c’était le petit nom que mon père me donnait, explique-t-il. En arabe, cela désigne aussi bien un enfant, un ami, un frère ou l’amour de sa vie. » Son timbre fauve s’y envole sans perdre haleine dans les octaves les plus hautes ; il n’en faudra pas plus à certains pour rapprocher son univers de celui de Jeff Buckley. » Quand j’ai commencé à chanter, je ne me suis pas mis de limite lorsqu’il s’agissait d’explorer le potentiel de ma voix, précise-t-il. Je ne voulais pas me contenter d’un seul registre. » L’entraîne-t-il au quotidien comme le ferait un instrumentiste ? » Je devrais, sourit-il. C’est plus naturel lorsque je suis en tournée. Avant d’entrer au Conservatoire d’Amsterdam, après le secondaire, je n’avais jamais vraiment pris de cours de chant. »
À prendre ou à laisser
Adolescent, il préférait brûler les planches et se voyait devenir acteur. Mais la musique le rattrapera. » Je ne peux pas nier le poids de l’histoire familiale. Ma manière de chanter par moment peut se rapprocher de celle de mon grand-père, concède-t-il. Il y a finalement quelque chose de logique dans le fait que je sois devenu musicien. Ça a du sens. » Lorsqu’il arrive, à 17 ans, aux Pays-Bas – une plongée dans l’inconnu qui lui inspirera Indigo Night -, il a déjà des morceaux par dizaines dans ses cartons. » C’est comme cela dans tout processus créatif, pointe-t-il. Il faut écrire cent chansons pour que l’une d’entre elles soit valable. Tu fais des essais, cela passe forcément par des trucs mauvais. Ce n’est jamais du temps perdu. Ce qui compte en bout de course, c’est d’être satisfait du résultat final. Je n’aime pas qualifier ma musique, parce que j’estime que ce n’est pas à moi de le faire. Mais je peux dire de mon travail qu’il est sans compromis. Je n’écoute que mon instinct. Bien sûr, je suis heureux quand je vois que cela plaît à certains mais je sais que c’est personnel, qu’il y en a forcément d’autres qui ne s’y retrouveront pas. Cela fait partie du jeu : ce que je propose, c’est à prendre ou à laisser. »
Se départ-il parfois de cette gravité qui fait tout son charme sur scène et qui semble infuser tout ce qu’il entreprend ? » Je ne dirais pas que j’ai un côté sombre, n’en a-t-on pas tous un de toute façon, enfin peut-être pas tout le monde, glisse-t-il avec prudence. Je suis plutôt quelqu’un qui aime aller au fond des choses, pas seulement dans la musique d’ailleurs, c’est le cas également lorsque je discute avec mes amis, dans ce que je lis. Je n’aime pas la superficialité. «
Le nouveau clip de Tamino, sorti le 6 septembre 2018
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Le premier album de Tamino, Amir, sortira le 19 octobre prochain. Concerts à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles, les 30 et 31 novembre et le 1er décembre. taminomusic.com
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici