A Madrid, le musée le plus visité d’Espagne veut rouvrir pour transmettre la « joie » des musées

Musée National Centre d'Arts Reina Sofía à Madrid © belga

Un immense silence règne dans les salles du Reina Sofia, musée le plus visité d’Espagne en temps normal où le restaurateur continue à veiller sur le « Guernica » de Pablo Picasso. Mais alors que le pays commence à se déconfiner, l’institution espère rouvrir dans un mois car les musées doivent « faire comprendre qu’il ne faut pas avoir peur des autres », explique son directeur Manuel Borja-Villel.

Le calme est saisissant dans les couloirs déserts du musée fermé depuis le début du confinement mi-mars et habituellement remplis d’amoureux de l’art ou d’écoliers venus découvrir des maîtres du XXème siècle comme Picasso ou Magritte. Un métronome géant, reconstruction d’une oeuvre de Man Ray, marque le rythme pour un public absent.

« L’allégresse qu’il y avait dans le musée a disparu », regrette Mari Carmen Pinedo, employée de sécurité. Les travaux de restauration se sont poursuivis. « Nous devons être là (pour) nous assurer que les oeuvres se conservent en bon état », explique, un masque sur la bouche, le restaurateur en chef, Jorge García Gómez-Tejedor, en inspectant le « Guernica » de Picasso.

Jorge García Gómez-Tejedor, restaurateur en chef du Musée, en inspectant le
Jorge García Gómez-Tejedor, restaurateur en chef du Musée, en inspectant le « Guernica » de Picasso© belga

Après avoir accueilli quatre millions de visiteurs en 2019, dont la moitié d’étrangers, le musée craint une chute de 30% de ses revenus cette année à cause du confinement décrété pour endiguer l’épidémie de coronavirus.

Pensant désormais à la réouverture, il va mettre de nombreuses mesures en place pour assurer la sécurité des visiteurs face au virus, indique Manuel Borja-Villel. Nombre de visiteurs réduit à un tiers de la capacité normale, comme l’exige le gouvernement, ouverture progressive des salles, caméras de prise de température, gel désinfectant, ainsi qu’un « mode de circulation conçu pour que les gens ne se croisent pas », dit-il. Et surtout: « il n’y aura rien que les gens puissent toucher », ni brochures, ni cartes -téléchargeables sur mobile -, ni portes ni boutons d’ascenseur.

L’art peut aider ce retour à la vie sociale, avec des oeuvres qui prennent un sens nouveau, assure le directeur. Par exemple, « La jeune fille à la fenêtre », le portrait de la soeur de Dali, qui la représente accoudée, regardant la mer, comme si elle ne pouvait pas quitter son logis.

C’est important de transmettre cette joie d’être avec les autres, cette idée que l’être humain, par définition, n’est pas seul.

Fin des grandes expositions?

Il y a des leçons à tirer d’une crise qui « a provoqué ce qui paraissait impensable », un arrêt radical d’un monde globalisé atteint d’une mobilité frénétique, estime-t-il. Le conservateur prédit un changement dans la production culturelle, assurant qu’elle s’éloignera de l’actuel « modèle des grandes expositions » pour « mettre l’accent sur le travail de long terme, en opposition à cette habitude d’enchaîner une exposition après l’autre ».

Le Prado, l’un des deux autres grands musées madrilènes avec le Thyssen-Bornemisza, craint lui une chute du chiffre d’affaires de plus de 70%, alors que 60% des visiteurs sont étrangers, avec un grand nombre d’Américains, indique le directeur de communication Carlos Chaguaceda. Au-delà de cette perte financière, le musée pourrait être pénalisé par les problèmes liés aux prêts d’oeuvres alors que toutes les expositions temporaires ont dû être reprogrammées. Au Thyssen, la crise « a servi de détonateur pour la transformation numérique » de l’institution, reconnaît le directeur exécutif Evelio Acevedo.

Le musée a renforcé son offre de contenus en ligne, permettant par exemple de visiter virtuellement et gratuitement l’exposition « Rembrandt et le portrait à Amsterdam », prévue physiquement jusqu’au 24 mai mais qui sera probablement prolongée jusqu’à fin août. Ces contenus gratuits ne serviront pas à enrayer la chute des recettes, qui pourrait atteindre 60%, reconnaît M. Avecedo mais permettront de lancer « un processus de transformation qui va durer des années ».

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