A Montréal, derniers tours de piste pour les calèches

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Prisées des touristes depuis des siècles mais dénoncées par les défenseurs des animaux, les promenades en calèches de Montréal vont disparaître de la circulation à la fin de l’année, épilogue d’une longue querelle entre la mairie et les cochers.

« Vous pouvez le flatter si vous voulez! » lance Nathalie Matte, une cochère de 52 ans, aux badauds attirés par son cheval, Kao.

Au coeur du Vieux-Montréal, les sabots des chevaux martèlent le pavé au pied de la basilique Notre-Dame, l’une des attractions touristiques de la métropole québécoise.

Décorées de rubans rouges et de branches de sapins, les calèches garées en file indienne sont photographiées par les touristes, tentés par une balade hivernale sous les couvertures.

« Je crois que c’est une façon assez unique de voir la ville plutôt que de juste prendre le métro ou le bus », estime Mujtaba Ali, 29 ans, venu en famille d’Ontario (centre).

A Montréal, derniers tours de piste pour les calèches
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« Depuis que Montréal existe, il y a des chevaux », explique fièrement Luc Desparois, propriétaire de calèches, assurant que ces dernières font partie du « patrimoine culturel » de la ville.

Côté mairie, la volonté est bien de retirer cette industrie qui emploie une cinquantaine de cochers. En 2018, le conseil municipal a adopté un règlement interdisant les calèches, une promesse électorale qui doit s’appliquer dès le 1er janvier 2020.

A Montréal, derniers tours de piste pour les calèches
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La mort d’un cheval en pleine rue, à l’automne 2018, alors qu’il tirait une calèche, avait été l’occasion pour la maire Valérie Plante de rappeler que cette « industrie » n’a « plus du tout sa place à Montréal ».

– Bien-être animal –

« C’est un folklore qu’on a connu, qu’on a certainement apprécié mais aujourd’hui je pense qu’il est temps d’évoluer », justifie Jean-François Parenteau, responsable du dossier au sein du comité exécutif de la ville, évoquant la nécessité de « démontrer une sensibilité envers les animaux ».

Un argument salué par l’association québécoise de protection des chevaux Galahad, partenaire de la mairie. La fondatrice, Chamie Angie Cadorette, y voit la fin de « conditions de travail difficiles » pour ces animaux.

« Ce n’est pas juste une heure par jour. C’est huit heures par jour, à monter et descendre des cotes dans le trafic », fustige-t-elle évoquant également les « conditions de garde », sans « espace » ni « liberté ».

« Ils disent qu’ils sont maltraités. Prouvez-le », rétorque Luc Desparois, dont le recours en justice contre l’interdiction municipale vient d’être rejeté.

A Montréal, derniers tours de piste pour les calèches
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Depuis plusieurs années, la mairie a tenté de bannir les calèches et durci leur réglementation, avec notamment l’interdiction de circuler lorsque la température est supérieure à 28°C.

Pour compenser les propriétaires de chevaux et éviter l’abattoir, la mairie a dévoilé en avril un programme prévoyant « 1.000 dollars canadiens (685 euros) par animal » remis à la société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA), en vue d’un placement dans un refuge ou une famille d’accueil.

Au 16 décembre, une seule demande d’adhésion au programme avait été déposée.

La proposition est une « insulte totale » pour Luc Desparois, propriétaire de l’écurie Lucky Luc, qui compte 15 chevaux, et emploie une quinzaine de cochers.

« Vous m’offririez 10.000 dollars demain matin que je ne vous les vendrais pas. Ça n’a pas de prix parce que ça devient des amis », assure M.Desparois, cocher depuis 34 ans.

Après l’entrée en vigueur de l’interdiction, le « roi des calèches » envisage d’aller travailler autour de la ville ou à Ottawa, la capitale fédérale. Des options qu’il estime moins rentables que le quartier touristique du Vieux-Montréal, sa « vache à lait ». Ses cochers y effectuent de « deux à sept » promenades par jour, à 53 dollars canadiens (36 euros) la demi-heure, 85 l’heure (58 euros).

Pour les cochers les plus âgés, cette interdiction va entraîner un départ à la retraite anticipé. D’autres vont quitter la profession.

« Je n’aurai pas le choix. Je n’aurai pas les moyens d’aller voyager à Ottawa », explique Nathalie Matte, qui envisage désormais de reprendre un emploi de toiletteuse pour animaux, sa formation initiale.

La mairie assure de son côté travailler à un programme d’accompagnement professionnel pour aider les anciens cochers à se remettre en selle.

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