Bologne l’effervescente, entre énergie de la jeunesse et héritage historique

© Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Ville estudiantine une fois millénaire, elle trempe son énergie jeune dans le cadre intello de l’Italie du Nord et une célébration permanente qui recycle, par exemple, une divine chapelle en bar contemporain.

On la surnomme la Grassa pour sa cuisine déclinée en infinies trattorias, et la Rossa pour ses convictions politiques de gauche. Fondée par les Etrusques cinq siècles av. J.-C., la ville se dévore à pied ou en vélo, tout au moins la partie ancienne ceinte par plusieurs générations de murailles : trois quarts d’heure de marche en croisant des curés en soutanes et des ragazze plus légèrement vêtues. L’air de Bologne se charge facilement d’une apesanteur vintage, entre enfilades d’arcades et ocre des façades gracieuses : une version humaine de la démesure romaine. Où le permanent bordello italien se nuance d’une esthétique certifiée au quotidien. Beau comme une bolognaise.

SEPT MYSTÈRES

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On ne connaît pas l’origine des sept secrets de Bologne, mais ils épicent la ville de parfums coquins : on vous livre les deux premiers. D’abord, l’impressionnante statue dénudée de Neptune, mâle triomphant sur la Piazza Maggiore (photo) : pour des raisons de pudibonderie, elle ne pouvait pas, au XVIe siècle, porter de trop voyants attributs mâles. Le sculpteur Giambologna a donc conçu un pénis neptunien modeste, mais qui, sous un certain angle, présente une digne érection… Toute proche, l’intersection de deux rues couvertes sous le Palazzo del Podestà est une surprise acoustique : en chuchotant à l’un des murs, votre interlocuteur vous entend à quinze mètres… Le jeu consiste à chercher les cinq autres secrets, peut-être du côté des deux tours jumelles, Garisenda et Asinelli, qui dominent la via Rizzoli et ses vastes boutiques, dont un Apple store très show-off.

NID ÉTUDIANT

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« Saint Pierre est le père de tous les lieux et Bologne, la mère de la loi », brandit la devise de l’université, fondée en 1088, la plus ancienne au monde. Cette institution attire chaque année 100 000 étudiants, soit un peu plus du quart de la population globale de la cité. D’où le casse-tête d’y trouver un bout de chambre à louer. Justine, 23 ans, étudiante à l’ULB, y a passé quatre mois : « Tout semble ici grandiose. Sans le côté muséal de Rome : il est facile de connaître la ville et de la posséder, même si les jeunes Italiens ne cherchent pas spécialement le contact avec l’étranger. Pour les Bolognais, la langue, la nourriture et la tradition apparaissent comme quasiment intouchables. Bologne la rouge pour la politique bien sûr, mais aussi pour la lumière et les couleurs. Un lieu ? La balade à San Luca et ses 666 portiques, le chiffre du diable… »

LIBRAIRIES

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Cité pensante veut dire profusion de librairies : on en coche deux. La Libreria Galliera di Moneti Andrea (15, via Galliera), dans un décor miniature, vend des affiches de films classiques comme ceux de Fellini, et pour peu que vous lisiez l’italien, propose de formidables fanzines, magazines et revues racontant l’Italie des années 50-60.

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Autre style, Modo Infoshop (24B, via Mascarella), toujours dans la langue de Paolo Rossi, vend des objets divers, y compris BD, DVD et bouquins gauchistes qui exposent aussi l’esprit libertaire de la ville. Ouvert tous les jours jusqu’à minuit. Pour les chineurs d’ouvrages anciens, BD décalées et posters soviétiques, le marché sous tente de la Piazza xx Settembre, à côté de la gare routière de Bologne, est un endroit où fouiner. De mars à mai.

BAR À L’ÉGLISE

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On a déjà vu une église transformée en boutique Zara (Salamanque), une autre en studios d’enregistrement (The Church Studios, Londres) mais c’est notre première visite dans une ex-chapelle métamorphosée en bar. Autrefois lieu de culte privé de la famille Bentivoglio – symbole de puissance à la Renaissance -, Le Stanze (1, via del Borgo di San Pietro), à deux pas de la fourmilière universitaire, se la joue décorum intégral. Comme si un De Vinci junior avait codé les murs de mythologies pour honorer une vaste carte de cocktails. A noter qu’ici, l’aperitivo servi avec tout drink de début de soirée – dépassant le simple chips – est facturé un euro, alors qu’ailleurs, il est le plus souvent gratuit. Le prix de se trouver dans une mini-Sixtine en sirotant un mojito ?

POVERA ET DAVANTAGE

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Le MAMbo (Museo d’Arte Moderna di Bologna) (1.) propose une collection permanente organisée en neuf espaces thématiques, dont les plus originaux sont ceux consacrés à l’Arte Povera. Mouvement italien né à Turin et Rome, il essaime dans toute l’Italie de la seconde moitié des années 60 : ses artisans traduisent les remous idéologiques d’époque via des formes qui cherchent plutôt le contact organique de la nature que l’histoire de l’art. Un design qui oublierait toute notion de confort pour soigner le geste visuel.

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Bologne compte pas moins d’une vingtaine de musées et on a un faible assumé pour la Biblioteca dell’Archiginnasio (2.) (1B, Piazza Galvani), somptueux palais de la Renaissance qui comprend aussi un théâtre en cèdre et sapin. A noter, la tendance bolognaise à intégrer des expos contemporaines dans des lieux sacrés, certains toujours en fonction comme le Santuario di Santa Maria della Vita, spectaculaire écrin religieux à deux pas de la Piazza Maggiore.

LA FUSION CESOIA

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Il faut marcher dix minutes vers l’est en dehors de la vieille enceinte pour ne pas louper le Cesoia (90/2D, via Massarenti), petite merveille de resto totalement original dans sa fusion des genres. Dans un décor moderniste, le jeune chef de 23 ans réussit un mix de tradition italienne et d’audace internationale. Comme ce plat de raviolis cuisiné de citrouille, de lentille, d’amande et d’anis étoilé. Cette ancienne auberge, baptisée Les ciseaux, amène aussi dans ses mets d’autres influences transalpines, comme les recettes d’Ombrie et du Lazio romain. Bon rapport qualité/ prix/découverte. Même impression dans les marchés où triomphent les trevisano (radicchio de format endive), les grappes de peperoncino (piments rouges éclatants) ou les borlotti di cuneo (longs haricots couleur saucisse). Les endroits où s’approvisionner pullulent mais le Quadrilatero reste un must-buy-and-eat.

TOILES EXTÉRIEURES

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Mort assassiné à Rome en 1975 à l’âge de 53 ans, le Bolognais Pier Paolo Pasolini est l’un des plus fameux artistes italiens. Et la Cinémathèque de Bologne projette avec gourmandise ses films, comme ceux du patrimoine national et mondial, dans les deux salles cosy du Cinema Lumière (sic), au 65 de la via Azzo Gardino. Non contente d’avoir l’un des meilleurs laboratoires de restauration cinématographique sur le marché international, la Cineteca di Bologna (2.) organise aussi chaque été le formidable festival Il Cinema Ritrovato (1.).

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Orchestrée par un Belge, Guy Borlée, cette large manifestation propose expos et leçons de cinéma mais surtout projections de classiques en plein air, notamment dans le cadre magistral de la Piazza Maggiore. Cette année, l’événement a lieu du 25 juin au 2 juillet.

BOLOGNAISE SONORE

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Dylan s’est produit en novembre 2015 au Teatro Auditorium Manzoni, 1 234 places d’un cadre intime qui rappelle Flagey, à Bruxelles, loin des habituelles méga-salles caverneuses fréquentées par Bob. C’est dire si Bologne garde une intense tradition et séduction musicale, passant aussi par des disquaires indépendants comme le Disco Rama ou le Disco d’Oro (photo), puits de rock anglo-saxon et pop italienne. Le second en particulier, 23, via Galliera, est une affaire familiale qui appelle un détour. On y achètera de préférence un natif de la ville, Lucio Dalla, enterré en 2012 devant 50 000 Bolognais éplorés. Et on pleurera aussi en entendant son Caruso dédié au mythique ténor, napolitain celui-là.

EN PRATIQUE

Se renseigner

Le site Web – en italien et anglais – donne la température de la ville et de ses festins culturels. Sur place, l’office de tourisme se trouve au numéro 1 de la Piazza Maggiore. www.bolognawelcome.com

Y aller

Par Ryanair depuis Charleroi ou par Brussels Airlines depuis Zaventem. A partir d’environ 70 euros A/R.

Période idéale

L’automne et le printemps garantissent un maximum de températures agréables qui augmentent, comme les tarifs, avec l’été.

Se loger

Corona d’Oro 1890. Un hôtel à la fois élégant, confortable et idéalement central.

www.hco.it

AirBnb. L’offre est très large à Bologne. Il faut juste vérifier que la location se situe bien dans la ville ancienne, les faubourgs pouvant être tristounets.

www.airbnb.be

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