Dunkerque: une triennale d’art contemporain

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Du complexe portuaire aux friches en passant par la gare, des oeuvres monumentales interpellent le visiteur, le guidant au musée: à Dunkerque, une nouvelle triennale « hors norme » d’art contemporain et design s’ouvre samedi, explorant les relations entre création, économie, art et industrie.

Baptisé « Gigantisme » et s’étalant sur huit mois, ce nouveau rendez-vous européen entend « dresser des ponts » entre les disciplines, grâce à un parcours riche qui « entre en résonance avec le territoire dunkerquois (Nord), marqué par son paysage industriel et portuaire », explique Keren Detton, directrice du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Grand Large.

Pour sa première édition, la triennale, portée conjointement par le FRAC et Lieu d’Art et Action Contemporaine (LAAC) « propose aussi d’examiner, sous un angle nouveau », l’histoire de l’art de l’après-guerre, en mettant en avant la création française, dans une ville qui fut ravagée par les bombardements et rebâtie dans la deuxième moitié du XXe siècle.

Car en Europe et particulièrement à Dunkerque, « 1947 fut une année pivot », début d’une reconstruction dans « l’effervescence collective », qui fit naître « un paysage nouveau en un temps record », marqué par le gigantisme des structures, « la mise en circulation des énergies » et marchandises, « la puissance industrielle », et la possibilité pour les ingénieurs, plasticiens ou architectes de s’associer et de « changer d’échelle », analysent les commissaires d’exposition dans une note d’intention.

Sculptures, toiles, installations monumentales, films, performances: plus de 200 oeuvres sont proposées dans les deux centres d’art associés ou créés « in situ » dans la ville, sur les jetées du port ou face à la plage. Les jeunes créateurs y côtoient de nombreux grands noms comme Daniel Burren, Simon Hantaï, Hans Hartung ou Man Ray.

Certains plasticiens « utilisent les outils, machines et matériaux de l’industrie pour en faire des oeuvres d’art », quand d’autres « jouent avec les codes de la société de consommation, de la production de masse » ou « font appel aux logos et signes disséminés dans nos villes », observe Keren Detton.

– « Technicolor » –

Entre pétroliers abandonnés, tas de minerais et hangars, l’artiste Tania Mouraud a par exemple investi plusieurs cuves du « môle 5 » avec d’imposants motifs noirs et longilignes, dessinant sous un oeil attentif une citation de Shakespeare en « hommage aux morts en mer ».

Plus loin, Hugues Rochette et Nathalie Brevet ont empilé six conteneurs pour y faire couler des cascades et circuler l’eau du port dans un « cycle incessant » évoquant les flux maritimes, alors que dans les jardins du LAAC, 800 « coquelicots » faits de béton et ferraille, par Steve Abraham et Nicolas Messager, accueillent le visiteur avec poésie.

Au LAAC, une exposition dévoile les visions d’artistes d’une société moderne « à l’américaine ». Des monochromes rutilants de Bernar Venet évoquent l’industrie automobile, des pièces métalliques ou moteurs deviennent sculptures, imaginées par César ou Arman. Des créateurs comme Niki de Saint Phalle ou Guy Rottier imaginent des villes utopiques, aux logements repensés et pavillons volants, d’autres évoquent les horreurs de la guerre ou les risques liés à l’uniformisation de la société.

« Space is a house », parcours installé au FRAC, se penche sur « l’évolution du design entre 1947 et 1989, appliquant le gigantisme à la sphère privée », note la co-commissaire Géraldine Gourbe. Il montre « comment d’un intérieur en noir et blanc, sans papier peint ni réfrigérateur », la maison « revêt subitement les couleurs en technicolor du cinéma ».

Soudures, assemblages, accumulations: l’exposition emmène à la découverte des « nouveaux réalistes » inspirés par Yves Klein, puis du « courant minimaliste » et des « designers qui s’en inspirent », créant « du mobilier en série » aux formes géométriques et sensuelles, à grand renfort de plastique, plexiglas ou vinyle.

« Cathédrale » de béton, la gigantesque Halle AP2, ancien chantier naval, offre, elle, au spectateur des oeuvres « démesurées ».

Au-dessus d’un paysage fantasmagorique bigarré, d’une immense colonne de polyuréthane fondu, l’installation lumineuse de Delphine Reist « scanne » toute la halle depuis le plafond à l’aide d’un vieux bras mécanique, note Keren Detton, renvoyant à « l’esprit » de la triennale: « faire dialoguer ces lieux de mémoire, vigies du territoire », avec les créateurs d’aujourd’hui.

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