Everest: fin d’une saison embouteillée et meurtrière
Les dernières expéditions encore présentes sur l’Everest tentaient lundi de parvenir au sommet, clôturant une saison meurtrière marquée par des embouteillages en « zone de la mort » et de nouveaux appels à réguler l’ascension.
« Il ne reste que quelques alpinistes côté Népal qui grimperont lundi, nous pouvons dire que cette saison est presque terminée maintenant », a déclaré à l’AFP Gyanendra Shrestha, agent de liaison du gouvernement népalais sur la montagne de 8.848 mètres.
Sur le versant nord, côté Tibet, il ne restait également plus qu’une poignée d’équipes, selon des opérateurs d’expéditions, avant que le retour du mauvais temps n’interdise l’accès au sommet enneigé.
Les dangers inhérents à une course en altitude extrême ainsi que des embouteillages d’alpinistes, provoqués par l’affluence et le nombre réduit de fenêtres météo favorables, ont coûté la vie à 10 personnes cette année. Cette saison a été la plus meurtrière sur l’Everest depuis 2015.
Les encombrements sur l’arête entre le dernier campement népalais et le sommet ont fait parfois perdre des heures précieuses aux grimpeurs et sont mis en cause dans quatre des décès. S’attarder en « zone de la mort », où l’oxygène est rare, augmente les risques de gelures, d’épuisement et de mal des montagnes.
Observateurs et alpinistes fustigent le grand nombre de grimpeurs au niveau technique insuffisant qui, désireux d’ajouter l’Everest à leur palmarès personnel, ralentissent les personnes derrière eux et les mettent ainsi en danger.
En raison de ces lenteurs, « les bouteilles d’oxygène de nombreux grimpeurs s’épuisaient », a décrit à l’AFP l’alpiniste indienne Ameesha Chauhan, soignée à Katmandou pour des gelures à la main gauche. « Certains grimpeurs sont morts à cause de leur propre négligence. Ils insistaient pour atteindre le sommet alors que leur oxygène s’amenuisait, ce qui mettait leur vie en péril. » « J’ai vu des alpinistes sans aptitudes de base s’appuyer complètement sur leurs guides sherpas », a déclaré la jeune femme de 29 ans, parvenue au sommet jeudi et qui a échappé au gros des encombrements, n’y passant que 20 minutes. « J’ai eu le sentiment que l’Everest était bondé. Seuls les alpinistes avec certaines aptitudes et une certaine expérience devrait avoir un permis », a-t-elle estimé.
« Mort. Carnage. Chaos. »
Le nombre total d’himalayistes parvenus sur le toit du monde cette saison n’était pas encore connu, mais pourrait dépasser le record de 807 personnes établi l’année dernière.
Le Népal avait émis 381 permis pour cette saison de printemps. La Chine en avait de son côté accordé au moins 140. Chaque titulaire de permis est accompagné d’au moins un sherpa, ce qui double le nombre de personnes susceptibles de se presser dans ces hauteurs glacées et impropres à la vie.
Une impressionnante photo prise mercredi montrait des sportifs emmitouflés et en crampons piétinant en file indienne. Signé de l’alpiniste Nirmal Purja, qui s’est mis au défi de réaliser les quatorze « 8.000 » de la planète en seulement sept mois dans le cadre de son « Project Possible », le cliché a fait le tour du monde.
« Je n’arrive pas à croire ce que j’ai vu là-haut. Mort. Carnage. Chaos. Queues. Cadavres sur la route et dans les tentes au camp 4. Des gens à qui j’ai essayé de faire rebrousser chemin qui ont fini par mourir. Des gens être traînés en descente. Enjamber des corps », a relaté sur son compte Instagram l’alpiniste Elia Saikaly.
Si la critique sur les alpinistes insuffisamment chevronnés est récurrente depuis le développement des expéditions commerciales sur l’Everest dans les années 1990, elle s’est accentuée ces dernières années avec l’émergence de multiples agences bon marché. Il est désormais possible de s’offrir l’Everest pour environ 20.000 dollars, soit moins d’un tiers de ce que facturent les opérateurs les plus réputés.
Cette saison a aussi vu le Népalais Kami Rita Sherpa, un guide de 49 ans, battre son propre record du monde en réussissant ses 23e et 24e ascensions de l’Everest. La Sud-Africaine Saray Khumalo, 47 ans, est elle devenue la première femme africaine noire à poser le pied sur le toit du monde.
Un an et demi après son sauvetage hivernal dramatique dans l’Himalaya, la Française Élisabeth Revol a de son côté renoué avec les « 8.000 » en grimpant coup sur coup l’Everest et le Lhotse voisin.
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