L’île suédoise de Fårö, décor de cinéma et terre de pèlerinage des cinéphiles

Monoliths are pictured on June 18, 2018 on Faroe, Sweden, an island in the Baltic sea where Swedish director Ingmar Bergman shot several motion pictures and partly settled from the mid-1960s. The Swedish filmmaker, who would have turned one hundred years old on July 14, died on July 30, 2007. / AFP PHOTO / Gaël BRANCHEREAU © AFP

Ses hivers n’en finissent pas de mourir, c’est à peine si de ses sols infertiles montent quelques pins et seuls une poignée d’hommes et de moutons la peuplent en toute saison: Ingmar Bergman avait fait de l’île de Fårö, en mer Baltique, un décor de cinéma, son asile et sa dernière demeure.

Le cinéaste suédois, qui aurait eu cent ans le 14 juillet, est mort le 30 juillet 2007 et repose sur cette langue de moraine aride conquise par les pêcheurs et les paysans, devenue terre de pèlerinage pour ses admirateurs.

Bergman sur le tournage d'A travers le miroir, film durant lequel il tomba amoureux de Faro
Bergman sur le tournage d’A travers le miroir, film durant lequel il tomba amoureux de Faro© DR

Bergman s’est déjà fait un nom quand, en 1960, il explore Fårö (prononcer fau-reu en roulant le « r ») lors de repérages pour le tournage de « A travers le miroir ».

Il découvre alors ses plages piquées de stacks (monolithes), sa végétation rase de tourbières, d’orpin blanc et de serpolet, ses maigres pâtures, ses ports; avec pour unique relief, ou presque, son église marine et son phare.

Il évoque, dans son autobiographie « Laterna Magica », « un coup de foudre » pour ce rocher de 110 km2, zone de protection militaire interdite aux ressortissants étrangers jusqu’en 1998.

L'île suédoise de Fårö, décor de cinéma et terre de pèlerinage des cinéphiles
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« C’est ton pays, Bergman. Il colle avec ton idée des formes, des proportions, des couleurs, de l’horizon, du son, des silences, de la lumières et des reflets », écrit-il.

Après « Comme dans un miroir » (Oscar du meilleur film étranger en 1961), il y filme « Persona » (1966), « La honte » deux ans plus tard et « Une passion » en 1969, puis, pour la télévision, « Scènes de la vie conjugale » en 1973.

Il réalise également deux documentaires, rendant hommage à ces artisans qu’il emploie sur ses propriétés, mais aussi pour monter un rail de travelling, jouer les figurants. Certains se souviennent des prés incendiés au napalm pour représenter les affres de la guerre civile dans « Une passion ».

L'île suédoise de Fårö, décor de cinéma et terre de pèlerinage des cinéphiles
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Molière et Casque d’or

En 1966 lors du tournage de « Persona », il découvre la plage de Hammars: il décide d’y faire construire une maison de plain-pied. Bergman vit alors une idylle naissante avec l’actrice norvégienne Liv Ullmann qui racontera y avoir enduré des hivers terribles alors que lui s’isolait.

La vieille grange acquise par Bergman, photographiée en juin 2018
La vieille grange acquise par Bergman, photographiée en juin 2018© AFP

Il fait aussi l’acquisition d’une grange et d’une étable qu’il convertit l’une en cinéma privé, l’autre en entrepôt pour les bobines qu’il fait venir par camion de Stockholm. Parmi les incontournables, le « Molière » d’Ariane Mnouchkine, « Casque d’or » de Jacques Becker…

En 2003, âgé de 85 ans, il s’installe à l’année à Fårö. Veuf depuis 1995, ce fils de ministre luthérien se rapproche de la pasteure Agneta Söderdahl, dont il a entendu dire qu’elle avait une belle voix. « Il m’a dit: je savais que tu chantais bien, mais pas aussi bien », raconte-t-elle à l’AFP en riant dans les allées bordant l’église. « Croyant sceptique », selon elle, Bergman cherchait à se déprendre de son éducation empreinte de « condamnation, de châtiment et de morale ».

Un peu à l’écart sous les arbres du cimetière, sa tombe voisine avec celles des habitants qu’il avait appris à aimer et qui le lui rendaient bien. On se passait le mot: Bergman paye bien. Et quand des curieux demandaient la direction de la maison du cinéaste, eux leurs indiquaient le chemin opposé…

Safaris Bergman

Ingmar Bergman prédisait dans un documentaire un lent déclin de l’île à mesure que se raréfiaient les populations de poissons et de phoques. Les locaux lui trouvaient parfois, sans le dire, des airs de Cassandre. « Mais l’avenir lui a donné raison », affirme Kerstin Kalström, intendante de ses propriétés. « Les paysans vendent leurs terres à de riches touristes. Le foncier devient trop cher pour les jeunes ». « L’île a tout de même enregistré quatre naissances en 2018! », se réjouit-elle.

Le Bergman Center
Le Bergman Center© AFP

Le tourisme est devenu vital pour Fårö où vivent aujourd’hui moins de 500 âmes à l’année et Bergman n’y est pas pour rien. Un Centre Bergman accueille depuis 2009 des milliers de visiteurs chaque année à la belle saison. La « Semaine Bergman », fin juin, propose projections, lectures, conférences. Ariane Mnouchkine, Willem Dafoe, Wim Wenders sont venus.

Sa grande maison de Hammars a été reconvertie en résidence d’artistes et des « Safari Bergman » permettent d’explorer les lieux de tournage, avec un passage obligé devant le pavillon de « Persona » construit à l’époque sur la plage mais qui a depuis été déplacé.

La réalisatrice franco-danoise Mia Hansen-Love commencera en août le tournage d’un film à Fårö, « Bergman Island », inspiré de son séjour en résidence dans la demeure de l’artiste.

Ingmar Bergman repose à Faro au côté de son épouse Ingrid von Rosen
Ingmar Bergman repose à Faro au côté de son épouse Ingrid von Rosen© AFP

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