Le Mont-Blanc, cette montagne trop souvent prise à la légère

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Deux trailers sans équipement sont morts récemment sur ses pentes exigeant une technique d’alpiniste aguerrie: le Mont-Blanc demeure le symbole de l’imprudence qui endeuille régulièrement la haute montagne, terre d’exploits aux dangers sous-estimés.

Le dernier décès en date, celui d’un Français de 28 ans qui a dévissé le 24 août à 4.500 mètres d’altitude, sans aucun matériel de circonstance, a ravivé le débat sur les comportements irresponsables.

Le maire de Saint-Gervais (Haute-Savoie), d’où s’étire la « voie royale » menant au toit de l’Europe, a publié un arrêté qui oblige désormais les candidats au sommet à porter un équipement adéquat, sous peine d’amende. Et la préfecture a renforcé les missions de prévention, de conseil et de répression effectuées par le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix.

Les organisateurs de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), qui a lieu cette semaine, rappellent quant à eux que la pratique de la haute montagne « est spécifique et différente de celle du trail-running » (course à pied en montagne).

« Ces drames ne témoignent ni d’une dérive, ni d’une évolution du trail. Dans la vallée de Chamonix, ces deux terrains de jeu sont proches et passer de l’un à l’autre est très attirant », analyse Catherine Poletti, directrice de course à l’UTMB, soulignant qu’un dispositif de sécurité encadre l’épreuve, dont « 90% emprunte un sentier de Grande Randonnée ».

Au total, depuis le 1er juin, 12 morts, incluant aussi des alpinistes équipés, ont été recensés côté français sur les itinéraires menant au Mont-Blanc, soit déjà quatre de plus qu’2016 selon le PGHM qui y voit la conséquence d’une banalisation de l’ascension sur fond de surfréquentation.

Fautes individuelles

Il s’agit principalement de dévissages fatals relevant de fautes individuelles – un pied mal posé, une main insuffisamment tenue – liées à un déficit de préparation physique, technique, d’acclimatation à l’altitude ou à la fatigue.

Les victimes sont par ailleurs souvent étrangères, comme ce Sud-Coréen de 34 ans surpris mortellement par le mauvais temps le 2 août. Sa cordée n’était pas dans les délais et il aurait dû faire demi-tour.

« Le Mont-Blanc est un objectif pour beaucoup de gens, qui ne viennent à l’alpinisme que pour l’accomplir. Ils se retrouvent souvent sans guide sur cette montagne avec une méconnaissance des dangers, des techniques d’encordement et des règles de progression », observe Stéphane Bozon, commandant du PGHM de Chamonix.

« Depuis le début de l’été, la plupart des accidents sont dus à un comportement déviant, pas à une fatalité de la montagne. Savoir marcher avec des crampons et se servir correctement d’une corde, cela demande de l’entraînement », insiste Jean-Christophe Bèche, président de l’Office de haute montagne.

En cause aussi, un manque d’adaptation à la météo et au terrain, rendus plus imprévisibles encore par les évolutions climatiques. Les fortes chaleurs de juin ont laissé des secteurs autrefois blanchis par la neige totalement à découvert et fragilisé les itinéraires, menacés par des écroulements plus fréquents.

« Tenter le diable en amont d’une perturbation annoncée, c’est aussi prendre un risque inutile. Ces drames étaient cousus de fil blanc dès le départ », déplore Stéphane Bozon.

Et de pointer du doigt les réseaux sociaux, où se partagent les exploits filmés de champions de sport outdoor domptant des barres rocheuses, ou les agences de voyages qui « vendent » l’ascension du Mont-Blanc « au même titre qu’une visite de la Tour Eiffel ».

Face à ces phénomènes qui encouragent des néophytes à s’aventurer au-delà de leurs aptitudes, les professionnels appellent à la responsabilisation.

Sur son compte Twitter, la superstar espagnole du « fast-climbing » et du trail Kilian Jornet a publié le 25 août une série de tweets sur ses « 25 années » d’expérience, rappelant que « forme physique », « connaissance technique et du milieu » mais aussi « patience et être humble », sont les maîtres-mots en haute montagne.

Une semaine plus tôt, le champion avait ironisé à chaud sur l’arrêté du maire de Saint-Gervais en postant un cliché le montrant nu sur un sommet enneigé, avec cette légende : « Bref, si on grimpe coté italien, c’est légal ? ».

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