Les Chinois ont leur Saint-Valentin en été

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Seul cet été pour la Saint-Valentin chinoise ? Restaurants et commerçants tentent de séduire les célibataires du pays en leur proposant des fleurs, des gâteaux ou des dîners avec un ours en peluche, mais l’enjeu est également économique et social, dans une société en pleine mutation.

Qixi, 7e jour du septième mois du calendrier lunaire, est dédié aux retrouvailles de deux héros de la mythologie chinoise, le jeune bouvier Niulang et son amante tisserande, dont les constellations sont séparées par la Voie lactée.

Cette fête, qui tombera lundi, s’est imposée en Chine comme le « jour des amoureux », parfait équivalent de la Saint-Valentin occidentale… et aubaine pour les commerçants qui multiplient les promotions destinées aux couples.

Mais les « chiens solitaires » –surnom des célibataires– attirent également l’attention: environ 200 millions de Chinois ne sont pas mariés, selon les chiffres officiels, en dépit d’une forte pression sociale poussant à fonder tôt une famille.

Dans les restaurants de Haidilao, une populaire chaîne de fondue mongole (marmite pot-au-feu), les célibataires privés de dîner romantique pourront ainsi manger en face d’un ours en peluche géant leur tenant compagnie.

Le plantigrade permet à ces consommateurs sans âme soeur de « se sentir comme à la maison, traités avec chaleur », assure à l’AFP Xu Bin, directeur d’un restaurant Haidilao à Pékin. C’est également un excellent argument de vente pour les attirer.

La chaîne de pâtisseries Qicaihong (« Arc-en-ciel ») propose elle des gâteaux en forme de chiot tirant la langue, clin d’oeil au surnom de « chien solitaire » donné aux célibataires… une spécialité vendue 20% plus chère que les autres gâteaux de l’entreprise mais qui représente un sixième des ventes mensuelles.

« Pour plaisanter, les gens en achètent pour les offrir à leurs amis pas encore casés », raconte à l’AFP M. Liu, employé d’une branche à Pékin.

Voyages en solo

Même la chaîne américaine de restauration rapide Burger King offrira lundi un menu « spécial célibataire » à prix réduit: un hamburger, une cuisse de poulet et un smoothie, censés redonner la pêche aux convives sans partenaire.

La fleuriste pékinoise An Shuai, pour sa part, propose aux célibataires des roses séchées dans des boules de verre: « Les gens adorent ce type de fête, et peuvent bien s’offrir des fleurs pour eux-mêmes », indique-t-elle à l’AFP.

Au-delà de Qixi, plusieurs secteurs ciblent le marché en plein boom des célibataires: voyagistes, firmes de jeux vidéos, fabricants de vêtements de sports ou de cosmétiques…, détaille Shaun Rein, fondateur du cabinet China Market Research Group.

L’agence de voyage Lümama a ainsi enregistré au premier semestre un doublement sur un an des réservations effectuées pour des personnes seules, selon le Quotidien du Peuple, un journal officiel.

Sur les onze premiers mois de 2016, les touristes en solo représentaient 15% des millions de voyageurs enregistrés sur Ctrip, la principale plateforme chinoise de réservations d’avion et d’hôtels, abonde le quotidien cantonnais Nanfang Dushi Bao.

Et le site de ventes florales en ligne Redflower assure qu’environ 40% des commandes qu’il reçoit viennent de clientes souhaitant s’acheter des bouquets « pour elles mêmes, pour se rasséréner ».

Liberté

Zhou Kai, jeune femme de 29 ans aux revenus confortables, assure éprouver « une plus grande liberté » en tant que célibataire.

« Sans les contraintes d’une relation ou du mariage, j’ai plus de temps à consacrer à mes passions, et je peux dépenser davantage », indique-t-elle à l’AFP, emblématique d’un nouveau segment de consommateurs.

« Les femmes célibataires tendent à avoir de meilleurs salaires (…) et sont plus enclines à en dépenser la plus grande partie. Les hommes, souvent, économisent davantage pour s’acheter un appartement », explique M. Rein à l’AFP.

Mais dans un pays inquiet du veillissement de sa population après des décennies de politique de l’enfant unique, le célibat n’est guère encouragé.

La Ligue de la Jeunesse communiste, influente branche du Parti au pouvoir, organise ainsi pour Qixi des « blind dates » afin d’aider des jeunes gens à trouver leur moitié: des rencontres de ce type supervisées par l’organisation doivent réunir lundi quelque 340 personnes à Tianjin (est).

Pour Shaun Rein, la pression au mariage tend néanmoins à s’atténuer: « Dans les villes en particulier, des parents disent à leur fille: +Marie-toi quand tu le veux+. Cela montre le pouvoir nouveau acquis par les femmes », un progrès « vers l’égalité des sexes », estime-t-il.

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