Liège expose la fantastique collection de Paul Rosenberg, célèbre marchand d’art et grand-père d’Anne Sinclair

Ami et agent de Pablo Picasso ou encore d’Henri Matisse, Paul Rosenberg (1881-1959) fut l’un des marchands d’art les plus influents de l’entre-deux-guerres. Une riche exposition, tirée du livre « 21 rue la Boétie » écrit il y a quatre ans par sa petite-fille, Anne Sinclair, lui est consacrée à Liège.

Anne Sinclair, petite-fille de Paul Rosenberg.
Anne Sinclair, petite-fille de Paul Rosenberg.© AFP

« Mon grand-père a été l’un des découvreurs de Picasso, de Matisse, de Braque, de Léger… Et les a accompagnés, beaucoup. Il était non seulement un galeriste, un marchand, mais il était un ami de ces peintres qu’il admirait par dessous tout. Lui se considérait comme un passeur, un entremetteur, un accoucheur », a expliqué à l’AFP la journaliste française lors de l’inauguration mercredi de l’exposition.

Accueillie jusqu’au 21 janvier dans l’écrin de La Boverie, le musée des Beaux-Arts de Liège, elle propose une soixantaine d’oeuvres passées par la galerie de Paul Rosenberg au 21 rue La Boétie, dans le 8e arrondissement de Paris, entre sa fondation en 1910 et sa réquisition par les nazis sous l’Occupation. Ou par sa galerie de New York, où la famille s’est exilée au début de la Seconde Guerre mondiale et où est née, en 1948, Anne Sinclair.

L'exposition
L’exposition « 21 Rue de la Boétie » © AFP

Ces Picasso, Braque, Matisse, Léger, Marie Laurencin, Degas, etc., sont exceptionnellement réunis dans les salles lumineuses du musée liégeois, récemment rénové, grâce aux prêts de musées prestigieux (MOMA de New-York, National Gallery de Washington, Centre Pompidou de Paris…) et de richissimes collectionneurs.

Assaut contre l’art ‘dégénéré’

Ils y côtoient neuf chefs-d’oeuvre (Picasso, Chagall, entre autres) acquis par la ville de Liège en 1939 lors d’une vente publique organisée à Lucerne, en Suisse, par le régime nazi.

Pour Paul Rosenberg, Français de confession juive, il n’était pas question de profiter de cette occasion pour faire des affaires, souligne Anne Sinclair qui, petite fille, accompagnait son grand-père dans les musées ou chez Picasso, et dont Marie Laurencin a tiré un émouvant portrait, exposé à Liège.

Anne Sinclair
Anne Sinclair© AFP

« Mon grand-père était en lutte contre la conception nazie de l’art, dit +dégénérée+. Pour Hitler et ses sbires, la peinture, la sculpture… C’était l’art germanique traditionnel. Tout ce qu’ils appelaient dégénéré, des impressionnistes aux cubistes, de Renoir à Picasso, c’était de l’art à détruire », souligne la journaliste.

Une importante section de l’exposition met en exergue l’opposition frontale entre ces deux conceptions de l’art.

Liège expose la fantastique collection de Paul Rosenberg, célèbre marchand d'art et grand-père d'Anne Sinclair
© AFP

« La famille Soller », par exemple, témoignage exceptionnel de la « période bleue » de Picasso datant de 1903, propriété du musée liégeois, resplendit de modernité aux côtés de la sombre et académique toile « Famille de paysans de montagne » de l’obscur Rudolf Otto (1887-1962).

En 1940, Paul Rosenberg et sa famille parviennent à rejoindre les Etats-Unis en passant par Bordeaux. En chemin, le galeriste laisse une partie de sa collection dans les coffres d’une banque de Libourne.

Le combat de la restitution

Mais les coffres sont forcés en 1941, alors que Paul Rosenberg est déchu de sa nationalité française par Vichy, et les oeuvres pillées pour rejoindre la collection d’Hermann Göring. Cruauté de l’histoire, la galerie de la rue La Boétie accueillera les expositions antisémites de l’Institut d’Etude des Questions Juives jusqu’à la Libération.

Depuis sa nouvelle galerie à New York, où il contribue à faire de la « Big Apple » le nouveau centre mondial du marché de l’art, Paul Rosenberg et ses proches engagent alors la lutte pour la restitution des oeuvres pillées, avec le soutien de la France et de la Suisse.

L'exposition
L’exposition « 21 Rue de la Boétie ».© AFP

Cartes à l’appui, l’exposition retrace en particulier les vicissitudes d’une toile de Matisse, « Robe Bleue dans un fauteuil ocre », achetée au peintre en 1937, volée par les nazis à Libourne avant de passer de mains en mains et de finir dans un musée d’Oslo. Elle n’a été rendue à la famille Rosenberg qu’en 2014.

« Il y a encore une cinquantaine de toiles dans la nature, mais ils ont à peu près reconstitué la collection », se réjouit Anne Sinclair.

L’exposition « 21 rue la Boétie » sera présentée début 2017 au Musée Maillol à Paris et probablement ultérieurement à Tel-Aviv. Renseignements: www.laboverie.com

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