Chronique | Les panneaux touristiques le long des autoroutes doivent pouvoir être lus en 3 secondes

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Quelle direction prend-on? © Unsplash
Nicolas Balmet
Nicolas Balmet Journaliste

J’aurais aimé vous l’apprendre, mais vous le savez sûrement depuis belle lurette. Chez nous, les panneaux touristiques qui fourmillent le long de la E411 menant vers les Ardennes, l’abbaye d’Orval et l’essence pas chère ont été rédigés par notre regretté Julos Beaucarne.

Quelques grammes de poésie dans ce monde de radars, que l’on continue à apprécier malgré les années – ils sont là depuis 2004 – tout comme on continue à accepter ces bons vieux travaux – ils sont là depuis 950 avant Jézus-Eik. Je pense à l’indémodable «Cris et chuchotements» à l’approche de Walibi, ou au lyrique «Entre deux berges, la Sambre gamberge» qui est passé à ça de la contrepèterie douteuse. Je pense surtout à ce cher Michel Daerden qui, entre deux mises aux verres, avait eu l’idée de ces panneaux insolites chargés de mettre en lumière notre beau patrimoine wallon.

Mais il faut rendre à César ce qui appartient à ces arts: l’inspiration vient d’ailleurs. De France, plus particulièrement, où les premiers panneaux touristiques ont été imaginés vers le milieu des années 1970. Vous les apercevez dès que vous passez la frontière, alors que vous n’avez pas encore atteint le premier péage. Et si vous pensez qu’ils ont été plantés là de façon anarchique, je peux vous garantir que vous faites fausse (auto)route.

Lisez donc ce qui suit, et d’ici quelques semaines, quand vous serez en chemin vers Chamonix avec votre petite marmaille et vos Moon Boots, vous aurez mille trucs à raconter à vos compagnons d’escapade. Vous aurez tellement envie de me remercier que vous risquez de ressentir le besoin de me ramener un souvenir. Mais par pitié, ne faites pas ça. Je ne suis pas très fan des porte-clés en forme de marmotte. En plus, j’en ai déjà un à l’effigie de Mario Bros.

Parlons d’abord de la couleur. Et de ce marron qui s’impose clairement comme le fil conducteur de tous les panneaux. Une teinte qui, en plus de ne pas entrer en confrontation avec la signalisation classique, est tout simplement celle qui symbolise le patrimoine en France (oui, ce fut également la couleur de la catégorie «Arts et littérature» au Trivial Pursuit pendant très longtemps, mais elle a été remplacée par le violet, pourquoi, je n’en sais rien, mais je ne peux pas non plus passer toute cette chronique à faire des digressions, sinon, on ne s’en sortira pas).

Un camaïeu de neuf couleurs autour du marron: telle est donc la «contrainte» technique des dessinateurs qui, depuis les années 1970, sont convoqués afin de réaliser les œuvres verticales. Des artistes issus du monde de la sérigraphie et de la bande dessinée, à l’instar de Loustal, Cruschiform, Matthieu Forichon ou Floc’h, pour ne citer que mes préférés.

À quels endroits sont posés les panneaux? Aux alentours des lieux qui en jettent, des curiosités culturelles ou des pépites historiques, bien sûr. Et avec une séparation de 8 kilomètres en moyenne entre chaque panneau, vous pouvez compter pour vérifier si ça vous amuse. Je vous conseille plutôt de confier cette tâche à vos enfants, ça leur fera un petit exercice de vacances avant d’arriver au chalet. Et vu leurs résultats scolaires au premier trimestre, franchement, ça ne peut pas leur faire de mal.

Autre caractéristique de ces jolis panneaux: ils ont une fonction bien précise, qui consiste à permettre au conducteur de se repérer sur le territoire («Tiens, on est déjà en Bourgogne, c’est fou comme ça passe vite quand on s’ennuie») mais aussi à sortir ponctuellement le conducteur de la monotonie tout au long du trajet. Vous me direz: on n’était pas obligé de lui montrer des vieux châteaux en ruine ou des résidus d’abbaye, au conducteur endolori. Des blagues de Jean-Marie Bigard auraient pu tout aussi bien faire l’affaire. Sauf que non.

Car figurez-vous que les études scientifiques sont formelles: dans un véhicule roulant à 130 km/h, le chauffeur dispose de 3 secondes pour lire un panneau sans que sa sécurité n’en pâtisse. Autant dire que le message doit aller à l’essentiel et que chaque mot est compté. Ce serait quand même bête, avouez-le, de se choper un accident de la route juste avant d’aller pouvoir se casser tranquillement le péroné sur les pistes rouges.

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