Nicolas Balmet
Chronique | L’inventeur du rouleau de papier toilette préconisait (déjà) de le dérouler par l’avant
Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.
Fin du débat. Trop d’encre a coulé, et trop de discussions interminables ont eu lieu sur le sujet. Les choses étaient pourtant très claires depuis le début, puisque l’inventeur lui-même du rouleau de papier toilette avait déjà tranché: on place le rouleau de façon à ce que les feuilles nous arrivent dans les mains par l’avant, et non de façon à ce que les feuilles soient face au mur. Point à la ligne.
Oh, je sais bien qu’en remettant ainsi l’église au milieu du village, je ne vais pas me faire que des amis. Mais tant pis. C’est un risque que j’accepte de prendre. Pour une paix que je me dois d’espérer. Au nom de qui? De Seth Wheeler, ce brillant Américain qui, en juin 1891, après plusieurs années de réflexion acharnée, a inventé ce fameux rouleau qui, dans le cœur des Terriens, allait très vite détrôner tous les autres rouleaux déjà en activité, comme le rouleau à pâtisserie ou le rouleau de printemps.
Le gaillard a-t-il croisé la route du Doc et voyagé dans le futur avec Marty McFly? Avait-il pressenti qu’un beau jour, pour une obscure raison, une guerre éclaterait entre les partisans du rouleau placé avec les feuilles vers l’avant et les partisans du grand n’importe quoi? Toujours est-il qu’en déposant son brevet, Seth Wheeler a eu l’excellente idée de joindre quelques dessins. Des croquis qui montrent de façon limpide la position adéquate du rouleau… et qui suggèrent d’ailleurs une question: qui sait si celui-ci aurait remporté le même succès en étant placé dans l’autre sens, on sait bien que la gloire ne tient parfois qu’à un fil, demandez donc à Ariane ce qu’elle en pense.
Mais là où Seth Wheeler a frappé très fort, c’est qu’il ne s’est pas arrêté là. Certes, il aurait pu s’asseoir tranquillement sur son trône et ne plus en bouger jusqu’à ce que la mort les sépare. Mais au lieu de périr à côté d’un rouleau de PQ comme le feront plus tard Elvis Presley ou Judy Garland, il s’est relevé pour continuer à aller au charbon. Résultat: à peine quelques mois plus tard, Seth Wheeler fut frappé par un nouvel éclair de génie et donna naissance aux feuilles de papier toilette détachables! Autant dire qu’à côté de ça, même l’inventeur du Kinder Bueno peut aller se rhabiller.
Bien sûr, dans cette histoire, il ne faut surtout pas négliger le rôle de celui qui, avant l’apparition du rouleau, imagina ni plus ni moins que le papier toilette. Un New-Yorkais très porté sur l’hygiène, qui mit fin au règne du papier… journal longtemps utilisé pour polir les fessiers. «Attention!, cria Joseph Gayetty. N’oubliez pas, mes amis, que les journaux sont remplis d’encre, et que l’encre n’est pas forcément réputée pour assainir les popotins. Je vous suggère plutôt d’utiliser le doux papier pré-humidifié que je viens de créer, vous m’en direz des nouvelles, je l’ai même aromatisé à l’aloe vera.»
Si Joseph et Seth ont contribué à rendre nos escapades aux water-closets les plus agréables possibles, il va sans dire qu’ils n’ont fait qu’apporter leur pierre à un édifice dont les fondations ont été posées il y a bien longtemps. Ainsi, en déroulant les feuilles de l’Histoire avec méticulosité, on apprend que, plusieurs siècles avant Jésus-Christ, pour bichonner nos arrière-trains, on utilisait des cailloux raboteux à mille lieues du Scottex quadruple épaisseur disponible aujourd’hui. Les Grecs, eux, avaient recours à des poireaux, tandis que les Romains façonnaient des petites éponges fixées au bout d’un bâton qu’ils plongeaient dans une amphore d’eau salée (oui, ça piquait un peu). Quant aux Asiatiques, ils se contentaient de coquillages, même si la Chine se lança un jour dans la production de feuilles en tissu parfumées… strictement réservées à l’empereur.
A ce stade très précis de votre lecture, chers camarades, je suis à peu près convaincu qu’une question vous brûle les lèvres: «Mais pourquoi donc, alors que l’été n’est même pas fini et que les oiseaux gazouillent encore, ce cher journaliste nous parle-t-il de tout ça?» Et je vous répondrai que, dans le fond, je n’en sais rien. C’est la rentrée, et je crois simplement que mes vacances ont été beaucoup trop courtes. Aussi, il est tout à fait possible que je sois au bout du rouleau.
Retrouvez toutes les chroniques de Nicolas Balmet ici
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici