Chronique | Saviez-vous que les faux cils existaient déjà en Égypte ancienne?

Nicolas Balmet c est pas faux
© Damon De Backer
Nicolas Balmet
Nicolas Balmet Journaliste

Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.

Eh oui, chère influenceuse aux cils radieux: tu es convaincue de porter un apparat de mode admirablement moderne, mais en réalité, tu es merveilleusement ringarde. Je ne le dis pas pour me moquer de toi, hein: tu le fais déjà très bien toute seule en arborant des cils plus longs que tes cheveux. Non, je dis ça pour rétablir une vérité historique, tu sais bien que je suis très à cheval là-dessus, surtout depuis que j’ai appris que mon signe astrologique chinois est le Cheval. 

Tes faux cils, donc, ne datent ni plus ni moins que de l’Egypte ancienne, celle des pyramides et des scribes, de Cléopâtre et des pharaons, des obélisques et des Astérix. Tu vas peut-être me demander «c’est une bonne situation, ça, scribe?», et je te dirais que, pour moi, il n’y pas de bonne ou de mauvaise situation, et si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec toi, je dirais que c’est d’abord des rencontres, des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi, et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée… Enfin bref, tu m’as compris. 

A l’époque, on utilisait des huiles spéciales, de l’ivoire et de la poudre de malachite (non, ça ne se fume pas) afin de façonner ces ornements destinés à sublimer le regard. Et tu sais quoi? Les femmes, les hommes, les enfants, les papys et les momies y avaient recours à parts égales – autant dire que les Egyptiens avaient une sacrée longueur d’avance sur le wokisme, je suis sûr qu’un jour, on découvrira que ce sont eux qui ont inventé TikTok, comme ça, vite fait, entre deux bains de soleil sur les bords du Nil. Et pourquoi les cils avaient-ils tant d’importance en cette ère lointaine, me diras-tu? D’abord, parce qu’on trouvait ça vachement mignon. Ensuite, parce qu’on aimait bien se protéger les yeux de la chaleur et du sable. Et enfin, parce qu’on estimait que des mirettes joliment ornées permettaient d’éloigner… le mauvais œil. 

Bien avant que tu les utilises pour vendre des shampoings végans sans gluten en disant «n’oublie pas d’utiliser le code promo qui se trouve en lien dans ma bio», les extensions ont également passé quelques décennies à nourrir l’Art avec un grand A. Ce fut notamment le cas en Asie, où les faux cils étaient utilisés lors des cérémonies ou des représentations théâtrales afin d’accentuer les expressions du visage. Et ce fut encore le cas lorsque l’URSS décida de dessiner son drapeau communiste en y représentant, sur fond rouge, un faux cil et un marteau – attention, une plaisanterie se cache dans cette affirmation, j’espère que tu as été suffisamment attentive pour la repérer et que tu n’étais pas en train de (re)compter tes followers, sinon, tu vas encore passer pour une ingénue et je m’en voudrais.

On est au début du XXe siècle. Une Canadienne nommée Anna Taylor, bien aidée par un procédé de fabrication imaginé par un coiffeur britannique, dépose un brevet de  «cils artificiels» après avoir créé un petit croissant de tissu sur lequel elle a greffé de minuscules poils. Mais c’est le producteur et cinéaste hollywoodien David Mark Griffith qui, en 1916, transforme les faux cils en véritables machines à séduire. L’homme, qui sera bientôt le premier réalisateur hollywoodien à mettre en scène des super-productions américaines, est en train de tourner un film muet avec l’actrice Seena Owen lorsqu’il a une révélation. Mécontent des prises de vue un peu trop ternes, il confie une mission à son perruquier attitré: créer des extensions de cils avec un mélange de cheveux humains et de gaze, cela afin de donner un regard plus magnétique à Seena Owen. Bingo! Le résultat à l’écran est sublime, et l’extension de cils part très vite à la conquête de tous les studios de Los Angeles. Au fil des années, la beauté «made in Hollywood» devient une industrie à elle toute seule. Et tu sais quoi, chère influenceuse? Une certaine Elizabeth Taylor, en 1963, fera à elle seule la meilleure publicité pour les faux cils grâce à son interprétation mythique de… Cléopâtre. Je suis sûr qu’avec cette chronique, j’ai fait naître en toi une vraie passion pour l’Egypte ancienne, pas vrai?

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