Anne-Françoise Moyson

Edito | Il est grand temps d’être touriste en son royaume

A force de marcher dans les rues de sa ville en regardant, au mieux, ses pieds, au pire l’écran de son téléphone, elle en avait oublié le monde alentour, à portée de main. Elle rêvait d’aventures improbables et lointaines, croyant qu’elles seules en valaient la peine. Ce jour-là, ses pas l’avaient menée au pied d’une boîte à livres. Entre une série noire et un poche signé Eric Emmanuel-Schmitt, elle l’avait repérée illico. C’était une édition brochée déglinguée du Voyage en Belgique de Victor Hugo. Le poète-dramaturge-dessinateur français y était venu en citytrip en 1837, il en était reparti avec un paquet d’émerveillements et un charmant carnet de voyage, croquis, notes et correspondance romanesque. Elle avait pris cette trouvaille comme un signe du ciel. «Hier, écrivait le grand homme, j’étais à Tournai, je suis parti, j’ai traversé Courtrai, j’ai vu Menin, j’ai visité Ypres, et je reviens à Courtrai… Je vais et je viens, je ne veux laisser échapper aucune de ces vieilles villes. Partout où il y a une cathédrale, un hôtel de ville ou un Rubens, j’accours. Cela me fait faire des zigzags sans fin. Mon voyage dessine à travers la Belgique une extravagante arabesque. C’est que, dans ce pays-ci, de six lieues en six lieues, il y a une ville comme on en trouve en France toutes les soixante lieues.» Et par la voix de l’écrivain-voyageur, venue de cet espace-temps vieux de presque 200 ans, l’évidence s’était imposée à elle: le proche horizon vaut le détour, la Belgique est pleine de pépites. Il était grand temps d’être touriste en son royaume.

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