Edgar Kosma
Facebook sera toujours gratuit (sauf quand il sera payant)
Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.
Elon Musk a racheté Twitter le 27 octobre 2022. L’une de ses premières mesures, après avoir viré plus de la moitié du personnel, a été de rendre la vérification de compte payante aux utilisateurs qui souhaitent obtenir le fameux petit V bleu à côté de leur nom.
Jusqu’ici, tout va bien dans le meilleur des mondes. Car tout le monde sait que Dr Musk est un OVNI venu de la conquête spatiale et que des entreprises plus rentables comme Meta ne prendraient pas de telles décisions à 180 degrés de leur valeurs. Faut-il d’ailleurs rappeler que le slogan historique de Facebook, à son lancement en 2006, était «Facebook est gratuit et le sera toujours»?
Dix-sept ans plus tard, et à peine cinq mois après le rachat de Twitter, c’est pourtant au tour de Mark Zuckerberg d’annoncer une version payante pour Facebook et Instagram. S’il fallait voir le verre à moitié plein, disons qu’on en a vu certains retourner leur veste plus vite que ça.
Baptisée Meta Verified, la formule premium coûtera 11,99 dollars par mois et permettra, selon le communiqué officiel, de «vérifier votre compte à l’aide d’une pièce d’identité, d’obtenir un badge bleu, de bénéficier d’une protection supplémentaire contre l’usurpation d’identité et d’un accès direct au support client.» Mais ce n’est pas tout: l’abonnement promet également une visibilité accrue sur Instagram et Facebook, que ce soit dans les flux, la recherche, les commentaires ou les recommandations. Ça fait donc cher le badge bleu. Ou comme diraient les jeunes qui n’ont jamais mis un pied sur ce navire: «Pas ouf comme contrepartie!»
Ce qui précède est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, cela pourrait être le début de la fin du modèle «tout gratuit» qui régnait sur les réseaux sociaux depuis leur éclosion à la fin des années 2000. Après, ne soyons pas naïfs: cette annonce ne tombe pas par hasard. Elle arrive au moment où les revenus publicitaires de Meta sont en chute libre et où les pertes abyssales engendrées par le métavers – dont nous avons déjà beaucoup parlé ici – commencent à se faire sentir dans les caisses. En d’autres termes: Meta a besoin de liquidités et tout est bon à prendre, comme ce vulgaire copier-twitter.
Les plus libéraux me diront «Une formule payante, pourquoi pas?» Certes, mais qui est prêt à payer pour ça? Si vous faites partie de celles et ceux qui utilisent ces réseaux pour liker les publications de vos proches, poster quelques photos de vacances ou nourrir un groupe de discussion sans gluten, il y a une très forte probabilité que vous pensiez «Payer? Jamais!» Mais si Facebook et Insta comptent de nombreux utilisateurs qui «consomment» à la carte, il y a aussi les non moins nombreux adhérents qui «produisent» du contenu. Et, quand on sait que des milliards sont échangés chaque mois sur la plate-forme publicitaire, il faut bien se rendre compte que la plupart de ces professionnels (entreprises, artistes, influenceurs…) pourraient bien être tentés par l’espoir d’un peu plus de visibilité contre quelques euros par mois.
‘Nous dirigeons-nous vers des réseaux à deux vitesses?’
Si cette version payante ne fait pas un flop, qu’en sera-t-il de ceux qui conservent la version gratuite? Nous dirigeons-nous vers des réseaux à deux vitesses, avec d’un côté les «pauvres» que plus personne ne voit ou n’entend, de l’autre, les «riches» qui trustent les hauts des flux? Puis, beaucoup de gens ne se sont-ils pas inscrits sur Facebook parce que c’était gratuit? Le risque semble grand pour Meta, en modifiant l’ADN du modèle économique, de voir fuir ses utilisateurs par millions. Sans parler d’éventuelles fake news du type «Facebook devient payant et ils vont utiliser vos données pour vous débiter» qui pourraient faire fuir les plus crédules.
Meta se trouve à un moment-clé de son histoire. Espérons pour Mr Z. et ses investisseurs que le slogan dont on se souviendra, d’ici quelques années, ne sera pas «Facebook est en banqueroute et le restera toujours».
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