Bertrand Piccard, l’homme qui a fait le tour du monde en avion solaire : « L’humanité doit grandir vers la lumière »

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07:30 Mise à jour le: 08:38

Explorateur, psychiatre et pionnier du vol solaire, Bertrand Piccard n’envisage pas de nous parler de la lumière comme d’un simple phénomène physique, mais comme une force intérieure, énergétique, spirituelle et même libératrice. De Solar Impulse à Climate Impulse, son futur avion à hydrogène, il tisse sans relâche des liens entre science, écologie et conscience, dans une quête qui dépasse la technique : comprendre ce qui, dans le ciel comme en nous, éclaire et élève.

Dans la voix de Bertrand Piccard vibre une clarté paisible, assurée, héritée de sa singulière expérience : celle d’un homme qui a contemplé notre monde d’en haut, libéré des contraintes terrestres. Depuis qu’il a accompli le tour du globe à bord d’un avion propulsé uniquement par l’énergie solaire, il en est convaincu, la lumière transcende sa fonction d’éclairage : elle est ce qui élève. C’est une substance subtile, un souffle essentiel, un état de conscience plus élevé. « La lumière, dit-il, est une qualité vibratoire supérieure à celle de la matière. Elle nous invite à la rejoindre, à nous aligner sur ses hautes fréquences. »

Le psychiatre face à l’obscurité

Avant de devenir le symbole planétaire de l’innovation écologique, Piccard a exercé comme psychiatre et hypnothérapeute pendant vingt ans. Cette longue période d’écoute attentive, passée à démêler les « nœuds invisibles de l’esprit » de ses patients, lui a conféré une expertise singulière dans la reconnaissance des zones d’ombre intérieures et des voies d’accès à la clarté psychique. 

Il conceptualise les émotions comme des fréquences vibratoires : la haine, la peur ou la vengeance appartiennent aux basses fréquences, menant à l’obscurité intérieure. Inversement, la compassion, la bonté et la conscience sont les marqueurs des hautes fréquences, celles qui mènent à la lumière. « On devient ce qu’on pense », résume-t-il, faisant écho aux principes de la compassion.

« Celui qui nourrit des idées noires finit par vivre dans l’obscurité, comme enfermé. Celui qui médite sur la lumière, qui cultive la compassion, s’en imprègne, graduellement, et s’élève. »

« La lumière ne se gaspille pas, elle s’apprend » : la leçon de Solar Impulse

L’avion Solar Impulse reste l’incarnation la plus concrète (et, finalement, la plus poétique) de cette philosophie. La lumière y jouait un double rôle : elle était le carburant essentiel et, paradoxalement, la contrainte majeure. Il fallait la capter durant le jour, la stocker avec une efficacité maximale dans les batteries, pour ensuite la gérer avec une parcimonie extrême pendant les longues nuits, sous peine de chuter. « Le grand défi, ce n’était pas le soleil, mais l’obscurité, la nuit où l’énergie se raréfiait. » Cette odyssée fut une leçon d’humilité technologique et existentielle : la lumière, ressource extraordinaire, ne doit pas être gaspillée ; elle s’apprend à capter et à utiliser de manière optimale. 

Aujourd’hui, Bertrand Piccard écrit la suite (presque) logique avec Climate Impulse. Ce nouveau défi est un vol autour du monde, sans escale, à bord d’un avion révolutionnaire propulsé par de l’hydrogène liquide. Cet hydrogène, élément clé, sera produit au sol, avant le départ, grâce à l’énergie solaire, exploitant le potentiel renouvelable de l’astre. 

 À ses côtés, l’ingénieur et navigateur Raphaël Dinelli est le compagnon d’une nouvelle aventure d’ingéniosité. Leur ambition : démontrer de manière irréfutable qu’un aéronef peut se maintenir dans le ciel pendant neuf jours consécutifs sans consommer la moindre goutte de carburant fossile – prouvant ainsi qu’une autre aviation, entièrement décarbonée, est non seulement souhaitable, mais parfaitement réalisable.

Le projet Climate Impulse, soutenu par des acteurs majeurs de l’industrie et de la technologie, prévoit ses premiers essais techniques « l’été prochain, si tout va bien ». Le grand départ, marquant l’apogée de l’exploit, est fixé à 2028. L’avion embarquera un hydrogène renouvelable produit par électrolyse et liquéfié à une température de – 253 °C.. Dans ce projet, tout est encore et toujours dérivé de la lumière : captée, transformée en électricité, utilisée pour l’électrolyse, et enfin conservée sous forme d’hydrogène. « La lumière est une ressource extraordinaire, la contrainte majeure, c’est d’apprendre à la capter, à la transformer et à l’utiliser sans perte », murmure Piccard, une maxime qui est devenue son mantra technologique et philosophique.

Lumière intérieure contre obscurantisme

Son passé de psychiatre éclaire son rapport à la lumière. Dans son ancien cabinet de Lausanne, il avait délibérément choisi une pièce largement ouverte sur le panorama apaisant du lac Léman. « Je voyais mes patients entrer et beaucoup disaient spontanément : je me sens déjà mieux, rien qu’en regardant. » Il raconte cette anecdote avec un sourire éloquent : la lumière agissait, régulait, apaisait, avant même le début de la thérapie verbale. 

La lumière naturelle est reconnue pour réguler les hormones, stimuler la vigilance et adoucir les humeurs sombres. Mais au-delà de la biologie, elle ouvre pour lui l’horizon mental. « Si vous êtes face à un mur, même en plein jour, ce n’est pas la même chose que de voir un lac ou une forêt qui ouvre la perspective, le champ des possibles. » 

Cette même quête de clarté, Piccard l’applique au débat public contemporain. Il déplore que notre époque, paradoxalement saturée d’écrans et de certitudes binaires, assiste à un retour inquiétant de l’obscurantisme. « Le siècle des Lumières, c’était la conquête du savoir, le partage des connaissances contre ceux qui voulaient le monopoliser. Aujourd’hui, on voit des forces qui combattent la science elle-même, qui nient la réalité factuelle. » Il exprime une méfiance marquée envers les dogmes, même ceux qui se parent des vertus de l’écologie : « L’écologie devrait être une pensée lumineuse, fédératrice, pragmatique et fondamentalement apolitique. Elle doit être une solution positive, pas une punition. »

L’héritage familial de Piccard est marqué par l’exploration scientifique. Son grand-père, Auguste Piccard, monta jadis dans la stratosphère à bord d’un ballon pour étudier les rayons cosmiques (et inspira à Hergé le professeur Tournesol). Bertrand, lui, poursuit l’ascension, mais de l’intérieur : ses filles, dit-il, ont surtout retenu de lui « l’héritage spirituel et la nécessité de l’élévation personnelle ». 

Face à l’interrogation sur le possible galvaudage du mot lumière, il répond avec une conviction inébranlable : « Il vaut mieux trop en parler que pas assez. La lumière, la compassion, la conscience sont des valeurs fondamentales qui méritent d’être défendues, répétées. Je dirais même… incarnées. »

Il marque une brève pause, puis conclut avec son optimisme caractéristique :  « À court terme, il faut continuer d’explorer de nouvelles manières de voler, de faire progresser la technologie. Mais à long terme, l’humanité doit entreprendre une exploration spirituelle, une croissance de la conscience. » Conclusion : la lumière nous éclaire et nous élève, collectivement.

Cet article vous a passionné ? Nous aussi. Le mois prochain, rencontre avec Raphaël Liégeois.