La dernière tentation de Kris Debusscher

Acteur des Snuls et guitariste mentor d’Allez Allez, come-back cinglant de l’été, Kris Debusscher prépare également La Tchane, une dramédie wallonne pour la télévision.

« Quand il est allé déclarer ma naissance, mon père, qui était Volksunie, ne m’a pas appelé Christian comme le souhaitait ma mère, FDF, mais Kristiaan. Il avait déjà flamandisé le prénom de mon frère Stef.  » Début d’un sketch ? Non, premiers pas dans la vie de Kris (sic) Debusscher, né en 1961 à Hal, et élevé à Anderlecht. Il a 12 ans lorsque papa flamingant, vendeur de machines de boucheries, et maman comptable, décident d’en rester là.  » Toute mon enfance, j’avais subi des engueulades flamands/francophones et là, dans la cour de récréation, j’étais montré du doigt comme enfant de divorcés.  »

Quatre décennies plus tard, le zinneke bilingue habite, en famille, une commune à facilités au sud de Bruxelles. Quand nous le croisons, la veille du concert d’Allez Allez au Brussels Summer Festival, en août dernier, il a les nerfs. Le groupe revenant des années 1980 s’est pourtant reformé en fraîcheur funky, au-delà du parfum revival. Musicien, pourquoi ?  » J’étais un gamin tout maigre, avec de longs cheveux, on me prenait pour une gamine. Et puis vers 17 ans, cela s’est arrangé, le punk est arrivé. J’ai voulu devenir musicien et coucher avec toutes les filles. « Celui qui se définit comme étant alors » un petit roquet, un teigneux « crée les Mad Virgins, l’un des tout premiers bands punk bruxellois, et sa version pop ultérieure, les Mad V.  » Notre premier single s’appelait Suck And Fuck « , dit-il. Pas besoin de traduction. La découverte des Américains du groupe Chic nettoie le binaire à crachats, et voilà Kris au sein d’une nouvelle formation, Marine, en jeune homme moderne – qui n’achèvera pas ses humanités – aux Bains Douches parisiens et au Mirano bruxellois.

Compositeur instinctif, Kris a de l’entrejambe : ado, il paie 3 francs belges par jour un copain consentant pour être appelé  » boss « . Il l’est d’ailleurs, créant en 1981, avec feu Gilles Verlant, un label (Scalp Records) et la trame musicale principale des deux albums d’Allez Allez partis pour la gloire avant que la chanteuse ne tire sa révérence.  » Si Sarah était restée, on aurait été entre Simple Minds et U2, affirme-t-il en souriant. Dans la vie, faut se battre, aller chercher sa chance.  » Kris tâte ensuite de la célébrité dans Les Snuls, fin des années 1980 et suivantes : ce qui démarre comme une joke en réponse aux Nuls de Canal Plus devient, pendant quatre saisons, la belgitude passée à l’huile de foie de morue. Parallèlement, il monte avec son copain des Snuls Nico Fransolet – également dans Allez Allez – une boîte qui réalise des musiques, entre autres pour la pub : carton, fric et tapis rouge.  » On faisait les jingles pour Fanta mondial : on arrivait à New York en business class, puis on prenait l’hélicoptère pour aller au rendez-vous, se remémore-t-il. Un moment, on s’est rendu compte que c’est nous qui payions tout cela (rires). J’ai gagné énormément d’argent mais il n’en reste rien. « 

Entrepreneur, Kris fonde il y a onze ans Ristretto, qui vise le marché alors embryonnaire des films de pub pour Internet. Celui qui se définit comme  » workaholic «  a arrêté l’alcool il y a cinq ans, entre autres, pour garder l’énergie d’auteur-réalisateur, et aussi d’acteur dans la série ertébéenne à succès, Vestiaires. Prochain challenge du boulimique, en couple depuis trente ans et père de deux jeunes hommes : La Tchane, prévue sur la RTBF fin 2018 ou au printemps 2019. Soit l’adaptation, par Kris et son complice Jérémie Bidet, du succès flamand Eigen Kweek.  » Cela se veut populaire mais trash, avec des moments de pleurs et de rires. L’histoire d’une famille de paysans qui, pour des raisons économiques, se reconvertit dans la culture de la beuh et soulève la question : jusqu’où es-tu prêt à aller pour sauver ta famille ? «