La Veuve, drag-queen: « Ce n’est pas un monde tendre, à l’instar du milieu gay masculin. Mais il est ouvert »
Le jour, il est Florian Poullet, graphiste de formation. La nuit, elle est La Veuve, maîtresse de cérémonie barbue au Cabaret Mademoiselle, à Bruxelles. Cette année – quand un certain virus le lui permettait encore -, elle y a lancé ses Vilaines Chroniques Velues où elle familiarise son public à l’histoire LGBT et aux théories queer, entre autres.
Parler de moi, c’est parler des deux. Il y a beaucoup de Florian dans La Veuve et vice-versa. Il lui apporte ses valeurs et elle partage ses convictions devant un public. Ce sont clairement des vases communicants et on apprend énormément l’un de l’autre. Par exemple, elle m’a permis de me rendre compte que j’étais plus militant que je ne le pensais. J’ai une voix et j’aime m’en servir.
Le culte de l’image a engendré une forte compétition dans le milieu. L’apparence y est très importante. Il y a les jolies et les moches, comme dans la vraie vie. Ce n’est pas un monde tendre, à l’instar du milieu gay masculin, plus largement. Mais il est ouvert. Et j’y ai trouvé la place que j’ai voulu prendre. Même si cela n’a pas été facile! J’ai « grandi » avec des drag-queens hyperféminines, des grandes beautés froides. Ça a été un chant de sirènes terrible pour moi. Mais je n’avais pas le terreau fertile pour ça, je ne correspondais pas aux canons et je me suis mangé un mur. Mon drag a disparu pendant très longtemps suite à cela. Puis, le milieu a reçu un véritable coup de projecteur – notamment grâce à la popularité de l’émission américaine RuPaul’s Drag Race – et j’ai voulu réessayer. Heureusement, le monde avait évolué; les attentes, également.
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Aujourd’hui, le drag est plus diversifié que jamais. Et c’est une très bonne chose. C’est un art performatif qui ne devrait jamais être limitant. Cela irait à l’encontre de son principe premier: flouter les frontières. Finalement, tout cela revient à être « autre chose », à se l’autoriser. Et toutes les envies sont valables! Il n’est plus limité par des barrières, n’est plus défini par des étiquettes puisque, finalement, elles sont toujours difficiles à utiliser et appartiennent exclusivement à ceux qui les emploient.
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L’histoire LGBT, on ne nous l’apprend nulle part. Ce n’est pas enseigné à l’école; ça ne passe pas à la télévision. Je veux dire par là que si on n’a pas une démarche volontaire de se renseigner là-dessus, il n’y a nulle part où s’abreuver de ces connaissances. C’est pourtant un sujet qui mérite amplement d’être abordé. Au Cabaret Mademoiselle, j’ai le privilège d’avoir 120 paires d’oreilles attentives devant moi. Et je trouve cela chouette de leur rappeler – ou de leur faire découvrir – les personnes qui ont amené notre communauté où elle en est aujourd’hui. Savoir d’où l’on vient, c’est le meilleur moyen de savoir où l’on va.
Le transformisme est un rituel puissant. Le maquillage, c’est presque de l’alchimie! A chaque coup de pinceau, le personnage rapplique un peu plus. La personnalité évolue, la voix change, les blagues un peu bitchy se ramènent et la gestuelle se modifie. C’est un moment de passage qui n’est pas anodin: tu enlèves tes attributs de mec pour enfiler tes couches de fille. On devient quelqu’un d’autre même si cette entité n’est pas entièrement séparée de qui l’on est.
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La maternité existe aussi chez les drag-queens. On n’en devient pas une du jour au lendemain. Souvent, on apprend le maquillage, le langage corporel, la marche sur talons hauts grâce à une tierce personne, elle-même drag-queen. C’est ce qu’on appelle une drag-mother. Celle qui t’emmène d’un point A à un point B. Et, souvent, la relation qui en découle est assez forte et signifiante. Il y a une certaine fierté, belle et grisante, à dire: « C’est ma mère » ou « C’est ma fille ». Aux Etats-Unis, la filiation est bien plus forte que chez nous. Des drag-queens ont donné naissance à de véritables arbres généalogiques où les descendantes partagent toutes le même nom famille.
La fête, c’est d’arriver à être qui l’on est. C’est passer du temps avec des personnes qui me correspondent, sans avoir à me préoccuper de la manière dont je suis perçue. Et la fête, c’est avant tout les gens. C’est fou comme ils me manquent… Même si ça va être bizarre de retrouver une proximité qu’on a mise au placard. Je rêve de pouvoir, sans contrainte, profiter de mes compères humains à nouveau, de danser collé-serré, de transpirer ensemble, de brûler la chandelle par les deux bouts. J’ai peur et j’ai aussi envie que les retrouvailles soient orgiaques. Je crains les débordements… mais ils seront tellement mérités!
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