Entretien vérité avec Raphaël Haroche - Getty Images
Entretien vérité avec Raphaël Haroche - Getty Images

Raphaël sort son premier roman et nous a accordé une interview sans tabou

Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Aussi à l’aise avec les mots qu’ils soient posés sur des mélodies ou couchés sur le papier, Raphaël Haroche, chanteur et Goncourt 2017 de la nouvelle, sort son premier roman, Avalanche, et est en concert au Cirque Royal ce 18 janvier.

À l’occasion, il a accepté de se prêter pour nous au jeu de l’interview, et a répondu sans langue de bois à nos questions. Ecriture, nostalgie, amour… Raphaël nous dit (presque) tout.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’approche de la sortie de votre premier roman?

Je ne relis jamais mes livres une fois qu’ils sont publiés. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, peut-être parce que je connais déjà l’histoire? On pourrait dire que c’est pareil pour ma musique, mais il m’arrive parfois de retomber dessus par hasard, ou de la réécouter quand je prépare un nouveau disque. Si on m’avait dit un jour que j’écrirais trois bouquins, je n’y aurais pas cru. Je n’aurais jamais pensé être écrivain, cela m’apparaissait inaccessible, presque comme s’ils appartenaient à une autre civilisation.

Pourquoi avoir opté pour ce format, après la chanson et les nouvelles?

L’écriture ouvre la porte d’une autre dimension. L’idée d’écrire un roman et de pouvoir vivre longtemps avec mes personnages, les voir grandir, me plaisait. On peut avoir l’impression de décider de la destinée de ses personnages, mais ce n’est pas tout à fait vrai, ils évoluent et nous emmènent avec eux par un processus mystérieux. Finalement, j’ai l’impression d’avoir parfois plus suivi leur direction qu’eux la mienne.

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Quelle direction ?

La famille est une ressource inépuisable. A commencer par les parents et tout le territoire de la petite enfance: c’est là qu’on apprend les sensations, le langage, les émotions… Les perceptions qui vont nous accompagner toute notre vie se construisent dans ce terrain-là. Avalanche parle aussi de ça, du fait qu’on ne guérit jamais vraiment de son enfance. Pour ma part, elle a été heureuse, j’ai eu la chance d’avoir des parents très aimants, mais malgré tout une forme d’inquiétude planait aussi en permanence. En ça, Nicolas est le personnage dont je me sens le plus proche dans mon roman. Ses angoisses font écho aux miennes.

‘On ne guérit jamais vraiment de son enfance. Les perceptions qui vont nous accompagner toute notre vie se construisent dans ce terrain-là.’

Des angoisses qui peuvent se refléter aussi dans certaines de vos chansons?

L’amour ne s’exprime nulle part aussi bien que dans les chansons. Prenez Amoureuse de Véronique Sanson ou Ne me quitte pas interprété par Nina Simone: elles racontent mieux l’amour qu’aucun livre ne sera jamais capable de le faire. Aujourd’hui, je suis très heureux en amour. Quand on est depuis très longtemps avec quelqu’un (NDLR: Raphaël est en couple depuis 2002 avec l’actrice Mélanie Thierry), il y a parfois des périodes où ça va moins bien, mais cette capacité de réparation inépuisable est ce qu’il y a de plus beau.

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Quel lien entretenez-vous avec le passé?

La nostalgie est un sentiment magnifique. Il y a cette idée de paradis perdu, presque comme un sentiment amoureux. C’est merveilleux. On peut avoir la nostalgie d’une patrie perdue, de l’enfance, de l’amour… Le seul pays dans lequel on ne pourra jamais revenir, c’est le passé. Je suis quelqu’un de très nostalgique, mais d’une nostalgie joyeuse, les musiques que j’aime ont tendance à être mélancoliques et tourner autour des mêmes thèmes, de Bob Marley à Leonard Cohen.

Et puis le passé de votre famille est assez rocambolesque, aussi…

On n’échappe pas à son destin. En 1930, mes arrière-grands-parents étaient en exploration en Extrême-Orient quand ils ont échappé au naufrage d’un bateau dans lequel a péri le célèbre journaliste Albert Londres. Chargés de ramener ses documents à Paris, ils sont morts dans le crash de l’avion envoyé par le journal qui l’employait pour les rapatrier en France ».

Vous êtes papa de deux garçons, dont les deux parents sont célèbres… Quel regard portez-vous sur le débat autour des « nepo babies »?

Qu’on soit une vedette ou un patron du CAC 40, le népotisme fonctionne de la même manière. Ceci étant, alors qu’on va avoir des familles de comédiens, en règle générale, les enfants de chanteur ont beaucoup de mal à percer dans la musique. Il suffit de regarder les fils de John Lennon ou de Bob Dylan. En musique, le piston ne fonctionne pas parce qu’il faut avoir une individualité très particulière, un univers qui n’appartient qu’à soi. Il y a cette nécessité d’être le moteur complet de son propre monde. En tant que père, j’aimerais que mes enfants aient un bagage solide, qu’ils soient cultivés, mais surtout qu’ils soient heureux.

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C’est quoi, être heureux?

Le bonheur, c’est d’être en bonne santé et d’avoir la possibilité d’aimer et être aimé. Je m’émerveille de tout, chaque jour, et même s’il m’arrive de faire la gueule, 99% du temps, je me dis que j’ai une chance inouïe. Je vis des activités que j’aime le plus au monde, je suis très heureux en amour, je m’entends bien avec mes parents… Schopenhauer dit qu’on reconnaît un homme heureux à la futilité de ses soucis, je suis assez d’accord avec lui.

Avalanche, par Raphaël Haroche, Gallimard. En concert le 18 janvier au Cirque Royal, cirque-royal-bruxelles.be

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